Les funérailles, un choc pour les «forces du changement» et «les souverainistes»: Le Hezbollah s’est vraiment rétabli

Par Nada Ayyoub*
Le Hezbollah a réussi à maintenir les funérailles de ses deux secrétaires généraux martyrs, sayyed Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine sans qu’aucun minime incident ne vienne perturber leur solennité.
Ce fait a empêché les adversaires de ce parti de profiter d'images, de nouvelles ou de tout élément négatif lié à ces obsèques.
Au cours de la semaine précédant le dimanche, beaucoup ont parlé du défi auquel le parti était confronté pour prouver s'il conservait encore la formidable capacité d’organisation qui lui avait été reconnue. Surmonter ce défi était, par son importance et ses implications, aussi significatif que la mobilisation massive de personnes présentes lors des funérailles.
Cependant, le spectacle soigneusement orchestré, l'organisation rigoureuse et la discipline du public lors de ce rassemblement gigantesque, caractérisé par une diversité identitaire, politique, religieuse et culturelle, ont profondément choqué ses adversaires issus des forces du «changement» et des «souverainistes». Ce dimanche a imposé un silence total mais non pas par respect pour les funérailles car les critiques de ces forces et des groupes qui leur sont affiliés à l'égard du parti et de la personne du martyr Nasrallah avaient atteint leur paroxysme dans les trois jours précédant les funérailles, transformant l'événement en un sujet de division parmi les Libanais, voire en moquerie, sans égard pour les sentiments de l’autre.
Pour comprendre ce choc, il faut revenir au discours d'un grand nombre de forces «souverainistes» et de «changement» -y compris l'«opposition chiite» - depuis le 27 septembre 2024, date de l'assassinat de sayyed Nasrallah, et jusqu'à quelques heures avant les funérailles, où ils déclaraient «la fin de Hezbollah en tant qu'entité politique et militaire», minimisant les exploits des résistants face à l'ennemi dans les villages frontaliers, et réduisant l'importance de la procession des habitants du Sud vers leurs villages libérés, brandissant les drapeaux du parti (qui était censé être terminé)... avant que le mutisme ne s'installe après le spectacle du dimanche. Quant à ceux qui ont rompu ce silence, ils ont déclaré que «l'ère de Nasrallah et de sa voie est terminée, et qu'une nouvelle ère, celle de (cheikh Naim) Qassem, qui se dirige davantage vers l'État, a commencé.»
Tout ce qui parvient des impressions de ces adversaires confirme qu'un «choc multidimensionnelle» a frappé ceux qui pariaient sur les résultats de la guerre «israélienne» contre le parti et son milieu populaire.
La première surprise pour eux a été l'organisation minutieuse de ce vaste rassemblement, après qu'ils aient développé une «conviction» à la suite d'une série d'assassinats visant des leaders du premier et du deuxième rang, selon laquelle le Hezbollah avait perdu sa capacité de contrôle et de gestion, et que l'organisation s'était «effondrée de l'intérieur» et était «dans un état de désorientation».
Le spectacle des funérailles a confirmé ce que le secrétaire général du parti, cheikh Naïm Qassem, a répété depuis sa première apparition pendant la guerre : le parti a réorganisé ses rangs. Cela a montré à ce groupe que le parti s'était effectivement remis des revers subis par sa structure humaine, et a confirmé qu'il s'agissait d'une organisation consistante, capable de contrôler et de produire une image réfléchie et soignée. En effet, chaque membre a joué son rôle sans erreur aucune, lors d’un événement des plus délicats, comme une horloge suisse.
La discipline du public a également été au centre des discussions dans les milieux «souverainistes» et «du changement». En effet, «le public n’a pas agi avec émotion malgré le moment poignant, ni sous la pression de ceux qui avaient lancé des campagnes contre lui la veille des funérailles».
Pour ces groupes, ce rassemblement n'a pas été considéré uniquement dans l'immédiateté de l'événement, mais également dans les 48 heures qui ont précédé son organisation. Comment un parti supposé révolu a-t-il pu convaincre les familles des martyrs, des blessés, des sinistrés et des déplacés de se rassembler à Beyrouth moins de 24 heures avant les funérailles, en passant de longues heures sur les routes entre le Sud, la Bekaa et Beyrouth, malgré les conditions météorologiques ?
Cela a suscité l'irritation de ceux qui aspirent à percer les listes du duo Hezbollah-Amal lors des prochaines élections législatives. De fait, le dimanche n'était pas seulement un enterrement, mais un «vote sur le terrain» en faveur du Hezbollah, d'autant plus que le rassemblement portait des messages du public «d'unité face à l'assaut que nous subissons», rendant ainsi la tâche plus difficile pour les adversaires.
En revanche, les milieux des forces «du changement» ont exprimé leur mécontentement face à la «représentation officielle» de l'État lors des funérailles, en insinuant l'absence d'alliés du parti, ce qui suggérait que le parti était politiquement isolé à l'intérieur. Cependant, ces groupes ont réalisé que le parti, avant-hier, était fort grâce à lui-même et à son public qui l'a soutenu et a soutenu sa résistance pendant la guerre, choisissant de ne pas ouvrir de comptes après le cessez-le-feu.
De plus, leur mécontentement venait du fait qu'un groupe représentant une large frange de la population s'est rassemblé autour de Hezbollah, avec certains participants aux funérailles du martyr, bien qu'ils aient été en désaccord avec lui sur de nombreux aspects internes, n'ayant pas donné leur voix électorale lors des législatives. Certains avaient même participé au vote contre les listes du parti. Ils s’étaient également confrontés au Hezbollah lors du soulèvement du 17 octobre. Cependant, lorsqu'ils ont ressenti qu'Israël tentait de redessiner le Moyen-Orient, ils ont décidé de se rassembler autour de la Résistance qui fait face à cet ennemi, mettant de côté leur hostilité. Ces personnes, qualifiées de «camarades d'hier», sont ciblées par des critiques, et sont décrites comme appartenant à la «nouvelle Résistance»; une frange qui confère à la Résistance une dimension nationale, dont le Hezbollah devrait tirer parti.
*Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par Al-Ahed