L’Irak ou l’échec des stratégies américaines au Moyen-Orient
Par Antoine Charpentier
Depuis quasiment une quinzaine d’année, la politique extérieure des États-Unis consiste en premier lieu à pratiquer une ingérence sans gêne ni retenue dans les affaires internes de plusieurs nations à travers le monde. Ceci est bien visible depuis le 20 mars 2003 au Moyen-Orient, notamment en Irak. La seconde intervention des États-Unis dans ce pays n’a pas endigué le terrorisme international, à l’inverse ce dernier a pris d’énormes proportions par le soutien implicite ou explicite des administrations américaines successives et leurs alliés dans la région.
Il convient de préciser qu’à la suite des attentats contre le World Trade Center, le 11 septembre 2001, les États-Unis avec à leur tête le président Georges W Bush estimaient que leurs «devoirs divins» étaient de combattre le terrorisme, dont ils ont en réalité été les premiers impulseurs, favorisant son émergence.
Il convient de préciser également que la plupart des terroristes impliqués dans les attentats du 11 septembre 2011 contre le World Trade Center étaient d’origines saoudiennes, pourtant Georges W Bush s’est attaqué à l’Afghanistan, puis à l’Irak, qualifiant ces deux pays de source par excellence du terrorisme international.
Cependant les choix politiques, les postures et attitudes des États-Unis ont porté d’énormes préjudices à l’Irak et à l’ensemble du Monde arabe. Depuis l’intervention de 1991 lorsque Saddam Hussein a envahi le Kuweit, l’Irak croule sous le joug des américains qui ont tenté à multiples reprises sa division, mais ils ont été confrontés à une résistance acharnée, qui a contraint le président Barak Obama à retirer ses troupes vaincues d’Irak, affirmant que: «C’était une guerre stupide».
À en croire les spécialistes et les experts américains, il est certain que les campagnes militaires en Irak étaient un fiasco total, qui a bien entamé la décadence de la politique extérieure américaine dans le monde, le tout accentué par l’arrivée de Donald Trump à la maison Blanche. L’échec de la politique étrangère américaine et les campagnes militaires en Irak ont détérioré l’image des États-Unis dans l’arène mondiale.
Il est indéniable que ce qui attire les États-Unis au Moyen-Orient n’est ni l’établissement de la Démocratie, ni le respect des libertés, mais uniquement la position stratégique de cette zone du monde au carrefour des communications mondiales, dont l’Irak est une des pièces maîtresses. L’intérêt des États-Unis se situe pour l’essentiel au niveau des immenses sources énergétiques, surtout en Irak, dont les États-Unis n’ont pas réellement besoin. Cependant, dans la pensée politique américaine cela constitue une de leurs réserves stratégiques. Par conséquent en monopolisant les ressources énergétiques au Moyen-Orient et notamment en Irak, les États-Unis comptent priver la Chine montante de ces ressources qui peuvent lui être indispensables. De ce fait, nous comprenons toutes les attaques des amis des États-Unis en Irak envers le premier ministre Adel Abdel-Mahdi, le poussant à la démission, lorsqu’il a signé un accord avec la Chine consistant à reconstruire l’infrastructure irakienne pour un montant d’environ 500 milliards de dollars, tandis que l’Irak remboursera la Chine en pétrole. Ceci diminue la rente et l’influence des États-Unis en Irak et en même temps l’échange entre les deux pays en question échappera à l’hégémonie du dollar.
La guerre en Irak a complétement détruit l’idée d’un monde unipolaire, puisque par ses choix politiques les États-Unis ont suscité les interventions de plusieurs acteurs sur la scène moyenne orientale comme la Russie, la Chine ou encore l’Iran. Les défaillances des États-Unis au Moyen-Orient en général et en Irak en particulier ont permis à ces pays d’y prendre place et d’exercer leur influence stratégique.
L’aveuglement et l’arrogance des États-Unis les ont poussés à assassiner de manière abjecte et criminelle le général Qassem Soleimani et le vice-président du Hachd Al-Chaabi, Abou Mahdi Al-Mouhandis. Cet acte a poussé le parlement irakien a voté une loi exigeant la sortie sans condition de toutes les forces militaires étrangères, notamment américaines de son territoire. Par l’assassinat des deux chefs Soleimani et Mouhandis, les Américains se sont engouffrés dans une impasse, dans un Irak faible économiquement et industriellement, où le renouvellement politique est quasi impossible, où corruption et clientélisme font ravage. Par conséquent, les causes principales à cela sont les différents montages constitutionnels et politiques américains qui ont amplifié les divisions, accentuant les divergences entre les citoyens irakiens.
Il convient de préciser qu’aujourd’hui et après avoir éradiqué «Daech», le Hachd Al-Chaabi est l’acteur le plus puissant au sein des forces irakiennes. Toutefois, c’est à ce dernier que l’armée américaine aurait à faire en cas de refus de quitter l’Irak, comme convenu par le vote du parlement début janvier 2020. Quant à l’Iran, il dispose de plusieurs leviers politiques et culturels ainsi que de points en communs avec le peuple irakien, contrairement aux États-Unis, et que la conjoncture actuelle au Moyen-Orient ne permettra pas aux américains de les acquérir.
Enfin, il ne reste aux États-Unis que deux solutions. La première est d’effectuer une nouvelle intervention militaire d’envergure en Irak, ce qui aboutirait à une guerre généralisée et à une défaite sans appel à la clé, puisque ni l’armée américaine, ni ses alliés du Golfe, ni leur ami israélien n’est en mesure d’affronter l’axe de la résistance dont l’Iran est une pièce maîtresse. La seconde solution pourrait être la mise à exécution de la menace de Donald Trump de priver l’Irak de ses rendements du pétrole. Dans ce cas, l’Irak pourrait aussi s’ouvrir à la Russie, à la Chine, à l’Iran ainsi qu’à d’autres pays dans le monde afin de commercialiser son pétrole. Les États-Unis ont perdu à jamais l’Irak.