Ici le Liban, ou «Daech»?
Ici le Liban.
Le 25 août 2014. Ici, tout près de «l’EI» et d’«Al-Nosra», dans les montagnes attenantes à Ersal. Ici, où le Libanais se sent menacé par un obus, une bombe, une bataille ou un enlèvement. Ici, où le Libanais se sent mis à découvert, dépourvu de toute protection, non sauvegardé par aucune barrière politique, ou par une force militaire compétente.
Ici, le Libanais sent que ses dirigeants sont toujours assis dans leurs sièges, en train de narrer l’histoire minable de la présidentielle, et les détails des lois inconcevables (élection du président par le peuple, où il n’y a pas de peuple). Ils font concurrence pour se cacher dans des labyrinthes hasardeux.
Ici, le Libanais sent que ses dirigeants, irréductibles, ignorent la nature du pays, bâti de verre. Du verre sillonné de lignes de sang et d’images inquiétantes qui reflètent la réalité d’un peuple impuissant, affligé par ses leaders, ses partis, ses institutions, son armée, sa sécurité ou ses composantes confessionnelles. Un peuple dépourvu de tout espoir sérieux, qui pourrait être traduit en positions effectives contre les groupes takfiris, constitués de «Daech» et d’«Al-Nosra» et contre ceux qui les soutiennent au Liban et dans la région.
Ici, le Liban.
Un seul homme a crié un avertissement, à tous, avec une gorge blessée: «Le Liban est en danger existentiel. Qu’on mette de côté nos différends pour affronter Daech et ses frères…». En vain. Un cri dans le désert. Sur ce, pavez la voie à la grande sédition. Cet homme qui vit dans l’œil du cyclone israélien, toujours occupé dans les préparatifs de la bataille contre l’ennemi et contraint de protéger son dos et son front, réalise que «Daech» et «Al-Nosra» ne sont pas un des chapitres de la politique passagère, sujet de commentaires, d’analyses et de déclarations. Il réalise que «Daech» et «Al-Nosra» constituent deux menaces existentielles…pour les affronter, il faut s’élever au niveau de la défense, et profiter de toute la force du Liban, armée, peuple, partis et alliances.
Mais nul n’en a l’intention. Le discours de sayed Nasrallah est entendu, cru et compris par «Israël». Alors que les autres, se contentent de riposter par les accusations. Ils lui attribuent la responsabilité des crises, celles du passé et de l’avenir. En vain. Pas d’espoir. L’observateur s’étonne d’une telle insensibilité. D’un tel calme, de cette fuite en avant, de cet abandon. De toutes ces trahisons, sans sentiment de remord. Aucun. L’observateur neutre, (supposons le Suisse), se trouve scandalisé par ces positions grises, à la suite du déclenchement de la dernière bataille de Ersal et de la suprématie de l’ennemi sur le front, dans le combat, dans l’offensive et dans le retrait suspect, et la prise en otage d’un certain nombre de militaires, dont la libération est négociée, par la force et l’intimidation.
Ces évènements se déroulent dans un contexte de flux de déclarations soutenant l’armée et d’appels à resserrer les rangs ; des vagues de mensonges et de justifications…
Ce pays n’a pas bâti une armée pour combattre «Israël». Il ne le fera pas…il n’a pas bâti une armée pour combattre «Daech». Pour cette raison, la bataille de Ersal a engendré de lourdes pertes: 20 otages de l’armée libanaise, dans des conditions encore inconnues, 15 otages des Forces de Sécurité intérieure, et 15 martyrs de l’armée de différents grades militaires.
Ici, au Liban, les Libanais vivent à la frontière de l’EI, dans le jurd de Ersal et à la frontière de sa zone protégée, tout en étant conscients que «Daech» a formé des cellules dormantes dans des régions qui lui sont propices (ce serait une illusion mais aussi un cauchemar). Des cellules qui se réveilleront un jour pour installer l’émirat dans des régions libanaises. D’ailleurs, c’est ce que montre la carte géographique suspecte, crédibilisée par les pays régionaux. Ces derniers ayant parrainé «l’Islam politique jihadiste», ainsi que ses branches meurtrières, ressentent désormais le péril de cette organisation, et convoquent des réunions en Arabie, afin d’y débattre les menaces de «Daech».
Cinq pays régionaux, noyau solide du groupe des amis de la Syrie (ou plutôt des ennemis de la Syrie), l’Arabie, la Jordanie, Qatar (oui, lui-même), les Emirats, aux côtés de l’Egypte, débattent les moyens d’affronter leur beau-fils, sachant que les drapeaux noirs de ce dernier ne flottent pas près de chez eux, ni les décapitations ne les atteignent…
Tous ces pays, sauf le Liban. Il ferme les yeux, le cœur et la raison, tout en étant dans l’œil du cyclone. Les pays européens pressent pour équiper les armées de la région. Ils livrent les munitions, les expertises et les experts pour affronter les barbares. Les Etats-Unis avaient devancé le repositionnement européen. Ils ont même pilonné les postes de «Daech» dans le nord de l’Irak et se préparent à les frapper en Syrie, sans toutefois donner de signe positif au régime syrien. Le monde en entier se prépare à la lutte, y compris le Conseil de Sécurité…à l’exception du Liban. Une seule explication à ce fait: Nos responsables sont du type commercial sordide. Ils considèrent les évènements comme une marchandise qu’ils sont en mesure de promouvoir dans un marché bondé de partisans toujours enthousiastes à leurs positions, en vertu de l’intolérance aveugle. Pas d’accusation arbitraire: qu’a fait le Conseil des ministres? Rien. Qu’a-t-il avancé à l’armée? Rien. Quelle est l’histoire des milliards saoudiens? Incomprise. Qu’a fait le Parlement? Rien. D’ailleurs, il peut se justifier. Il est fermé par la volonté de ses députés. Quelle honte! Qu’ont fait les dirigeants des partis et des courants? Rien.
Deux seules exceptions: Sayed Nasrallah et Joumblat. Mais ils n’ont point réussi à modifier les positions des autres forces politiques, toujours obstinées.
Qu’a fait le Futur? Rien. Qu’ont fait les Aounistes? Rien. La hausse du ton ne signifie rien. Se suffire à crier gare, à avertir de la catastrophe, ne mène nulle part. Il pourrait être destructeur. Qu’ont fait les Forces Libanaises? Elles ont dit qu’elles enterreront «Daech» au Liban. Comment? Le plus dangereux, réside dans l’attitude des hommes de religion. Qu’ont-ils fait? Rien.
Seulement sur une scène surréaliste, le spectacle religieux à Erbil peut être le monopole des patriarches et évêques chrétiens. De la folie. Sont-ils allés pour se lamenter? Bon. La vertu des pleurs est un indice sur l’ampleur de la souffrance et l’incapacité d’agir…c’était plutôt les religieux sunnites libanais qui devaient s’y rendre. Mais la majorité de ceux-là observent le mutisme.
La suspicion augmente. Leurs éminences n’ont pas encore condamné les exactions de «Daech». Peut-être, selon leurs calcul, la condamnation serait dans l’intérêt des Chiites…imaginez où nous en sommes. Comme si rien n’a encore eu lieu.
Le mutisme retentissant n’est qu’hommage secret rendu aux «jihadistes» en Syrie, en Irak et au «Califat», dans son Etat moderne. En effet, Baghdadi jouit au Liban de disciples tenaces.
Affronter «Daech» au Liban ne revêt donc aucune crédibilité. Les forces libanaises ne sont point en mesure de nous annoncer leur plan pour contrer cette organisation. Pas de possibilités pour la tenue d’une conférence où les différentes parties s’interrogeraient sur les moyens d’affronter «Daech» et avec l’aide de qui? Un tel débat, ou moins encore, est irréalisable. Malheur à nous. Nous méritons tout ce qui nous attend. Nous pleurerons à notre tour. Les larmes ne seront pas une surprise. Le sang coulera. La frayeur ne constituera pas une tare, ni la lâcheté, une traitrise. En dépit de ce fait, certains font preuve d’optimisme et aspirent à l’espoir, dans cette nuit peuplée de meutes de loups qui hurlent près de nous. Et en nous….
Tenons au peu d’espoir qui reste encore, même s’il s’avère chimérique.
Demain…on n’écrirait pas Ici le Liban, mais plutôt, Ici «Daech».
Artcile paru dans le quotidien libanais As-Safir, traduit par l'équipe du site
Le 25 août 2014. Ici, tout près de «l’EI» et d’«Al-Nosra», dans les montagnes attenantes à Ersal. Ici, où le Libanais se sent menacé par un obus, une bombe, une bataille ou un enlèvement. Ici, où le Libanais se sent mis à découvert, dépourvu de toute protection, non sauvegardé par aucune barrière politique, ou par une force militaire compétente.
Ici, le Libanais sent que ses dirigeants sont toujours assis dans leurs sièges, en train de narrer l’histoire minable de la présidentielle, et les détails des lois inconcevables (élection du président par le peuple, où il n’y a pas de peuple). Ils font concurrence pour se cacher dans des labyrinthes hasardeux.
Ici, le Libanais sent que ses dirigeants, irréductibles, ignorent la nature du pays, bâti de verre. Du verre sillonné de lignes de sang et d’images inquiétantes qui reflètent la réalité d’un peuple impuissant, affligé par ses leaders, ses partis, ses institutions, son armée, sa sécurité ou ses composantes confessionnelles. Un peuple dépourvu de tout espoir sérieux, qui pourrait être traduit en positions effectives contre les groupes takfiris, constitués de «Daech» et d’«Al-Nosra» et contre ceux qui les soutiennent au Liban et dans la région.
Ici, le Liban.
Un seul homme a crié un avertissement, à tous, avec une gorge blessée: «Le Liban est en danger existentiel. Qu’on mette de côté nos différends pour affronter Daech et ses frères…». En vain. Un cri dans le désert. Sur ce, pavez la voie à la grande sédition. Cet homme qui vit dans l’œil du cyclone israélien, toujours occupé dans les préparatifs de la bataille contre l’ennemi et contraint de protéger son dos et son front, réalise que «Daech» et «Al-Nosra» ne sont pas un des chapitres de la politique passagère, sujet de commentaires, d’analyses et de déclarations. Il réalise que «Daech» et «Al-Nosra» constituent deux menaces existentielles…pour les affronter, il faut s’élever au niveau de la défense, et profiter de toute la force du Liban, armée, peuple, partis et alliances.
Mais nul n’en a l’intention. Le discours de sayed Nasrallah est entendu, cru et compris par «Israël». Alors que les autres, se contentent de riposter par les accusations. Ils lui attribuent la responsabilité des crises, celles du passé et de l’avenir. En vain. Pas d’espoir. L’observateur s’étonne d’une telle insensibilité. D’un tel calme, de cette fuite en avant, de cet abandon. De toutes ces trahisons, sans sentiment de remord. Aucun. L’observateur neutre, (supposons le Suisse), se trouve scandalisé par ces positions grises, à la suite du déclenchement de la dernière bataille de Ersal et de la suprématie de l’ennemi sur le front, dans le combat, dans l’offensive et dans le retrait suspect, et la prise en otage d’un certain nombre de militaires, dont la libération est négociée, par la force et l’intimidation.
Ces évènements se déroulent dans un contexte de flux de déclarations soutenant l’armée et d’appels à resserrer les rangs ; des vagues de mensonges et de justifications…
Ce pays n’a pas bâti une armée pour combattre «Israël». Il ne le fera pas…il n’a pas bâti une armée pour combattre «Daech». Pour cette raison, la bataille de Ersal a engendré de lourdes pertes: 20 otages de l’armée libanaise, dans des conditions encore inconnues, 15 otages des Forces de Sécurité intérieure, et 15 martyrs de l’armée de différents grades militaires.
Ici, au Liban, les Libanais vivent à la frontière de l’EI, dans le jurd de Ersal et à la frontière de sa zone protégée, tout en étant conscients que «Daech» a formé des cellules dormantes dans des régions qui lui sont propices (ce serait une illusion mais aussi un cauchemar). Des cellules qui se réveilleront un jour pour installer l’émirat dans des régions libanaises. D’ailleurs, c’est ce que montre la carte géographique suspecte, crédibilisée par les pays régionaux. Ces derniers ayant parrainé «l’Islam politique jihadiste», ainsi que ses branches meurtrières, ressentent désormais le péril de cette organisation, et convoquent des réunions en Arabie, afin d’y débattre les menaces de «Daech».
Cinq pays régionaux, noyau solide du groupe des amis de la Syrie (ou plutôt des ennemis de la Syrie), l’Arabie, la Jordanie, Qatar (oui, lui-même), les Emirats, aux côtés de l’Egypte, débattent les moyens d’affronter leur beau-fils, sachant que les drapeaux noirs de ce dernier ne flottent pas près de chez eux, ni les décapitations ne les atteignent…
Tous ces pays, sauf le Liban. Il ferme les yeux, le cœur et la raison, tout en étant dans l’œil du cyclone. Les pays européens pressent pour équiper les armées de la région. Ils livrent les munitions, les expertises et les experts pour affronter les barbares. Les Etats-Unis avaient devancé le repositionnement européen. Ils ont même pilonné les postes de «Daech» dans le nord de l’Irak et se préparent à les frapper en Syrie, sans toutefois donner de signe positif au régime syrien. Le monde en entier se prépare à la lutte, y compris le Conseil de Sécurité…à l’exception du Liban. Une seule explication à ce fait: Nos responsables sont du type commercial sordide. Ils considèrent les évènements comme une marchandise qu’ils sont en mesure de promouvoir dans un marché bondé de partisans toujours enthousiastes à leurs positions, en vertu de l’intolérance aveugle. Pas d’accusation arbitraire: qu’a fait le Conseil des ministres? Rien. Qu’a-t-il avancé à l’armée? Rien. Quelle est l’histoire des milliards saoudiens? Incomprise. Qu’a fait le Parlement? Rien. D’ailleurs, il peut se justifier. Il est fermé par la volonté de ses députés. Quelle honte! Qu’ont fait les dirigeants des partis et des courants? Rien.
Deux seules exceptions: Sayed Nasrallah et Joumblat. Mais ils n’ont point réussi à modifier les positions des autres forces politiques, toujours obstinées.
Qu’a fait le Futur? Rien. Qu’ont fait les Aounistes? Rien. La hausse du ton ne signifie rien. Se suffire à crier gare, à avertir de la catastrophe, ne mène nulle part. Il pourrait être destructeur. Qu’ont fait les Forces Libanaises? Elles ont dit qu’elles enterreront «Daech» au Liban. Comment? Le plus dangereux, réside dans l’attitude des hommes de religion. Qu’ont-ils fait? Rien.
Seulement sur une scène surréaliste, le spectacle religieux à Erbil peut être le monopole des patriarches et évêques chrétiens. De la folie. Sont-ils allés pour se lamenter? Bon. La vertu des pleurs est un indice sur l’ampleur de la souffrance et l’incapacité d’agir…c’était plutôt les religieux sunnites libanais qui devaient s’y rendre. Mais la majorité de ceux-là observent le mutisme.
La suspicion augmente. Leurs éminences n’ont pas encore condamné les exactions de «Daech». Peut-être, selon leurs calcul, la condamnation serait dans l’intérêt des Chiites…imaginez où nous en sommes. Comme si rien n’a encore eu lieu.
Le mutisme retentissant n’est qu’hommage secret rendu aux «jihadistes» en Syrie, en Irak et au «Califat», dans son Etat moderne. En effet, Baghdadi jouit au Liban de disciples tenaces.
Affronter «Daech» au Liban ne revêt donc aucune crédibilité. Les forces libanaises ne sont point en mesure de nous annoncer leur plan pour contrer cette organisation. Pas de possibilités pour la tenue d’une conférence où les différentes parties s’interrogeraient sur les moyens d’affronter «Daech» et avec l’aide de qui? Un tel débat, ou moins encore, est irréalisable. Malheur à nous. Nous méritons tout ce qui nous attend. Nous pleurerons à notre tour. Les larmes ne seront pas une surprise. Le sang coulera. La frayeur ne constituera pas une tare, ni la lâcheté, une traitrise. En dépit de ce fait, certains font preuve d’optimisme et aspirent à l’espoir, dans cette nuit peuplée de meutes de loups qui hurlent près de nous. Et en nous….
Tenons au peu d’espoir qui reste encore, même s’il s’avère chimérique.
Demain…on n’écrirait pas Ici le Liban, mais plutôt, Ici «Daech».
Artcile paru dans le quotidien libanais As-Safir, traduit par l'équipe du site