Le cas de Mohammed Merah

Soraya Hélou

Une fois de plus, les médias français étonnent le monde. Ceux qui les ont suivis au cours des deux derniers jours ont sans doute été choqués d’abord par le fait que face à l’actualité de Toulouse, les médias ont complètement oublié le reste du monde et même les autres (nombreux) problèmes des Français. Ensuite parce que ces mêmes médias faisaient une diffusion sélective, visant à montrer Mohammed Merah comme un horrible tueur musulman, mû par la haine des Juifs et de la France. La plupart des chaînes de télévision diffusaient ainsi en direct à partir de Toulouse et ouvraient en permanence leurs antennes aux spécialistes et autres experts pour tenter d’expliquer ce qu’elles considèrent comme inexplicable. Et lorsqu’un avocat qui avait défendu Mohammed Merah pour une délinquance mineure il y a quelques années, a tenté d’expliquer que le jeune homme avait voulu s’enrôler dans l’armée française avant d’essuyer un refus, tout comme il avait sollicité plusieurs jobs au sein de l’appareil de l’Etat, toujours en vain, et que ces rejets successifs avaient provoqué en lui une grande frustration qui s’était développée au point de le pousser à agir comme il l’a fait, il a été interrompu par la journaliste qui ne voulait même pas lui laisser la possibilité de tenter de comprendre les motivations de l’assassin.

Sur une autre chaîne, un journaliste qui faisait la revue de presse et lisait un article qui racontait la galère des nombreux Mohammed Merah de France, citant l’un d’eux qui disait : « ce n’est déjà pas facile de s’appeler Mohammed en France, alors Mohammed Merah c’est désormais terrible », s’est vu lui aussi interrompu par la présentatrice qui n’a pas manqué de préciser sèchement : ce n’est pas parce qu’on s’appelle Mohammed qu’on vit une galère en France…Voilà donc l’attitude d’une grande partie des médias français qui représentent l’élite du pays et qui donnent des leçons au monde entier de démocratie et de liberté et d’ouverture alors qu’ils sont incapables de reconnaître les failles de leur système ainsi que les réalités sur le terrain, sans parler des exigences professionnelles du devoir d’informer. Que l’attitude de certains français, notamment ceux du système provoque une frustration chez de nombreux autres au point de les pousser au radicalisme, à l’extrémisme et à la violence, cela semble inacceptable pour les nombreux meneurs de plateaux télés qui ne veulent pas entendre la moindre critique à l’égard du pays, surtout venant des musulmans français, qui ne sont pas placés au même pied d’égalité que leurs autres concitoyens, appartenant à une autre religion. Si le tueur avait été juif ou chrétien, les médias se seraient empressés de chercher des explications ou de plaider le coup de folie et la démence. Mais quand il est musulman, il n’est plus mu que par la haine. Tout le monde se souvient du Norvégien qui avait tué de sang-froid des dizaines de personnes pour exprimer sa haine de la société qui laisse entrer tant de musulmans sur son sol. Les médias français avaient cherché à le présenter comme un malade mental alors que tous les examens psychologiques montraient qu’il était sain d’esprit et d’extrême droite raciste.

De plus, sur le plan strictement professionnel, les chaînes de télévision faisaient du direct presque pendant toute la durée de l’assaut (33 heures) alors qu’il n’y avait pratiquement rien à dire. Aucune d’elles ne s’est demandée pourquoi il a fallu autant de temps à toute une unité du Raid pour en finir avec un homme seul dans son appartement privé d’électricité et d’eau. Tous les médias ont traité Merah de tous les noms et aucun d’eux n’a voulu chercher la moindre explication à son acte allant même jusqu’à condamner Mme Ashton (chargée des affaires étrangères de l4union européenne) parce qu’elle avait osé dire que les morts de Gaza et ceux de Toulouse se ressemblent. Non, Mme Ashton, aux yeux des médias français, les enfants musulmans ne sont pas à égalité avec les enfants juifs. Les premiers peuvent bien mourir sous les bombes israéliennes, c’est à peine s’ils ont droit à un entrefilet dans la presse, mais les enfants juifs eux doivent émouvoir le monde entier. S’il est certain  que l’acte de Mohammed Merah est condamnable à tous les points de vue, l’attitude des médias français est en train de pousser vers le radicalisme et finalement, Merah n’est pas le seul responsable de son acte. La politique d’exclusion et d’injustice ne peut qu’entraîner la violence. La France en a fait les frais. Il lui reste encore à comprendre.