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Jean Yves Le Drian, Part II

Jean Yves Le Drian, Part II
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Par Fouad Karam

Il va falloir probablement attendre la troisième visite de l’envoyé spécial présidentiel au Liban Jean Yves Le Drian pour pouvoir déterminer si la mission qui lui a été confiée a réussi ou non. Après presque trois jours d’entretiens avec les principales forces politiques représentées au Parlement, l’ancien ministre des Affaires étrangères s’est accordé un mois complet de réflexion et d’analyse des différentes positions recueillies pour se donner une nouvelle chance en septembre. Selon des sources diplomatiques proches de l’ambassade de France, au cours de ses entretiens avec les forces politiques, l’émissaire présidentiel leur a adressé un message clair selon lequel la solution est entre leurs mains mais le délai qui leur est accordé n’est pas indéterminé. Si, en septembre, lors de son retour à Beyrouth, les différentes parties ne sont pas décidées à discuter concrètement de l’échéance présidentielle avant de se rendre au Parlement pour élire un président pour leur pays, cela signifie qu’elles reconnaissent leur incapacité à assumer cette responsabilité nationale et par conséquent, elles ne seront plus consultées le jour où les parties internationales et régionales décideront de régler la question libanaise, indépendamment de la volonté et des aspirations des Libanais, ou en tout cas, sans l’avis de leurs représentants.

Selon les mêmes sources, l’envoyé présidentiel français aurait été sidéré par la propension des parties libanaises concernées à perdre du temps, comme si elles ne se rendaient pas compte de l’importance pour leur pays de relancer les institutions de l’Etat qui sont en train de s’effondrer. Selon lui, plus la vacance se prolonge et plus il sera difficile de restaurer l’autorité et le prestige de l’Etat. C’est d’autant plus réaliste que même si des solutions «de rapiéçage» sont trouvées, elles ne peuvent en aucun cas remplacer les institutions de l’Etat. C’est notamment ce qui se passe à la tête de la Banque centrale, avec la fin du mandat de l’actuel gouverneur Riad Salamé en poste depuis 1993. Avec ses interlocuteurs, Jean Yves Le Drian aurait donc mis l’accent sur le fait que les Libanais n’ont aucun intérêt à laisser les institutions de l’Etat s’effondrer l’une après l’autre, même si pour mettre un terme à ce processus autodestructeur, il faudra faire quelques concessions…

Selon des parties libanaises qui ont rencontré l’émissaire présidentiel libanais, ce dernier aurait expliqué ce qui s’est passé lors de la rencontre de la commission des 5 à Doha (Egypte, Etats-Unis, Qatar, Arabie saoudite et France). Il a ainsi clairement précisé qu’il n’est pas question de lancer un dialogue inter-libanais qui viserait à modifier certains points du système actuel, rappelant que l’accord de Taëf a été le fruit de concertations libanaises mais aussi d’une volonté internationale et régionale, notamment celle des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite et qu’il n’est donc pas facile d’y toucher sans risquer de mettre en cause le parapluie international dont il a bénéficié. C’est pourquoi l’idée d’une conférence de dialogue qui pourrait revoir certains points de cet accord a été abandonnée. Il s’agit donc de concentrer «les concertations», selon les termes que Le Drian aurait utilisés, entre les différentes parties sur le dossier présidentiel et sur le programme de travail du futur président.

En principe, Le Drian a donc promis de revenir en septembre pour organiser et lancer ce qu’il a appelé «des réunions de travail» destinées à s’entendre sur la mission du président et à proposer ensuite les candidats les plus aptes à exécuter «cette feuille de route». Les réunions devraient donc se tenir en continu jusqu’à ce que les protagonistes trouvent les noms qui correspondent à ce profil et ils iront ensuite au Parlement pour procéder à l’élection.

C’est le scénario idéal établi par Jean Yves Le Drian et son équipe. Mais pour l’instant, il n’y a aucune certitude qu’il se réalisera tel que prévu. D’une part, les Libanais, ou du moins une bonne partie des forces politiques, ont l’art de rater les bonnes occasions et d’autre part, il n’est pas dit que les parrains étrangers, régionaux ou internationaux, souhaitent vraiment que les institutions libanaises se remettent à fonctionner normalement et que le pays connaisse enfin une période de stabilité politique, économique et sociale.

En effet, selon des sources politiques libanaises, s’il est certain que les parties locales ont un grand rôle dans l’état actuel du Liban, on ne peut malgré tout pas occulter le fait que des mains étrangères ont largement participé à cette paralysie et à la crise à facettes multiples que connaît le Liban depuis 2019.

Ceux qui ont ainsi appuyé, sinon initié, le mouvement de protestation lancé le 17 octobre 2019, qui était certainement justifié, mais a été rapidement détourné de ses objectifs initiaux, ceux qui ont aussi insisté pour la tenue des élections législatives en mai 2022, en misant sur le fait qu’elles seraient la concrétisation du changement politique attendu, ne doivent sans doute pas être satisfaits et ils ne devraient pas accepter d’aider le Liban à sortir de la crise, sans avoir obtenu la contrepartie voulue. Tant que les Libanais tiennent le coup et ne constituent pas une menace pour la région et pour l’Europe, pourquoi ceux-là devraient-ils changer de plan ? Dans ce contexte, le Liban pourrait ainsi constituer une carte de pression qui sera utilisée le moment voulu pour obtenir des concessions sur d’autres dossiers…

Aujourd’hui, même sans le reconnaître, la France souhaiterait certes aider le Liban à relancer ses institutions étatiques et cela commence par l’élection présidentielle. Mais elle ne se heurte pas seulement aux parties libanaises, chacune emprisonnée dans ses propres slogans, mais aussi à des volontés extérieures qui cherchent des solutions régionales globales de nature à éliminer ce qu’elles considèrent comme des facteurs de déstabilisation dans la région.

Autrement dit, si les parties libanaises ne décident pas d’avoir à cœur l’intérêt de leur pays et de leur peuple, le Liban devra attendre les développements régionaux et internationaux avant d’espérer connaître une solution. Les Libanais ont un mois entier pour réfléchir et les parties politiques devraient cesser de ne voir que le petit tableau, mais l’ensemble des développements régionaux.

Même si cela n’a pas été clairement dit par Le Drian, l’essentiel de son message c’était de mettre les différentes parties politiques libanaises face à leurs responsabilités nationales… En attendant la mission Le Drian Part III !

  

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