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La France en émeute, le Liban dans un tunnel sans bout visible

La France en émeute, le Liban dans un tunnel sans bout visible
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Par Fouad karam

Faute de pouvoir trouver de nouvelles idées pour aboutir à un déblocage politique, les différentes parties libanaises avaient les yeux tournés vers l’envoyé spécial présidentiel Jean Yves Le Drian. Tous les espoirs avaient été ainsi placés dans l’initiative française qui était censée trouver la potion magique qui permettrait aux Libanais de sortir du long tunnel qu’ils n’en finissent plus de traverser depuis octobre 2019.

Certes, les plus échaudés des Libanais restaient relativement sceptiques, se souvenant des deux visites successives du président français Emmanuel Macron au Liban le 6 août 2020 puis le 1er septembre de la même année. Macron avait alors rencontré toutes les parties, notamment les représentants de la société civile, sur lesquels la France misait beaucoup pour opérer un changement important dans le paysage politique libanais, il avait utilisé à l’encontre des politiques et responsables libanais un langage qui avait été qualifié de franc et critique, mais le résultat n’avait pas été à la hauteur des attentes à la fois locales et étrangères.

Les sceptiques avaient donc beau dire qu’il ne fallait pas trop mettre d’espoirs dans ce qu’on a appelé l’initiative française, mais comme il n’y avait rien d’autre à l’horizon, il a bien fallu suivre attentivement les moindres développements de la visite de Le Drian à Beyrouth.

Comme cette visite n’a donné aucun résultat concret sauf l’annonce faite par Le Drian lui-même de revenir bientôt à Beyrouth, les spéculations ont commencé à se multiplier dans les médias sur des visites qu’il effectuerait en Arabie et ailleurs pour faire avancer son initiative. 

Toutefois, quelque chose d’incroyable s’est passé qui a contraint les Libanais à se heurter à une triste réalité : même la France, avec toute sa bonne volonté et son entêtement à vouloir trouver une solution à la crise présidentielle libanaise, ne peut plus agir car avec les émeutes qui secouent ce pays les priorités françaises sont devenues internes. La cellule de l’Elysée, chargée du dossier libanais, qui attendait avec impatience le retour de l’envoyé présidentiel Jean Yves Le Drian pour écouter ses conclusions et étudier l’étape suivante, a dû changer ses activités et se pencher sur la situation interne en France, d’autant qu’un de ses principaux membres est le directeur des Renseignements extérieurs, l’ancien ambassadeur à Beyrouth Bernard Emié.

Des sources diplomatiques françaises à Beyrouth continuent certes d’affirmer que l’initiative française se poursuit et que la France ne peut pas renoncer ainsi à aider le Liban en crise, mais il est clair que ceux qui sont chargés du dossier libanais en France ont désormais d’autres dossiers plus urgents à traiter. C’est d’autant plus logique que Le Drian s’est visiblement heurté, dans ses entretiens avec les différentes parties libanaises, à un véritable casse-tête, tant les positions étaient rigides et peu enclines au compromis.

Selon des sources diplomatiques, Le Drian a en effet relevé dans les rapports de ses entretiens avec les parties libanaises, que les blocs parlementaires qui appuient la candidature du chef du Courant des Maradas Sleimane Frangié sont clairs et déterminés à le soutenir jusqu’au bout. Alors que ceux qui lors de la séance parlementaire du 14 juin, ont appuyé la candidature du responsable au sein du Fonds Monétaire International Jihad Azour n’ont pas montré une grande détermination à continuer à l’appuyer, se contentant d’expliquer pourquoi ils refusent la candidature de Frangié. Donc, toujours selon les conclusions des entretiens de l’émissaire français, le seul point commun stable et clair entre les différents blocs dits de l’opposition est le rejet total de la candidature de Frangié, chaque bloc pour des raisons qui lui sont propres et qui n’ont rien à voir avec celles des autres, même s’ils sont ses alliés. Tous les blocs dits de l’opposition et qui ont donné 59 voix à Jihad Azour lors de la séance du 14 juin, sont ainsi d’accord sur un seul point : non à Frangié. Ce qui, toujours selon les conclusions françaises, ne montre aucune volonté réelle d’aller vers un compromis ou de s’entendre avec le camp qui appuie Frangié. Pour certains blocs, ce rejet de Frangié est dû au fait qu’il n’a aucun programme de réformes et qu’il fait partie de cette classe politique qui a gouverné le Liban au cours des dernières décennies, le menant vers la crise dans laquelle il se débat actuellement. Pour d’autres, le seul défaut de Frangié est qu’il est le candidat du Hezbollah et ces blocs veulent à tout prix affaiblir cette formation et l’exclure des rouages de l’Etat pendant le prochain mandat, parce que selon ces blocs, le Hezbollah est «le principal responsable de la catastrophe économique et politique actuelle». Une telle position signifie quelque part que ces blocs refusent tout compromis avec le Hezbollah et quel que soit le candidat que celui-ci accepterait, il serait forcément refusé par eux. Dans ce contexte, il apparaît clairement que l’heure d’un compromis sur le dossier présidentiel n’est pas encore arrivée. Que la position de ces blocs soit ou non appuyée par des parties étrangères, elle montre en tout cas qu’il est pratiquement impossible d’aboutir à une entente dans les circonstances actuelles.

En raison de ce constat, Jean Yves Le Drian n’était pas très optimiste en rentrant en France, même s’il avait promis de revenir à Beyrouth dans le courant du mois de juillet. Selon des sources qui suivent ce dossier, il aurait même planifié d’entreprendre une tournée dans certains Etats participant à la commission des 5 ( France, Egypte, Etats-Unis, Qatar et Arabie saoudite) afin de les pousser à intervenir auprès de leurs alliés libanais afin qu’ils soient plus favorables à un compromis ou à un dialogue sérieux sur la présidence. D’ailleurs Le Drian avait essayé de pousser ses interlocuteurs à établir une liste de caractéristiques du futur président de la République, pour contourner ainsi l’écueil des noms et essayer de trouver des points communs entre les différents blocs, mais il s’était heurté chez certains au refus de tout candidat choisi par le tandem chiite puisque c’est ce tandem qui pose problème, à leurs yeux.

L’idée était donc de faire intervenir les partenaires étrangers membres de la commission des 5. Mais ce projet est actuellement remis en question en raison des développements internes en France. Le président français a aujourd’hui trop à faire à traiter les émeutes sociales en France déclenchées par la mort du jeune Nahel Marzouki, tué par erreur par la balle tirée par un policier et qui montrent par leur violence et par leur extension géographique à de nombreuses villes françaises que le malaise des Français est profond. Le fait que les émeutiers aient même été jusqu’à attaquer le domicile d’un maire de la banlieue parisienne, blessant sa femme et sa fille montre en effet que les émeutiers ont une grande colère à l’égard des institutions publiques françaises. Il y a certes déjà eu des crises sociales et des manifestations accompagnées d’actes de vandalisme en France, notamment lors de l’adoption d’un nouveau programme de retraites il y a quelques mois, mais jamais encore la violence n’avait été aussi grande et la colère aussi agressive.

Face à une crise aussi grave, la France n’a plus le temps de s’occuper du casse-tête libanais, surtout si les Libanais eux-mêmes ne sont pas soucieux de sortir de l’impasse dans laquelle ils se débattent. Plus le temps passe et plus les incidents se multiplient. Les institutions de l’Etat s’affaiblissent et si rien n’est fait, il ne s’agira plus de régler le problème de la présidence, mais plutôt de trouver un nouvel accord sur le système de gouvernance entre les Libanais. Sont-ils prêts pour cela et qui pourrait parrainer un tel accord ? Pour l’instant, les différents protagonistes ont trop à faire pour chercher des solutions. Le tunnel des Libanais semble encore long…

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