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L’offre iranienne de fuel au Liban met tout le monde au pied du mur

L’offre iranienne de fuel au Liban met tout le monde au pied du mur
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Par Fouad Karam

Pendant les journées (et les nuits) les plus chaudes de l’été, brusquement les propriétaires de générateurs se sont retrouvés sans mazout. C’est du moins la raison qu’ils ont donnée pour un rationnement sévère du courant électrique qu’ils sont censés fournir à leurs abonnés, alors que l’électricité officielle était quasiment absente faute de fuel pour faire fonctionner les centrales. C’est dans ce contexte dramatique que le secrétaire général du Hezbollah a offert aux Libanais une planche de salut en parlant de la possibilité pour l’Iran d’envoyer du fuel au Liban en guise de donation.

Ces propos ont été accueillis de façon mitigée : la grande majorité des Libanais, souffrant du manque de courant a applaudi alors que les responsables se sont retrouvés embarrassés. Comment faire pour prendre position à ce sujet, alors que les Libanais ont besoin de courant et que les Américains imposent un blocus indirect au pays, pour le faire plier et monter les gens contre le Hezbollah ?

Comment concilier ces deux exigences contradictoires, alors que les divisions au sein de l’Exécutif sont déjà bien marquées ?

Le premier à réagir a été le ministre de l’Energie Walid Fayad qui a déclaré être prêt à accepter l’offre iranienne. En adoptant cette position, Fayad a mis le Conseil des ministres et en particulier le président du Conseil au pied du mur et Négib Mikati a préféré accueillir favorablement l’offre iranienne tout en se réservant la possibilité de la refuser si le fait de l’accepter pourrait pousser les Etats-Unis à mettre le Liban tout entier sous sanction. A ce moment, Fayad a rappelé que les dons ne sont pas soumis aux sanctions et par conséquent le fait d’accepter cette offre ne peut pas provoquer de nouvelles sanctions sur le pays.

Face à ces données, le Président du Conseil n’avait plus d’autre choix que celui d’accepter l’offre iranienne sur le plan du principe, tout en soumettant la position définitive aux détails de l’offre. Mikati a même mis en scène cette position en recevant publiquement l’ambassadeur d’Iran Moujtaba Amani et en lui remettant un document comprenant les caractéristiques requises pour le fuel utilisé dans les centrales électriques libanaises. Pourtant, ces caractéristiques figurent sur le site officiel du ministère de l’Energie. La réponse iranienne ne s’est pas fait attendre et il a été question d’envoyer une délégation technique du ministère de l’Energie en Iran pour discuter avec les responsables là-bas des détails techniques de l’offre.

Les Libanais ont commencé à espérer pouvoir bénéficier de l’offre iranienne dans les plus brefs délais de manière à avoir près de six heures de courant de l’EDL par 24 heures...

Mais leurs espoirs ont été rapidement balayés par les détails techniques de l’offre. En effet, il est apparu que le fuel iranien ne convient pas vraiment aux centrales électriques libanaises. Il doit donc être échangé par une tierce partie, qui en prend une certaine quantité au passage et renvoie au Liban le fuel qu’il utilise. C’est d’ailleurs ce qui se passe avec le fuel irakien qui est envoyé au Liban via une compagnie émiratie qui l’échange avec du fuel en moindre quantité mais conforme aux besoins du Liban. Immédiatement ceux qui craignaient d’accepter le don iranien se sont emparés de cet argument pour affirmer qu’il est difficile de trouver une compagnie étrangère qui serait en mesure de réaliser cet échange sans craindre des représailles de la part des Etats-Unis. A ce jour, l’offre iranienne bute encore sur ce point, qui reste encore en suspens.

Toutefois, même si elle ne se concrétise pas pour des raisons techniques ou autres, l’offre iranienne a déjà atteint son objectif. Il s’agit de montrer aux Libanais qui essaye de les aider en période de crise grave et qui veut augmenter leurs malheurs et met des bâtons dans les roues de toute initiative visant à alléger leurs souffrances.

D’ailleurs, la polémique politique qui a éclaté après le discours de sayyed Hassan Nasrallah et son exposé de l’offre iranienne montre l’étendue du clivage qui divise la classe politique libanaise. D’un côté, il y a ceux qui veulent réellement alléger les souffrances des Libanais et de l’autre, il y a ceux qui veulent que les Libanais continuent à souffrir de toutes les pénuries possibles, croyant que cela les poussera à se révolter contre le Hezbollah. De fait, dans le cadre de cette polémique, ceux qui veulent que le Liban accepte l’offre iranienne ont déclaré aux autres qu’ils n’ont qu’à demander à leurs alliés et amis d’aider à leur tour les Libanais en leur envoyant du fuel qui peut être utilisé par les centrales libanaises, au lieu de se contenter de critiquer et de pousser vers le rejet de l’offre iranienne. En fait depuis trois ans, au moment où le Liban a plongé dans une crise économique, monétaire, financière et énergétique sans précédent, les Etats du Golfe qui ont du pétrole à volonté n’ont pas voulu aider le Liban dans ce domaine, sous prétexte que ce serait aider indirectement le Hezbollah. Pour ces Etats, où une partie d’entre eux pour être précis, il est important que les Libanais souffrent pour qu’ils comprennent que le Hezbollah est en train de les mener vers leur perte. Tout au long de ces années de crise et de pénurie, ces Etats n’ont pas levé le petit doigt en faveur du Liban, se contentant au contraire d’augmenter la pression sur la population, suivant ainsi la tendance générale lancée par les Américains qui n’autorisent de temps en temps qu’une petite bouffée d’oxygène pour que le Liban continue de respirer mais sans être vraiment en vie. C’est ainsi que toutes les promesses américaines faites à partir du mois d’août 2021, lorsque sayed Nasrallah a parlé pour la première fois d’une première cargaison de mazout iranien vers le Liban, ne se sont pas concrétisées, ni le gaz en provenance d’Egypte, ni le courant électrique en provenance de Jordanie. Seul le fuel irakien continue d’arriver par intermittence, pour que le Liban continue de respirer.

Dans ce contexte sombre, l’offre iranienne a brisé ce mur en y créant une brèche. Même si les détails techniques empêcheront le fuel iranien de venir au Liban, les Libanais, eux, savent désormais qui veut les aider et qui préfère qu’ils restent plongés dans les crises à répétition.

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