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Objectif élections, pour changer les équilibres politiques

Objectif élections, pour changer les équilibres politiques
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Par Fouad Karam

A partir du début de l’année 2022, le Liban et tous ceux qui s’intéressent à ce pays auront les yeux tournés vers les élections législatives qui doivent se tenir au plus tard le 15 mai prochain. Ce sont surtout les milieux diplomatiques occidentaux et arabes qui suivront de près les moindres développements concernant ce scrutin. Depuis quelques semaines déjà, les diplomates occidentaux et arabes en poste à Beyrouth multiplient les réunions avec à la fois des parties politiques et considérées comme appartenant à la société civile, ainsi qu’avec des sociétés de sondages européennes et autres dans le but d’avoir une idée aussi précise que possible sur la tendance générale des électeurs.

Cet intérêt exceptionnel est causé par la nouvelle approche des gouvernements occidentaux et de leurs alliés arabes de la situation libanaise qui se résume ainsi : il faut miser sur les élections législatives pour opérer un changement stratégique au Liban. Dans le langage des diplomates occidentaux, le changement stratégique consiste en un changement de la majorité parlementaire qui passerait ainsi du camp du 8 Mars et alliés à celui du 14 Mars qui serait soudain ressuscité. Les estimations des sondages déjà effectués par les sociétés chargées de cette mission ne sont pas encore très encourageantes. Elles parlent d’un changement de près de 15 sièges parlementaires, la plupart d’entre eux chez les sièges chrétiens. Mais d’une part, les milieux diplomatiques occidentaux et alliés pensent qu’un noyau de 15 à 20 députés peut opérer un changement consistant, en créant un nouvel élan au sein du Parlement qui devrait attirer d’autres députés et les pousser à se joindre à lui, et d’autre part, à pratiquement 5 mois des élections, il est encore temps d’augmenter ce nombre en menant une campagne percutante auprès des électeurs, notamment ceux qui hésitent et ils sont nombreux.

C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles dans les pays européens et dans ceux du Golfe, les Libanais ayant quitté récemment leur pays en raison des mauvaises conditions de vie se sont inscrits massivement auprès de leurs consulats pour pouvoir participer aux élections. Il y a même eu un encouragement de la part des autorités de ces pays d’accueil pour que les Libanais participent au scrutin, pour que la colère de ces Libanais qui les a poussés à quitter leur pays ne soit pas vaine et puisse aboutir à un changement véritable.

 

Selon un diplomate occidental, cette démarche ressemble fort à celle qui a été réalisée par ces mêmes gouvernements avec les déplacés syriens ayant fui leur pays en guerre qui sont interdits de retour pour pouvoir voter «en toute liberté», c’est-à-dire contre le régime de Bachar el Assad.  Bien entendu, ce même diplomate reconnaît que cette idée n’a pas porté ses fruits en Syrie, où le président a été réélu haut la main avec un taux de participation satisfaisant, mais avec les électeurs libanais cela devrait être différent, car ils sont en colère contre la classe politique qui, par sa corruption et ses divisions les a poussés à partir. La colère est encore trop récente pour qu’ils l’oublient et il faudrait donc miser sur elle pour les prochaines élections.

Dans le même contexte, les milieux diplomatiques occidentaux et arabes suivent de près la situation au Liban, en essayant de la maintenir entre deux lignes rouges : la première consiste à ne pas laisser le pays se diriger vers l’effondrement total, car il pourrait entraîner des risques sur la tenue même des élections et sur la participation des Libanais au vote. Quant à la seconde, elle vise à empêcher la situation du pays de s’améliorer de façon consistante, car cette amélioration pourrait profiter au pouvoir actuel, et en particulier au chef de l’Etat et à son camp, ainsi qu’au Hezbollah.

C’est d’ailleurs là que réside le fin mot de l’histoire. Sous couvert de colère contre une classe politique en place depuis des années et qui a mené le pays vers le gouffre dans lequel il se débat actuellement, c’est le Hezbollah qui est visé. Devenu une force régionale dont il faut tenir compte, le Hezbollah dérange plus que jamais, à la fois les Israéliens et les Occidentaux qui les protègent ainsi que leurs alliés arabes qui voient en lui l’instrument le plus efficace de la politique iranienne. Depuis 2004, date du changement de la politique américano-française dans la région avec l’adoption de la résolution 1559 destinée à expulser les Syriens du Liban et à désarmer le Hezbollah, tous les scénarios qui ont eu lieu avaient le même objectif : affaiblir le Hezbollah. Or, malgré la guerre, les conflits internes, le blocus, la crise économique et les tentatives d’isolement politique, le Hezbollah a continué de se développer, tout en déjouant les pièges qui lui étaient tendus et qui visaient à l’entraîner vers une discorde interne et un conflit sanglant.

Le seul scénario imaginé par ceux qui veulent affaiblir le Hezbollah, c’est donc de l’affaiblir dans le cadre des élections législatives et de lui faire perdre ainsi à la fois sa couverture chrétienne et sunnite ainsi qu’une partie de sa popularité au sein de la communauté chiite.

Désormais, et tout au long des 5 prochains mois, tous les efforts sont déployés pour atteindre ce but. C’est dans cette optique, que la colère populaire devrait donc servir à renverser les équilibres actuels dans le cadre des élections législatives. A travers ce que les diplomates occidentaux appellent «les forces du changement» qui sont un mélange de partis politiques nouveaux ou renouvelés et de formations de la société civile. A cet égard, au cours des deux dernières années, le secteur des ONG s’est développé au Liban au point que l’on recense désormais 1750 ONG, qui reçoivent généralement des aides en espèces de l’étranger. Ce qui leur permet de tenir le coup financièrement en cette période de grave crise. Tous ces efforts seront-ils couronnés de succès ? Jusqu’au mois de mai 2022, date probable des prochaines législatives, les pronostics vont se multiplier…

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