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Entre Saad Hariri et Samir Geagea, des relations complexes, semées de trahison

Entre Saad Hariri et Samir Geagea, des relations complexes, semées de trahison
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Par Soraya Hélou

Le portrait géant du chef des Forces libanaises Samir Geagea accroché sur la façade d’un des immeubles de Tripoli, avec la mention «le traître», en dit long sur l’état des relations entre ce dernier et le chef du Courant du Futur Saad Hariri.

Les proches du Premier ministre démissionnaire et la rue sunnite en général considère en effet que c’est la décision des Forces libanaises de ne pas nommer Saad Hariri pour former le nouveau gouvernement, qui avait été annoncée à l’aube du lundi où devaient avoir lieu les consultations parlementaires obligatoires avant leur report par le chef de l’Etat, qui a poussé celui-ci hors du gouvernement. Cette décision de la part des Forces Libanaises a été d’autant plus mal perçue par la rue sunnite qu’elle avait été précédée par une visite du conseiller de Hariri, Ghattas Khoury, à Meerab au cours de laquelle Geagea avait donné son accord pour désigner le Premier ministre démissionnaire pour former le gouvernement quitte à ne pas donner la confiance à ce gouvernement par la suite.

Ce changement de position, qui est arrivé à la dernière minute a donc mélangé toutes les cartes et poussé Saad Hariri à demander un report des consultations parlementaires pour mener de plus amples consultations mais avec l’idée de se retirer de la course.

Que le changement de position des Forces libanaises et de leur chef ait été le fruit d’un débat interne houleux, comme l’ont affirmé certaines sources des FL, ou celui d’un conseil donné par des responsables saoudiens à leurs alliés des FL importe peu. Ce qui compte, c’est que la rue sunnite et le Courant du Futur en particulier ont considéré la décision des FL comme une trahison.

Ce sentiment d’avoir été roulés qui s’amplifie chez les sunnites n’est pas seulement dû à la forte déception de voir Saad Hariri se retirer de la course pour former le prochain gouvernement. Il a fait rejaillir sur la scène publique la complexité des relations entre Geagea et les sunnites et l’image négative que ceux-ci ont du chef des Forces libanaises en dépit des multiples tentatives de la changer.

Un rapide retour au passé montre en effet que depuis longtemps les sunnites en général et le Courant du Futur en particulier ne portaient pas le chef des FL dans leur cœur.

Il faut ainsi rappeler que Samir Geagea a été arrêté en 1994, alors que le Premier ministre martyr Rafic Hariri présidait le gouvernement. Ce dernier n’avait d’ailleurs aucune relation avec Geagea et jusqu’en 2005, date de son assassinat, il ne l’a pas rencontré. D’autant que le chef des FL avait été jugé et condamné pour l’assassinat du Premier ministre Rachid Karamé en 1987.

Ce n’est qu’après sa sortie de prison en juin 2005, dans le cadre d’une loi d’amnistie, suite à un accord qui avait permis la libération simultanée des détenus extrémistes, qu’il s’était placé dans le camp du 14 Mars aux côtés de son chef Saad Hariri et derrière lui, de l’Arabie saoudite et des Etats-Unis. Avec Saad Hariri et Walid Joumblatt, Samir Geagea était donc un des piliers du mouvement du 14 Mars et les trois formations affichaient une solide alliance sur tous les sujets stratégiques et politiques.

Mais en réalité, il ne s’agissait que d’une apparence. Dans le fond, la méfiance régnait entre eux, notamment entre Geagea et Hariri.

En janvier 2016, c’est Geagea qui a porté un coup dur à cette alliance en décidant d’appuyer la candidature de Michel Aoun à la présidence de la République, à travers ce que l’on a appelé «l’entente de Meerab». Cette décision est intervenue après que Saad Hariri ait décidé d’appuyer la candidature du chef des Maradas Sleimane Frangié à la présidence, peu de temps auparavant.

Dès lors, les relations entre les deux hommes et leurs formations n’ont cessé de se détériorer. Surtout à partir de la conclusion du fameux «compromis présidentiel» entre Saad Hariri et Michel Aoun qui a porté ce dernier à la présidence de la République. A toutes les occasions, Geagea n’a cessé de chercher à montrer que Saad Hariri avait abandonné les principes du mouvement du 14 Mars pour gagner les faveurs du chef de l’Etat et de son camp. Les deux hommes avaient des échanges aigres-doux. On se souvient par exemple d’une cérémonie du 14 Mars au cours de laquelle Saad Hariri avait déclaré à Geagea : vous auriez dû conclure l’entente de Meerab il y a bien longtemps, cela aurait évité beaucoup de sang aux chrétiens.

Mais à chaque fois, les Saoudiens et les Américains réussissaient à maintenir entre eux une entente de façade…Jusqu’à la détention de Saad Hariri le 4 novembre à Riyad pour l’obliger à démissionner. Alors que le chef de l’Etat et le ministre des Affaires étrangères avaient remué ciel et terre pour alerter la communauté internationale contre ce procédé inacceptable, les FL et leur chef avaient adopté la thèse saoudienne en disant que Saad Hariri voulait démissionner à cause des agissements du Hezbollah et ils ont voulu faire de cette démission forcée une réalité irréversible, faisant campagne en sa faveur. Dans cette période très difficile pour Saad Hariri, il a été trahi par ses alliés et en particulier par le chef des FL. Il ne l’a jamais oublié, même si les considérations politiques l’ont obligé à passer outre. D’ailleurs, il arrivait aux deux hommes de se lancer des pointes réciproques, mais ils essayaient malgré tout de préserver les apparences. Seulement le coup fatal est arrivé à l’aube du lundi 16 décembre, lorsque les FL ont annoncé leur décision de ne pas nommer Saad Hariri pour la formation du gouvernement, le poussant ainsi à se retirer de la course.

Le processus entamé le 4 novembre 2017 à Riyad s’est ainsi complété ce jour-là, en mettant Saad Hariri en dehors de la vie gouvernementale et peut-être politique. Pour un grand nombre de sunnites, l’attitude du chef des FL a ainsi ravivé les souvenirs de ce qu’ils considèrent comme les multiples trahisons de Samir Geagea. Même si le fameux compromis présidentiel a reçu un coup dur, ainsi que Saad Hariri, le principal perdant, sur le plan populaire c’est bien le chef des FL qui avait déjà eu bien du mal à améliorer son image auprès de la rue sunnite et qui voit de nouveau ses efforts tomber à l’eau…

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