Quarante ans de relations américano-iraniennes : transformations tactiques et stratégiques
Par Mohamad Housseïni
Le 16 janvier 1979, le Chah Mohammad Reza Pahlavi a fui l'Iran suite à une révolution populaire, deux semaines plus tard l'Imam Khomeiny est revenu à Téhéran, après avoir été exilé en France. Le 11 février 1979, l’Iran déclara la victoire de la révolution islamique, conduisant le monde entier vers un nouveau tournant.
Les rapports de force et les rapports politiques varient dans l’une des régions les plus instables du monde, un milieu rassemblant les différences et les convergences où se croisent les trajectoires géographiques et historiques. L’Iran qui s’est trouvée au centre du conflit Est – Ouest, est devenue aussitôt l’équation clé de la région, qui impose ses conditions sous la bannière de l’Islam, et trace son avenir elle-même sans dépendre ni de l'Est ni de l'Ouest, tout en redirigeant la boussole de la nation vers la cause palestinienne.
L’effondrement de l'hégémonie américaine et du projet d’"Israël"
Les deux principaux slogans lancés par le peuple iranien «combattre l’arrogance» et «mort à l'Amérique», à l’époque de l'imam Khomeiny, n'étaient qu’une réaction spontanée exprimant la fin des années de soumission à l'Occident. La prise d’assaut de l’ambassade américaine à Téhéran, et la détention de 52 fonctionnaires pendant 44 jours, et la fermeture de l’ambassade israélienne et l’ouverture de l'ambassade palestinienne à sa place, ne sont pas non plus des actes de vengeance populaire, mais des actions basées sur une vision claire adoptée par les gouvernements iraniens depuis quarante ans. L’ambassade de Washington était un véritable antre d’espionnage et un centre conçu pour la gestion des projets américains à l’Est et dans les mondes arabe et islamique, alors que l’ambassade d’«Israël» représentait la base à partir de laquelle s’étendait l’hégémonie occidentale dans la région. Ainsi, la vision islamique en Iran se traduit par deux objectifs principaux : renverser l'hégémonie américaine dans le monde et détruire le projet de la création de l'état d’ «Israël», libérant ainsi la nation de l’hégémonie occidentale, en lui permettant de prendre sa libre décision qui répond aux aspirations des peuples.
Le coup d'Etat iranien inquiète encore Washington
Ce qui s’est passé en Iran en 1979, c’est un coup d’État dont les États-Unis n’ont pas encore absorbé les conséquences, il est donc naturel que la relation entre Téhéran et Washington ne soit pas dans ses états normaux. L’Iran n’est ni le policier américain qui poussent les pays arabes riches en pétrole à la dépendance américaine, ni une source de gaz et de pétrole pour «Israël», ni un mur de séparation construit par l’Occident pour faire face aux puissances de l’Est, telles que l’Union soviétique et la Chine. L’Iran s’est transformé d’allié principal en ennemi principal. La première réaction américaine face à la révolution, fut la guerre menée contre l’Iran par des proxys arabes et du golf. Le président Saddam Hussein a déclenché la guerre, alors que l’Amérique a imposé un blocus complet et s’est intervenu militairement en bombardant les pétroliers et les raffineries iraniennes. La guerre a duré huit ans sans que Washington réussisse ne à briser ou à fléchir l’Iran. Elle a ensuite mené une intervention directe, en envahissant l’Iraq en 1991 sous prétexte d’avoir envahi le Koweït et a renforcé ses bases militaires déployées dans les pays du Golfe sous prétexte de vouloir les protéger de la menace iranienne et de Saddam.
Khamenei confirme les principes de Khomeini
Les relations entre Washington et Téhéran se sont compliquées lorsque le 3 juillet 1988, la frégate américaine Vincent a bombardé un avion civil iranien, faisant 290 morts. L'administration américaine ne s'est pas excusée après ce crime, bien au contraire Georges Bush le père, s’est précipité, après avoir remporté la présidence, à décrire l'Iran de "l’axe du mal" ainsi que l'Irak et la Corée du Nord. La tension persistait ainsi que le blocus total contre l'Iran et les américains misaient sur le mort de l'imam Khomeini, décédé le 3 juin 1989, pour changer les tendances politiques de l'Iran à l'égard de Washington s’affaibliraient, mais son successeur l'imam Ali Khamenei a confirmé les principes énoncés par le défunt imam, notamment sur les dossiers de base liés à la force de la République islamique, en particulier le programme nucléaire pacifique et la recherche scientifique et les capacités industrielles, militaires et de sécurité.
L'Iran annonce un plan d'enrichissement d'uranium
Washington s'est efforcé à déstabiliser l'Iran parallèlement au siège imposé, par la création et le soutien de mouvements subversifs qui ont organisé des manifestations populaires contre les mesures économiques prises par le gouvernement, et qui ont tenté de persuader certains responsables iraniens et un certain membre du Conseil de la Choura de mener un dialogue avec l'administration américaine, en particulier à l'ère du président Mohammad Khatami, Washington espérait que ces manifestations conduiraient à un mouvement interne qui déstabiliserait le régime, mais ces mouvements étaient modestes et n'ont entraîné aucun changement effectif, et rapidement les objectifs malveillants de ces manifestations ont été dévoilés et le peuple a manifesté son plein soutien au gouvernement et aux principes fondamentaux de la république. Les dirigeants iraniens ont longtemps insisté sur le fait que le désaccord ne concernait pas le peuple américain, mais son administration et sa politique expansionniste. La tension dans les relations américano-iraniennes a atteint son apogée, en particulier après l'attentat du 11 septembre 2001, lorsque Washington tentait de tenir l'Iran responsable de cet incident. L’ampleur de la confrontation a évolué lorsqu’en 2002, l’Amérique a accusé l'Iran de développer secrètement un programme d'armes nucléaires. En 2005, le président Mahmoud Ahmadinejad a annoncé que l’Iran avait déployé un plan d'enrichissement d'uranium, faisant face à de nouvelles sanctions américaines et européennes en 2006 et en 2010, malgré cela Téhéran a poursuivi son engagement auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui n’a pu trouver aucun signe pouvant accuser l’Iran et appuyer les accusations américaines.
Trump a ouvert la guerre
Les relations bilatérales ont été témoin d’une période de calme relatif durant le mandat présidentiel de Hassan Rouhani et la signature de l'accord nucléaire entre l'Iran et le groupe des 5 + 1 en juillet 2015, sous la présidence de Barack Obama, après 12 années de négociations ardues. L’Iran a préservé le droit à l’enrichissement nucléaire à des fins pacifiques dans des cadres spécifiques en échange de la levée graduelle des sanctions et la fin du déblocage des avoirs financiers iraniens dans des banques américaines et mondiales. Le leader de la Révolution islamique d’Iran, sayed Ali Khameneï a averti le président Rouhani de ne pas faire confiance aux grandes puissances, notamment les États-Unis, en ce qui concerne la mise en œuvre de l'accord. Ce qui s’est avéré vrai, vu que l’Amérique n’a pas respecté les termes de l’accord, et la guerre s’est largement ouverte avec l’avènement de Donald Trump à la présidence et le retrait des États-Unis de l’accord en mai 2018 suivi d’une augmentation des sanctions contre l’Iran, emmenant les relations entre l’Iran d’une part et les états unis et leurs alliés arabes et la communauté internationale d’autre part à la confrontation directe. Bien que la Russie et certains pays européens n’aient pas adopté les décisions américaines, il est certain que leur position était basée sur la préservation de leurs intérêts et sur la volonté d'échapper à la pression exercée par l'administration américaine dans les domaines politique, sécuritaire et économique.
L'Iran adopte une approche cohérente qui n’affaiblit pas et ne change pas
Nous ne pouvons pas ignorer le fait que l’Iran a souffert et continue de souffrir des problèmes et des défis résultant de 40 années de confrontation avec l’alliance américaine, occidentale et arabe. Les années de blocus assombriraient n'importe quel régime et le conduiraient à la défaite, mais le modèle et les principes établis par l'Imam Khomeiny dans la structure du gouvernement, ont consacré l'indépendance de L'Iran qui a adopté l’approche de la résistance dans ses divers aspects et domaines pour surmonter les défis internes et externes. Grâce à la sagesse du leadership, et la confiance et le soutien populaire, la position de l’Iran reste ferme, et se fortifie face aux crises pour devenir de plus en plus solide, face à n’importe quel président américain.
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(*) L’Ayatollah Khomeiny a causé à l’occident une véritable crise en matière de planification... Ses décisions ont été très bruyantes et n’ont permis à aucun homme politique ou théoricien politique de prendre des décisions ou d’établir un plan. Personne ne pouvait prédire ses décisions à l’avance. Il fonctionnait selon différentes normes, inconnues dans le monde, à croire qu’il s’inspirait de quelque part. Son antagonisme envers l'Occident découle de ses enseignements divins, il était tout à fait sincère dans sa position.
Henry Kissinger - Ancien secrétaire d'État américain
Traduit par AlAhed Français