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Comment Maan al-Jarba, le «Khashoggi de Beyrouth», a échappé au même sort que le journaliste?

Comment Maan al-Jarba, le «Khashoggi de Beyrouth», a échappé au même sort que le journaliste?
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   Par Samer R. Zoughaib

 

Un opposant saoudien réfugié au Liban, cheikh Maan al-Jarba, aurait échappé au même sort qu’a subi le journaliste Jamal Khashoggi, assassiné au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, le 2 octobre 2018, avant que son corps ne soit découpé en morceaux.

L’affaire date de près de trois mois et demi, une semaine avant l’assassinat de Jamal Khashoggi par des tueurs spécialement envoyés d’Arabie saoudite pour commettre ce meurtre.

Maan al-Jarba réside au Liban depuis plusieurs années pour échapper à la persécution dans son pays. Il est membre d’une influente famille sunnite qui dirige la plus grande tribu arabe, les Chommar, qui compte des centaines de milliers de membres présents dans les Etats du Golfe, en Irak, en Syrie, en Palestine et au Liban.

Cheikh al-Jarba a fondé le mouvement d’opposition saoudien Harakat al-Karama (Mouvement de la dignité) et dirige un site appelé The Saudi reality (Al-Waqeh al-Saoudi), qui relaie les informations sur ce qui se passe dans le royaume wahhabite, où toute activité politique, syndicale, sociale ou culturelle est interdite. Il milite pour une démocratisation de la vie politique en Arabie saoudite, à travers l’organisation d’élections libres et l’adoption d’une Constitution dans ce pays où le pouvoir absolu est concentré entre les mains du monarque et de ceux qu’il choisit, sans aucun contrôle ou possibilité de recours. L’opposant saoudien fait donc partie des personnes gênantes, qu’il faut faire taire à tout prix, surtout qu’il fait partie d’une grande famille, sunnite de surcroît.

Sous haute protection, il rencontre des diplomates saoudiens

A l’été 2018, cheikh al-Jarba reçoit un appel téléphonique d’un diplomate de l’ambassade d’Arabie saoudite, ce qui ne manque pas de le surprendre vu qu’il était depuis longtemps boycotté par les fonctionnaires de la chancellerie. Son interlocuteur lui exprime le souhaite de rétablir le contact pour entamer un «dialogue» dans le but de trouver un terrain d’entente. Au bout d’un certain temps, son interlocuteur lui propose d’organiser une rencontre à l’ambassade pour poursuivre la discussion. L’opposant saoudien accepte le principe de la rencontre mais refuse catégoriquement qu’elle ait lieu au siège de l’ambassade. Il propose un endroit «neutre» ou un lieu public, comme un restaurant ou un café. Après avoir insisté pour que la réunion se tienne à l’ambassade, le diplomate jette du lest et propose qu’elle ait lieu dans un appartement propriété de l’ambassade à Beyrouth.

Maan al-Jarba accepte et informe ses proches de l’évolution de la situation. Il se rend sur le lieu du rendez-vous accompagné, dans sa voiture, de trois gardes du corps armés qui ne le quitteront pas d’une semelle. A distance, une autre protection est assurée par une équipe plus nombreuse.

Le personnel de l’ambassade saoudienne ne cache pas son mécontentement de le voir arriver entouré de ses gardes du corps, bien qu’eux-mêmes étaient accompagnés de plusieurs hommes en armes. L’un d’eux lui fait le reproche et lui rappelle qu’il est l’opposant saoudien «le plus recherché au Liban». 

Ils tentent de le convaincre de rentrer en Arabie

Malgré l’ambiance tendue, la discussion est lancée. Les fonctionnaires de l’ambassade tentent de le rassurer sur leurs intentions et lui proposent de rentrer en Arabie saoudite pour poursuivre ses activités «librement». Ils lui reprochent ses positions favorables à la Résistance anti-israélienne et aux relations avec l’Iran. Ils lui disent que le royaume a besoin en cette ère de «réformes» de toutes ses énergies et qu’il devrait joindre ses efforts à ceux des dirigeants pour construire l’Arabie de l’avenir.

Cheikh al-Jarba refuse l’offre de rentrer au pays, connaissant très bien le sort réservé à ceux qui oseraient critiquer ou s’opposer au régime. Mais il convient avec ses interlocuteurs de poursuivre le dialogue et d’organiser d’autres rencontres. Cependant, quelques jours plus tard, Jamal Khashoggi est assassiné dans les circonstances que l’on connaît. L’opposant saoudien comprend alors que la volonté de dialoguer exprimée par le personnel de l’ambassade n’était pas sincère et qu’il a peut-être échappé à un sort similaire à celui du journaliste, qui a été découpé à la scie alors qu’il était un partisan de la monarchie, son seul crime ayant été de soutenir une aile de la dynastie des Saoud au détriment du prince héritier Mohammad Ben Salman (MBS). Maan al-Jarba, lui, réclame l’établissement d’une monarchie constitutionnelle.

Après le crime d’Istanbul, cheikh al-Jarba a réalisé que tout dialogue est inutile et a mis fin à ses contacts avec les fonctionnaires de l’ambassade.

S’il n’avait pas été prévoyant, il aurait pu subir le même sort que Khashoggi ou, avant lui, une longue liste d’opposants assassinés ou enlevés sans laisser de traces. C’est ce qui est arrivé à l’un des plus célèbres détracteurs de la dynastie des Saoud, l’écrivain Nasser as-Saïd, auteur, entre autres, d’un ouvrage de référence (L’Histoire des Saoud), mettant à nu la dynastie régnante, ses origines et ses relations avec les Britanniques et les Américains. Nasser as-Saïd a été kidnappé le 17 décembre 1979, à l’époque où le royaume était secoué par l’occupation de la grande mosquée de la Mecque par l’extrémiste Juhayman al-Oteibi et plusieurs dizaines d’hommes armés. Au même moment, la région orientale à majorité chiite était le théâtre d’un soulèvement populaire. L’écrivain saoudien, qui vivait à Damas, se rend à Beyrouth pour une série d’interviews avec des médias arabes et occidentaux sur la situation dans son pays. Il est enlevé en plein jour dans la rue Hamra, après avoir été drogué. Il est transporté à l’aéroport de Beyrouth et embarqué à bord d’un avion à destination de l’Arabie saoudite. Il aurait été jeté d’une altitude de dix-mille pieds.

Source: french.alahednews

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