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Rien de percutant au sommet des absents

Rien de percutant au sommet des absents
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Par Samer R. Zoughaib

Malgré les auto-félicitations auxquelles se sont livrés les responsables libanais et la venue à la dernière minute de l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, le 4ème sommet économique et social de Beyrouth était fade.

Les divergences interlibanaises, les différends entre les Arabes et les pressions américaines auront finalement réussi à transformer le 4ème sommet économique et social arabe en un événement d’envergure modeste. Depuis des années déjà, les sommets réunissant les dirigeants arabes n’étaient plus que des réunions folkloriques dont les décisions étaient ignorées par ceux-là mêmes qui les avaient prises. Mais ils avaient le mérite de montrer au monde une rare image de rois, d’émirs et de présidents arabes, assis autour d’une même table, ce qui permettait de vendre aux peuples de la région un peu de rêves d’une époque révolue, lorsque des hommes du calibre de Gamal Abdel Nasser prêchaient l’unité et l’indépendance.

Le sommet de Beyrouth aurait pu entrer dans les annales s’il avait réussi à rassembler les rangs divisés des Arabes. Cela passait forcément par la réintégration de la Syrie, suspendue de la Ligue arabe en novembre 2011 malgré l’absence de l’unanimité nécessaire pour une telle mesure. Au lieu de faire de cette question une condition centrale à l’organisation du sommet, les dirigeants libanais ont fait de la tenue de cette réunion à la date prévue le principal enjeu.

Divergences sur la question des réfugiés

Pensaient-ils pouvoir obtenir des pays arabes une aide pour le retour des déplacés et pour financer des projets de réhabilitation et de développement de l’infrastructure? Une annonce tonitruante du prochain retour des touristes arabes au Liban? Ou un encouragement pour participer à la reconstruction de la Syrie? Si tel était le cas, les dirigeants libanais ont fait preuve d’une affligeante naïveté. D’abord, parce que les positions à la tête de l’Etat concernant la question des réfugiés sont contradictoires. Les propos du ministre Affaires des réfugiés, Mouïn Merhebi, qui a publiquement contredit le chef de la diplomatie Gebran Bassil, dimanche, en sont la preuve. Merhebi et le camp qu’il représente défendent des positions servant plus l’intérêt des pays du Golfe que ceux du Liban.

En voulant jouer aux équilibristes, Gebran Bassil et son camp politique ont présenté des concessions pour obtenir un compromis sans saveur. Le ministre des Affaires étrangères se targue d’avoir enregistré une «victoire» dans l’affaire des réfugiés, en faisant adopter au sommet le document qu’il a préparé au sujet des réfugiés. Que dit ce texte? «La crise des déplacés et des réfugiés dans les pays arabe est considérée comme étant la pire catastrophe humanitaire depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La région arabe supporte le plus grand poids de cette crise que ce soit en accueillant le plus grand nombre de déplacés et de réfugiés ou en présentant les aides humanitaires nécessaires». Et le communiqué final d’ajouter: «Nous appelons la communauté internationale à assumer ses responsabilités pour limiter la tragédie des déplacés, à tout mettre en œuvre pour trouver des solutions radicales et efficaces et à redoubler d'efforts pour assurer des conditions propices au retour des déplacés et des réfugiés dans leur pays d'origine. Cette crise à un grave impact sur l'économie des pays d'accueil et leurs finances publiques, les dangers réels du déplacement au niveau du tissu social des pays de la région et la nécessité de déployer des efforts régionaux et internationaux pour faire face à cette crise humanitaire majeure.» Le texte lance aussi un appel aux pays donateurs afin qu’ils assument «le fardeau de la crise des déplacés et des réfugiés en honorant leurs engagements financiers, en fournissant les fonds nécessaires aux pays hôtes pour répondre aux besoins des personnes déplacées et des réfugiés, en soutenant l'infrastructure et en fournissant une assistance aux déplacés et aux réfugiés dans leur pays d'origine pour les encourager à y retourner.» Les dirigeants arabes appellent enfin «la communauté internationale à soutenir les pays arabes accueillant les déplacés et les réfugiés syriens et à mettre en œuvre des projets de développement afin de réduire les impacts économiques et sociaux de cet accueil, et demandent au Secrétariat d'organiser une réunion des donateurs internationaux, des organisations spécialisées et des fonds arabes avec la participation des pays arabes accueillant les réfugiés et déplacés syriens en vue d'un accord sur un mécanisme clair pour financer ces projets.» 

Des vœux pieux sans actions

Ces propos ne sont en fait que des vœux pieux. Il n’y a nulle part un soutien sans équivoque à la politique défendue par le président Aoun pour un retour volontaire des réfugiés, organisé en coordination avec les autorités syriennes. Ce sont des paroles pertinentes, certes, qui restent dans le cadre des généralités. On ne voit pas dans les décisions du sommet de Beyrouth l’annonce de la création d’un mécanisme pour le retour des déplacés, ou un financement pour organiser ce processus.

D’ailleurs, le retour n’a aucune chance de réussir sans la coopération de la Syrie. C’est donc ce pays qui devait être présent avant tout autre à ce sommet. Et il n’est pas abusif de dire que sans la présence de la Syrie, cette réunion n’avait que peu d’intérêt pour le Liban.

Pour compenser les concessions qu’il a consenties, Gebran Bassil a fait des déclarations sur la nécessité de réintégrer Damas dans le giron des pays arabes. Il a même affirmé que cette idée «a été reçue positivement» par les participants au sommet. Ces propos sont louables, certes, mais ils restent des mots dénués de toute action tangible pour les concrétiser. Le ministre Bassil semble toujours dans la logique de l’équilibrisme.

La reconstruction de la Syrie éludée

La reconstruction de la Syrie aurait dû être l’autre grand enjeu de ce sommet pour le Liban. Ce dossier n’a même pas été abordé car avant la tenue de la réunion, les Américains ont fait parvenir des messages que le temps de la reconstruction n’a pas encore sonné. Le sujet a alors été tout simplement ignoré. Pourtant, c’est une question presque vitale pour le Liban, qui traverse une des pires crises économiques de son histoire contemporaine. Les milieux des affaires savent pertinemment que la seule issue pour relancer l’économie est la perspective que peut offrir la reconstruction de la Syrie. Et pour participer à cet immense chantier, Beyrouth doit d’abord normaliser ses relations avec Damas. Or une partie de la classe politique et des dirigeants sont opposés à tout contact avec les autorités syriennes, de peur de s’attirer les foudres de leurs parrains du Golfe et des Occidentaux, menés par les Etats-Unis.

Sur le plan de la forme, le sommet était aussi un échec sur le plan du niveau de la représentation. La venue impromptue, pour quelques heures, de l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani, n’a pas réussi à sauver les apparences.  Certes, la présence de l’émir Tamim est appréciable. Il a par sa venue brisé le boycott des dirigeants du Golfe du Liban et non pas du sommet. Mais sa présence a été ternie par des informations vite démenties sur le fait que Doha aurait financé les frais du sommet, qui s’élèveraient à 15 millions de dollars.

L’absence de presque tous les chefs d’Etat arabes, à part le Mauritanien et le Somalien, a donc pesé. Certains milieux ont tenté de faire assumer la responsabilité de cette désaffection à l’affaire du drapeau libyen brûlé à Beyrouth par des militants du mouvement Amal. Mais que dire des conseils prodigués par les Américains à tous leurs «alliés» arabes sur la nécessité de ne pas inviter la Syrie et de ne pas aborder la question de la reconstruction de ce pays?

A vu de toutes ces déconvenues, on se demande ce que le Liban a pu gagner en accueillant ce sommet terne et fade, que ne fera en rien avancer son économie ou encourager les Arabes à venir y investir.

Source : French.alahednews.com

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