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En 2018, la chute brutale du macronisme

En 2018, la chute brutale du macronisme
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Par Samer R. Zoughaib

Après avoir suscité une vague d’espoir lors de son élection 8ème président de la Vème République française, le 7 mai 2017, Emmanuel Macron a vu, en 2018, sa crédibilité fortement entamée et sa popularité chuter d’une manière vertigineuse.

Jeune, cultivé, entreprenant, Emmanuel Macron, véritable phénomène qui a bousculé en quelques mois les partis de la gauche et de la droite qui occupaient la scène politique française depuis l’avènement de la Vème République, a incarné pour beaucoup l’espoir du changement. En moins d’un an, les Français ont déchanté et sa côte de popularité s’est effondrée en un temps record, du jamais vu dans l’histoire d’un mandat présidentiel.

Entre le printemps et l’automne 2018, le président Français a vu sa crédibilité détruite, la confiance que les Français plaçaient en lui fondre, son image irrémédiablement écornée, son autorité, incarnée par le prestige de l’Etat, battue en brèche. Cette chute est sans rémission, pensent de nombreux experts.

Les chiffres sont assez éloquents. Selon un sondage OpinionWay réalisé pour LCI le 31 décembre 2018, 60% des Français n’ont pas apprécié l'exercice annuel des vœux présidentiels. Seuls 14% des personnes interrogées ont trouvé Emmanuel Macron «très convaincant», contre 33% «pas du tout convaincant».

Macron s’est trompé sur toute la ligne

Le président français semble s’être trompé sur toute la ligne, aussi bien sur ses choix internes qu’en politique étrangère. Il y a un an, alors fraîchement élu, Emmanuel Macron avait fixé comme objectif la restauration de la «concorde» entre les Français. 2018 serait l’année «de la cohésion de la nation», avait-t-il osé. Quelques mois plus tard, l’érosion irrémédiable de sa popularité commençait, sur fond de crises multiples, allant de l’affaire Benalla, à ses mots malheureux, pour arriver au mouvement des Gilets jaunes, sans oublier ses sorties dignes de Don Quichotte en matière de politique étrangère, critiquant Donald Trump tout en restant aligné stratégiquement sur les Etats-Unis sur plusieurs dossiers.

La chute du macronisme est l’un des évènements politiques les plus marquants de la Vème République par son ampleur et sa rapidité. Elle est due à une succession de déconvenues provoquées par des erreurs d’appréciation du président français et de ses collaborateurs mais surtout par des choix économiques dont ils ont mal calculé les conséquences.

Une série de mesures prises par Emmanuel Macron ont résolument renforcé l’impression de «président des riches» qu’ils inspiraient à de larges pans de l’opinion publique. Ses sorties maladroites ont fini par forger de lui l’image du président «arrogant» et «méprisant» pour le peuple. La gestion lamentable de «l’affaire Benalla» a provoqué une chute de 10 points de sa popularité au cours du premier semestre 2018. Les Français ont senti que ce chargé de mission bénéficiait d’un traitement privilégié et d’une mansuétude présidentielle inexplicable, et la communication d’Emmanuel Macron n’a fait qu’aggraver les choses, surtout son fameux «qu’ils viennent me chercher», considéré comme une offense à la justice.

Abandonné par ses proches

Le départ du gouvernement des ministres de la Transition écologique Nicolas Hulot et de l’Intérieur Gérard Collomb et de plusieurs conseillers du chef de l’Etat a montré les divisions ont sein du camp présidentiel. Sentant le changement de perception de l’opinion publique, Emmanuel Macron tente, à l’automne 2018, une manœuvre de redressement à travers une campagne de communication tous azimuts: les photos qui créent la polémique lors du déplacement aux Antilles début octobre, et l’étonnante allocution depuis l’Elysée le 16 octobre, avec un président mal éclairé, ses feuilles de brouillon raturées posées devant lui, «l’itinérance mémorielle» d’une semaine entière pour commémorer la fin de la Première guerre Mondiale… Cette overdose de communication ne donne pas les résultats escomptés et le fossé entre le président, qui n’a pas compris le profond malaise de son peuple, et les Français se creuse davantage.

Les Gilets jaunes, une lame de fond

La plus grave erreur d’Emmanuel Macron est de n’avoir pas compris l’ampleur du malaise des Français, certes dû à une accumulation de mesures commencées par sous les mandats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, mais aggravées par les «réformes» entreprises à la hussarde sous son mandat, et qui ont amplifié le fort sentiment d’injustice fiscale et économique ressenti par les classes moyenne et populaire. La suppression de l’ISF (L’impôt sur la fortune) et la hausse des taxes sur l’essence, qui touche indistinctement les plus nantis et les plus démunis, sont les expressions les plus emblématiques de la perception qu’a une majorité de Français de son président.

La «mère des erreurs» est de ne pas avoir compris que le mouvement des Gilets jaunes, qui a vu le jour à la mi-novembre, n’était pas une simple réaction de colère ponctuelle et provisoire mais une lame de fond, qui exprime le ras le bol des Français, qui voient un modèle d’Etat auquel ils sont attachés, démantelé au profit du grand capitale et des classes les plus aisées. La gestion lamentable du début de la crise des Gilets jaunes transforme la spirale négative en chute brutale: l’intervention du Premier ministre, le 18 novembre à l’issue du premier samedi de mobilisation, renforce le sentiment d’un pouvoir coupé des réalités et qui a du mal à comprendre l’ampleur du problème. Le discours prononcé par Emmanuel Macron le 27 novembre sur la transition écologique non seulement ne calme pas la colère des Gilets jaunes mais l’exacerbe. Début décembre il est déjà sans doute trop tard: la gigantesque explosion sur les Champs Elysées ne peut plus être évitée.

Malgré la répression des manifestants, l’intimidation par l’arrestation d’Eric Drouet, l’un des leaders des Gilets jaunes, le blocage des routes, des gares, des métros par la police, pour empêcher le rassemblement des protestataires, les campagnes de dénigrement contre les contestataires, rien ne peut plus arrêter le mouvement. Certains commentateurs politiques et journalistes n’hésitent plus à parler de «guerre civile».   

Aligné sur les Etats-Unis

A ce lamentable bilan interne, s’ajoute une politique étrangère confuse, qui se prétend se libérer par la parole des desiderata américains mais qui dans la réalité n’en reste pas moins alignée sur les options stratégiques des Etats-Unis. Les Français ne sont pas dupes et voient que leur président n’offre pas une alternative au système qui qui ne leur inspire plus confiance aussi bien concernant l’Europe que les relations déséquilibrées avec l’Amérique. En parole, Emmanuel Macron préconise la formation d’une «armée européenne» mais dans les actes, il reste attaché à l’Otan, qui incarne la domination politique des Etats-Unis sur le Vieux continent.

Les Français ne sont pas dupes non plus des humiliations que Donald Trump inflige à son allié, en annonçant d’une manière inattendue le retrait de ses troupes de Syrie, abandonnant sur le terrain les quelque 200 soldats français déployés pour servir de supplétifs aux Marines. La surenchère verbale de Macron sur le fait que la France n’emboitera pas le pas à Trump ne convainc personne.

C’est en président très affaibli que le locataire de l’Elysée se présentera au sommet européen de juin prochain. Celui qui ambitionnait de devenir le patron de l’Europe après l’annonce par Angela Merkel de sa retraite politique, n’est même plus sûr d’être le patron dans son propre pays.

Source : French.alahednews

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