Hassan al-Lakkis: L’homme qui a survolé la Palestine
Cinq ans après le martyre de haj Hassan al-Lakkis. La spécificité de ce chef est qu'il était «rêveur», mais qui cherchait de toutes ses forces à réaliser son rêve. Et il a pu le faire ! C’est un martyr heureux, au vrai sens du terme, vu qu’il a réalisé son rêve à l’aide d’un groupe de «rêveurs ambitieux», ils ont survolé la Palestine ... et sont allés loin. Dans le texte qui suit, certains aspects de cet homme qui, comme tous les martyrs de la résistance, n'ont été pas révélés qu’après leur départ, ils ne sont connus qu’après leur martyre.
Voici quelques souvenirs racontés par l’un de ses amis proches qui dévoile quelques traits de cette personne exceptionnelle, afin de rendre hommage à ce combattant qui fait partie d’une résistance qui nous a permis, nous qui sommes encore en vie, de vivre en toute fierté et toute dignité.
L’équipe responsable de l’assassinat d’al-Lakkis comptait douze membres du Mossad israélien. La nuit du 3 au 4 décembre 2013, dans la banlieue sud de Beyrouth. La mission : l'assassinat du leader du Hezbollah, Hassan al-Lakkis, devenu une menace démesurée pour l'ennemi.
Deux membres du groupe était chargé de l’assassiner, tandis que les 10 autres étaient responsables de la mise en œuvre, du planning et du transport. Le danger que présenté hajj Hassan à l’ennemi israélien l’a poussé à prendre le risque d’envoyer une telle équipe pour achever cette mission. Un ami du martyr raconte ce souvenir avec regret : «je suis arrivé à la maison et ils m'ont dit que hajj Hassan m'avait appelé quelques minutes auparavant. Lorsque j’ai voulu le contacter, son garde du corps m’a appelé en me disant que le concierge de l’immeuble de Hajj Hassan lui a dit qu’une personne inconnue avait tiré sur lui». Cinq ans sont passés et son ami n’a pas perdu le souvenir de cette scène «quand je suis arrive, je l’ai trouvé par terre, contre la porte de la voiture, il souriait alors que le sang coulait de sa tête ... Je me suis approché et j’ai vu qu’il avait un pistolet à la main».
Cet homme âgé de 50 ans raconte des souvenirs qui remontent au début de sa relation avec hajj Hassan, «il est revenu d'Afrique en 1978 et depuis lors, nous sommes amis». Selon ce proche, «la perfection» était le symbole de hajj Hassan depuis son plus jeune âge, «il se distinguait à tous les niveaux, par ses capacités intellectuelles, par son intelligence, par son ambition, ses principes et ses morales. Je me souviens que lorsque nous avions terminé nos études secondaires, Hassan a appris qu’il y avait un institut informatique à Gefinor il s’est précipité à s’inscrire, bien que ce domaine n’était pas connu à l’époque, mais il aimait voir et apprendre toutes les nouvelles technologies, depuis sa jeunesse, au point qu’il se privait de beaucoup de choses indispensables pour acheter les livres, les magazines et les équipements nécessaires à son apprentissage».
Tous ceux qui ont connu hajj Hassan ont remarqué son caractère assidu et sérieux, sayyed Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, l’a confirmé dans l’un de ses discours «il était un membre dévoué, assidu, et sérieux... il était d’une noblesse remarquable, aimant et créatif, c’est l'un des esprits distinctifs et brillants de cette résistance».
Sayyed Nasrallah, qui connaissait bien hajj Hassan, a signalé que «le martyr était un ami proche, un ami de jeunesse à l’époque de Baalbeck, quelqu’un de confiance, à qui on pouvait se confier». Hajj Hassan s’était installé à Baalbeck, à son retour de l’Irak à la fin de 1979, il a poursuivi des études religieuses à l’école religieuse fondée par sayyed Abbas al-Moussawi.
À l'époque, la relation entre les deux jeunes hommes se limitait à leur rencontre dans la mosquée. Plus tard, lorsque sayyed Abbas est devenu le responsable culturel du mouvement Amal à Baalbeck, hajj Hassan l’a rejoint. C'était en 1980. Ils sont restés proches depuis lors. Le jour où sayed Abbas a reçu une menace de mort due à ses positions qu’il disait clairement à toute occasion, hajj Hassan a pris la décision d’accompagner sayyed Abbas dans toutes les occasions où il devait lancer un discours afin de veiller à sa sécurité. Il a également insisté à dormir chez lui afin de le protéger de toute éventuelle menace. A cette époque, les liens amicaux entre ses deux hommes se sont bien soudés, une amitié qui s’est développée et s’est poursuivie jusqu’au martyre de sayyed Abbas. Un ami de hajj Hassan se souvient comment le martyr a accompagné sayyed Abbas et un groupe de jeunes le jour de l'invasion israélienne, pour faire le tour de la ville de Baalbeck afin de mobiliser les gens et de les inciter à lutter contre l'ennemi israélien tout en scandant «mort à l’Amérique» et «mort à Israël». Ils étaient non seulement amis, mais également partenaires des premiers pas du mouvement de résistance. Même lorsque sayyed Abbas s’est installé à Beyrouth, les deux jeunes hommes ont gardé contact et ont préservé leur coopération et leur amitié.
Avec l’arrivée des gardiens de la révolution iranienne au Liban pour la formation militaire des jeunes afin qu’ils puissent résister à l’occupation, hajj Hassan s’est précipité à rejoindre les cours de formation. Plus tard, il a travaillé au bureau des gardiens de la révolution. En raison de son travail, il était en contact direct avec la plupart des responsables iraniens et, vu ses capacités et son intelligence, il a rapidement appris le persan. Vu le poste qu’il occupait, il assistait, en compagnie de sayyed Abbas, à la plupart des réunions avec les dirigeants des gardiens de la révolution, ce qui lui a permis d'acquérir une grande expérience et des relations plus larges.
Avec le décroit de l'occupation israélienne dans le sud et dans la Békaa ouest, les opérations militaires se sont concentrées dans cette région. Hajj Hassan a participé à plusieurs opérations militaires sur le terrain dans ces régions. Il a participé à des opérations qualitatives, notamment la prise des points de positionnement israéliens, comme celle de «Toumat Niha» (1988).
Sa lutte contre l'ennemi et sa participation au travail militaire direct lui a permis de remarquer certains des obstacles et des problèmes rencontrés par les moudjahidines sur le terrain, et cela l’a poussé à rechercher des solutions pour les surmonter. Il a commencé par créer les «signal corps» (les transmissions: unité responsable de la transmission de l’information), il a ensuite développé cette unité ainsi que les systèmes de communication filaire et les transmissions sans fil, en se penchant sur les derniers développements dans le monde de la technologie, de sécurité et de l’armée, grâce à sa connaissance des dernières innovations mondiales. Il a toujours cherché à intégrer le plus possible la technologie de pointe dans les différentes unités de la résistance, au point où il est devenu la première "référence technologique" pour tous les leaders de la résistance. C’est également l’un des leaders, ayant participer, à la sélection de l'arsenal de la résistance et à son développement. Il a élargi ses recherches à ce niveau, devenant le premier conseiller des chefs militaires chaque fois qu’une nouvelle arme se présentait.
Plus tard, les défis ont augmenté, en particulier après le développement de la résistance et l’intensification des mesures préventives par l’ennemi. Il a continué à proposer des idées et à donner des solutions pour faire face aux défis et aux difficultés sur le terrain, jusqu'à ce qu'il commence à réfléchir comment exploiter le ciel pour surmonter les difficultés. «Je me moquais de lui, à chaque fois que j’entrais et le voyait en train d'essayer d'installer les pièces en bois sur un petit moteur, je lui demandais : penses-tu sérieusement que ces pièces pourront décoller ? Il me répondait avec un sourire, et en toute confiance : elles décolleront, et filmeront et un jour, elles porteront des missiles», ajouta l’ami de hajj Hassan.
Cette idée datait de 1988. C'est alors que l'ambitieux jeune homme, qui ne croyait pas en l’«impossible», a décidé de se projeter dans le ciel.
Il a d'abord commencé dans sa petite chambre, il a acheté une machine à outil, et a collecté de simples petits «moteurs», il les collait à des morceaux de bois, puis essayait de les faire voler.
Après une dizaine de tentatives, il a finalement réussi à faire voler l'un de ces modèles. A partir de là il a pu par sa manière humble et persuasive, convaincre les dirigeants et les responsables de la résistance, et a ensuite créé une unité qui deviendra plus tard l’«Unité de la Force aérienne de la Résistance islamique».
Ce parcours n’était pas facile et chaque réalisation coûtait à hajj Hassan, ainsi qu’à son équipe, beaucoup d’études, de planification, de programmation et de travail assidu. Ils étaient enthousiastes pour la préparation, la planification et le développement, car ils croyaient que la guerre technologique contre l'ennemi ne se terminerait jamais. Cette tâche lui a coûté beaucoup de temps et d’efforts, et lui-même couté la vie. Les noms des membres de cette équipe n’ont pas été dévoilés, jusqu’à leur martyr, hajj Hassan, Hussein Ayoub et Jamil Skaf. Ce sont ceux qui ont excellé dans ce domaine, et leur travail leur a coûté la vie.
Rien ne pouvait arrêter ces jeunes hommes, le sacrifice, pour eux, n'était pas un obstacle. Hajj Hassan a continué à développer les drones télécommandés. À cette fin, il a visité des usines d'avions en Iran. Il a assisté à de nombreux exercices là-bas et a rencontré de nombreux spécialistes iraniens, afin de tirer profit de leur expérience pour développer les versions et les modèles qu’il avait créés. Il n'a jamais cessé de rechercher toutes les nouveautés mondiales, pour s’en servir dans le développement technologique de son travail.
Ce travail a poussé les israéliens à mettre le nom de hajj Hassan al-Lakkis, parmi les leaders de la guerre des cerveaux, une guerre à plusieurs niveaux. C’est ce qui a motivé les israéliens à l’assassiner depuis le début des années 90. A l’époque une bombe a été installée près de chez lui à Baalbeck, selon l’ami du martyr, «alors qu’il rentrait chez lui un bulldozer l’a interceptée. Il a voulu le dépasser, mais il n’a pas réussi, il s’est tourné à droite et à ce moment-là il y a eu grande explosion de l’autre côté». L'ennemi pensait qu’en tentant de l’assassiner il affaiblirait sa détermination, mais il s’était trompé. Après cette tentative, hajj Hassan a repris son travail dans le développement des missiles et des drones avec plus de fermeté et une grande volonté d’évoluer le travail.
Après la défaite israélienne au Liban en 2000, son travail s'est élargi et l’unité des drones ou l’«unité de l'armée de l'air», s’est élargi comprenant plusieurs ateliers gérés par des équipes qu'il choisit avec soin. Sayyed Nasrallah se rendait régulièrement dans ces usines pour examiner leur travail. Les commandants des opérations militaires demandaient l'implication de ces avions dans leurs opérations vu leur grande utilité.
Au cours de toutes ces années, les avions téléguidés étaient le puissant «œil» de la résistance, à la fois avant et pendant les opérations militaires, et cela n'était qu'une partie de ce que prévoyait hajj Hassan. L’effectivité de son travail a clairement apparu lors de la guerre de juillet 2006. À ce moment-là, l'ennemi s’est décidé de se débarrasser de ce commandant qui l'inquiétait depuis de nombreuses années, profitant du déclenchement de la guerre pour tenter de l'assassiner à nouveau. Cela a été clairement déclaré par les israéliens. Son ami proche raconte des souvenirs de la guerre 2006, «j'étais occupé à faire mon travail, lorsque hajj Imad Moghniyeh m’a appelé me disant qu’il avait vu hajj Hassan à la télévision lors d’une émission en directe qui a filmé le bâtiment détruit au Shiyah par un bombardement israélien, il m’a demandé de le joindre et lui demander de s’éloigner… j’ai appris à mon arrivée qu'il essayait de trouver le cadavre de son fils Ali, âgé de 18 ans, qui se trouvait dans le bâtiment. Le martyr m'a dit plus tard qu'il s’était rendu dans l'immeuble pour remettre un sac à son fils, peu de temps après son départ, l'avion israélien a bombardé l'immeuble et l'a détruit. Son fils est tombé martyr ce jour-là. Malgré la douleur et la perte, hajj Hassan a quitté les lieux et est retourné au travail. Nous avons constaté cette fermeté lorsque nous l'avons accompagné trois jours après l'agression pour voir le cadavre de son fils à l'hôpital, il a fait ses adieux et s’est précipité à rejoindre son équipe pour poursuivre le travail».
Bien que la guerre s’est terminé, Hassan al-Lakkis hantait les pensées des israéliens qui n’ont pu ni par le meurtre de son fils ni par la destruction de sa maison de le décourager et le pousser à arrêter son travail. Après la guerre de juillet 2006, le projet des avions téléguidés a pris une tournure ascendante à la lumière des résultats de la guerre. Hajj Hassan a bénéficié des développements scientifiques et des capacités de la résistance pour trouver de nouveaux modèles répondant aux nouveaux besoins d’après la guerre.
L'aéronef télécommandé a non pas seulement aidé la résistance au Liban, voire cette innovation a également servi dans la guerre en Syrie. Elle a été utilisée dans la plupart des affrontements qui ont eu lieu. La bataille du Qussair est le meilleur exemple.
L'ami du martyr nous apprend que ce dernier lui a montré une vidéo montrant le fonctionnement de ces avions pendant la bataille. Les aéronefs filmaient le terrain et envoyaient les vidéos en directe vers la salle de commandement, qui prenait contact avec le groupe qui se trouvait sur le terrain. Cela a permis de réduire le nombre de pertes humaines et a contribué au succès de l’opération grâce à l’accumulation de connaissances. «Après la bataille d'Al Qussair, le martyr m'a informé d'un nouveau plan visant à armer les aéronefs, ils serviront pour filmer et bombarder les cibles. Il m'a rappelé que depuis de longues années il m’avait parlé de ce projet. Peu de temps après, hajj Hassan m’a montré une vidéo de nouvelles manœuvres durant lesquelles il avait réussi à appliquer son plan», ajouta son ami.
Hajj Hassan est mort en martyre, mais sa pensée, son approche et ses réalisations se poursuivent jusqu'à ce jour, avec la même force et la même détermination. Son équipe continue à développer son travail et ses plans. Leurs réalisations dépassent l’arène syrienne. Jusqu'à présent, hajj Hassan reste inconnu pour l'ennemi et pour la plupart de ses amis, mais ses accomplissements et ses réalisations seront vues lors de la prochaine guerre, à travers les capacités de la force aérienne de la résistance… Lorsque cette expression «les avions de la résistance bombarde les territoires occupés» fera la une des journaux.
Article paru dans le quotidian libanais Al-Akhbar, traduit par l’équipe du site