L’arrestation de Hariri: de l’aéroport à la villa du complexe Ritz-Carlton
Hier, il n’y avait plus aucun doute sur le sort du premier ministre libanais Saad Hariri. Des sources proches du Premier ministre ont informé au journal Al-Akhbar qu'il a été placé en résidence surveillée, quelques heures après son arrivée à Riyad vendredi dernier. Il est toujours dans un endroit séparé de celui où se trouve sa famille, tandis qu'une équipe de sécurité saoudienne est chargée de sa sécurité, comme c'est le cas des princes et des ministres saoudiens arrêtés.
Selon les sources, peu après l’arrivée de Hariri à Riyad, on lui a demandé de se rendre au complexe hôtelier Ritz-Carlton pour tenir des réunions en vue de son transfert au palais Al-Yamamah pour rencontrer le roi Salman. À son arrivée à l'hôtel, il a été surpris par des mesures de sécurité exceptionnelles, se rendant compte, quelques minutes plus tard, qu'il était arrêté. Il a été emmené dans une villa appartenant à l’enceinte du complexe, et non à l'hôtel, où environ 49 émirs, ministres et un homme d'affaires saoudien ont été arrêtés. Ces derniers ont également été sommairement convoqués à Riyad pour des «réunions de travail» avec le roi et le prince héritier et furent ensuite arrêtés dans le cadre d'enquêtes de corruption.
Selon des sources, les forces de sécurité saoudiennes ont saisi les téléphones en possession de Hariri et de son équipe de sécurité. Les membres de l'équipe de sécurité ont eu le choix de retourner à Beyrouth, et dans ce cas ils ne seront plus en mesure de revenir à Riyad à nouveau. À la demande de Hariri, quatre de ses compagnons, dirigé par l'officier Mohamed Diab se sont rendus à son domicile pour rester avec sa femme et ses enfants, alors que le chef de son équipe de sécurité Abdul arabe et l'un de ses gardes du corps sont resté avec Hariri, dans la villa. Tous ont été informés des règles de résidence en termes de ne pas se déplacer à l'intérieur de l'hôtel et de ne pas communiquer avec le personnel de sécurité. Ils ont été reliés à un agent de sécurité saoudien dans un bureau à proximité, où ils peuvent aller plusieurs fois par jour pour inspecter leur téléphone, en se limitant à utiliser des applications comme «WhatsApp» pour répondre aux messages. Ils ont été permis de faire des appels téléphoniques, à condition de ne pas évoquer leur lieu de résidence et les circonstances dans lesquelles ils se trouvent, sous la menace de ne plus leur permettre de communiquer à nouveau.
Après une réunion avec un haut responsable de la sécurité saoudien et une autre réunion avec le ministre Thamer al-Sabhan, la déclaration de démission rédigée par la cour royale a été remise à Hariri qui a pu la lire deux fois avant de l’enregistrer. Al-Sabhan a informé Hariri qu'il expliquerait lui-même les causes de la démission aux personnes concernées à Beyrouth, lui demandant d’interdire aux assistants du Premier ministre de se rendre à Riyad, ce que Hariri a personnellement livré à travers plusieurs messages au directeur de son bureau Nader Al-Hariri et à certains responsables du Mouvement du Futur.
Hariri a ensuite été informé qu'il sera traité comme témoin dans une enquête en tant que citoyen saoudien, et non pas en tant que chef du gouvernement libanais. Il a été interrogé sur des dossiers remontant à l'époque de Khalid al-Tuwaijri à la tête de la cour royale sous le règne de l'ancien roi Abdallah. Bien que Hariri ait réitéré ce qui avait déjà dit il y a plusieurs mois sur les dossiers concernés, en particulier en ce qui concerne les soupçons d’avoir reçu des commissions, liées au don royal prévu pour le Liban, estimé à un milliard de dollars américain, ou liés aux contrats obtenus par la société «Saudi Oger» sans avoir respecter les termes des contrats, en plus de grands prêts bancaires. Hariri a également réitéré que tous ses biens en Arabie Saoudite sont en possession des banques saoudiennes et qu'il n'avait plus que sa maison.
Après le rejet de la demande de Hariri de tenir une conférence de presse ou de voyager en dehors de l'Arabie saoudite, ses gardes qui étaient restés auprès de sa famille, ont été poussé à prendre une décision définitive de rester ou de retourner au Liban, plusieurs parmi eux ont choisi de rentrer hier soir.
Bien que tout le monde à Beyrouth a été abasourdi après la démission de Hariri, les contacts dans les 24 heures qui ont suivi sa déclaration ont poussé ses proches à évoquer le problème avec les partis locaux et étrangers. Le consensus était d'agir calmement et d'essayer d'assurer une sortie sûre et décente au premier ministre, de l’Arabie Saoudite, ce que le président Aoun et Nabih Berri ont tenté de faire par médiation avec l'Egypte et la Jordanie mais sans résultat. Le député Walid Jumblat a également négocié la médiation avec les autorités françaises et britanniques sans résultat. Même Londres n'a pas réussi à obtenir la permission, pour l'un de ses diplomates à Riyad, de rencontrer Hariri, alors que les Américains ont refusé d'intervenir.
Lundi soir, il a été appris que la médiation française avait échoué et que le prince héritier saoudien avait insisté sur le fait que Hariri ne pouvait pas quitter Riyad sans promettre de ne pas changer de position. Sa famille a été retenue à Riyad en otage pour l'empêcher de déclarer une position politique contraire à ce qu'il avait annoncé dans la déclaration de démission, tandis que les assistants de Hariri à Beyrouth n'ont reçu aucun signal positif. Son équipe à Beyrouth était préoccupé à contrôler les déclarations d'une équipe médiatique, politique et parlementaire, incitaient par le ministre Sabhan à lancer des déclarations niant l'arrestation de Hariri et confirmant les causes de sa démission. Il est à noter que le député Joumblatt n'a reçu aucune assurance de la part du ministre saoudien, qui communique avec lui par l'intermédiaire du ministre Wael Abu Faour.
Les sources bien informées se sont penchés sur la réunion de Saad Hariri avec le roi Salman, cette rencontre visait à envoyer un signal que Hariri ne figure pas sur la liste des personnes arrêtées pour corruption, qui ne se seront pas en mesure de voir le roi ou le prince héritier. Notant que sa situation est reliée à des questions liées aux dossiers internes saoudiens et à la question libanaise. Il faut noter que les proches de Hariri estiment que la position du président Aoun et les positions des dirigeants libanais de ne pas accepter la démission ainsi que la médiation arabe et occidentale obligeront l'Arabie Saoudite à le laisser partir en France ou au Liban.
Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l’équipe du site