Mustafa Badreddine: vos graines sont récoltées en Syrie
Par Elie Hanna
Deux voitures ont franchi la frontière libanaise en direction de la Syrie. Les quartiers de Damas témoignent de grandes batailles et le danger risque de toucher le mur du mausolée de sayeda Zeinab (P). Dans l'une des deux voitures, Mustafa Badreddine recevait la nouvelle de sa nomination en tant que commandant militaire des forces du Hezbollah en Syrie.
De la région Al-Masnaa vers la région de Sayeda Zainab, une heure de route durant laquelle «Zulfikar» a vécu une passion qu’il éprouvait depuis son adolescence: les tirs, les roquettes, les détonations des balles tirées tous azimuts.... des tirs provenant de Shebaa ont transpercé sa voiture sur la route de l'aéroport de Damas. Mais le jour promis de son martyre n’était pas encore venu, le chef avait encore beaucoup de travail à accomplir.
La gravité de la situation
Plusieurs chambres d’opération ont été installées sur plusieurs fronts afin d'arrêter l'expansion des terroristes et de les empêcher d’accomplir des exploits sur le terrain. Depuis les premiers jours, il a rencontré le commandant de «la brigade d’al-Qods» de la Garde révolutionnaire iranienne haj Qassem Soleimani, pour consolider la coordination et l'action conjointe en tant qu'«alliés». Cette coordination s'est poursuivie jusqu'à son martyre.
«L’arrivée de sayed Zulfikar a donné une forte motivation aux protecteurs du mausolée», a souligné l'un des chefs qui l'accompagnaient lors de sa première visite.
Les forces spéciales du Hezbollah «la brigade al-Radwan» sont arrivées rapidement. Elles ont avant tout nettoyé le périmètre du mausolée et la région de Aqraba qui «demandait de grands efforts, car c’est la zone qui relie l’autoroute de l'aéroport à la zone du mausolée de Sayeda Zeinab», a-t-il expliqué.
L'un des conseillers militaires du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, et le responsable passionné par son travail militaire et sécuritaire, passait son temps entre les chambres d'opération et les fronts embrasés tout au long de la frontière syrienne. Sayed Zoulfikar se déplaçait d'un point à un autre. Nombreux sont ceux qui ont rencontré cette personne longtemps inconnue, ce «visage toujours à l’ombre» est finalement sur le terrain. «Il avait une manière particulière pour saluer les jeunes notamment ceux qui revenaient des champs de bataille», racontait l'un des combattants. Il tendait rarement la main, il prenait les jeunes combattants dans les bras. En obsédé des détails il allait même chercher dans les petits détails des tactiques des «interventions». L'un des moudjahidins raconte qu’«un tireur d'élite positionné dans une cabine gênait les combattants (dans une ville dans la Ghouta de l'Ouest)». C’est alors que sayyed Zulfikar intervenait pour lui donner des tactiques bien déterminées afin de régler cette situation.
Loin du champ des batailles, Zulfikar était intéressé par la vie des jeunes qui travaillaient avec lui. Les études, la famille et le coté religieux, sayed interrogeait les jeunes sur leur situation et leur donnait toujours conseil. Connu pour sa ténacité cette même personne est d’une souplesse et d’une gentillesse remarquable avec les membres de son équipe. «Le roi du bon moral» c’est ainsi que le décrit l'un des jeunes qui l'ont rencontré au cours de l’une des opérations. «Il donne beaucoup d’impulsion et de motivation aux personnes présentes sans nuire à son prestige de combattant. Il accorde une grande importance à son treillis militaire, il donne aussi une grande importance aux différents détails tels que la performance du salut militaire et la rigueur dans la performance, il punissait lorsque qu’il y avait erreur, et récompensait ceux qui le méritaient».
Face à Bandar
Le commandant et ses hommes ont achevé la première étape de la mission par le nettoyage des villages jouxtant la zone du mausolée de sayeda Zeinab, il s’est dirigé ensuite vers la sécurisation de la route de l'aéroport puis vers la bataille la plus importante à proximité de la ville Otaiba la porte de la Ghouta de l’est.
Un jour il a été informé par certains effectifs du parti que «le prince saoudien et le chef des renseignements généraux Bandar bin Sultan («responsable du dossier syrien» en Juillet 2012) poursuivait la bataille de près, dans le cadre d'un plan dressé par Riyad et ses collaborateurs» (Décembre 2013). Les terroristes ont réussi à pénétrer Otaiba dans la profondeur de la Ghouta, menaçant ainsi Damas.
Lors de l'attaque, sayed est entré dans la chambre d'opération et a vu les visages frustrés des jeunes, il s’est dirigé aux jeunes: «Qu’avez-vous, pourquoi êtes-vous assis ? Levez-vous, au travail, comme ils ont pu pénétrer la ville nous pourrons les faire sortir, ils n’auront aucune place là-bas tant que nous sommes sur place».
«La bataille Otaiba était l’une des batailles les plus importantes dirigées par sayed Zoulfikar», indique l’un des commandants qui l’accompagnait à cette époque. La bataille de la Ghouta de l’est a été remportée avec la coordination d’un certain nombre de commandants clés comme le martyr Haj Alaa Al-Bosna et le martyr Shabib al-Hajj (Abu Turab), ainsi que l'armée syrienne, ils ont également conduit à la libération de tous les villages de la Ghouta proche de la route de l'aéroport» ajoutait le commandant au journal AL-Akhbar.
Lors de la bataille de Qousseir (Mai- Juin 2013) sayed poursuivait le déroulement des batailles avec les commandants déployés au front. «Il voulait mettre fin à la présence armée dans la Ghouta de l'Ouest et élargir le périmètre sécurisé dans le quartier de Sayeda Zeinab afin de repousser les attaques massives dans la Ghouta de l’est, et couper la principale route de ravitaillement des terroristes dans la région Al-Badiya vers al-Ghouta et enfin vers Damas. Les terroristes ont été alors éliminés par les embuscades et les cargaisons» a déclaré l’un des moudjahidins. L’embuscade la plus connue est celle d’Otaiba (Février 2014), sur laquelle «Israël s’est bien attardé».
Le sang de nos enfants au Qalamoun
Lors de la bataille du Qalamoun (hiver 2014), sayed Zoulfikar s’est dirigé avec un groupe d’officiers de la résistance vers cette région, et a commencé à dresser les plans de la bataille en usant de cartes qu’il avait apportées avec lui, aidé par les deux commandants martyrs Ibrahim al-Haj (Haj Salman mort en martyre en Irak en Juillet 2014) et Hatem Hamada (Hajj Alaa tué en martyr à Alep en Octobre 2016). Les opérations de libération ont été lancées avec la participation d'autres dirigeants et la «force du Radwan», en direction vers les villes les plus importantes, conduisant à Yabrood où les commandants ont découvert les usines de fabrication des voitures piégées qui devaient se diriger vers le Liban à travers l'Anti-Liban.
«Yabrood était la base des terroristes, l'Arabie Saoudite et le Qatar surveillaient de près la bataille du Qalamoun», le but de ces opérations après Qousseir étaient de «purifier les régions stratégiques, pour protéger le Liban contre toute attaque visant les villages frontaliers, et des voitures piégées qui s’étaient dirigées auparavant vers le Liban.» Au cours de ces batailles, il passait ses journées à traverser de longues distances et faisait le tour des points militaires, pour motiver les résistants et leur rappeler que «le sang de nos enfants et de nos femmes étaient encore dispersé sur les murs de la banlieue.»
L'homme au double cerveau
Badreddine était parmi les rares dirigeants qui ont combiné le travail militaire et sécuritaire enjambant des dizaines d'années d'expérience. Cette expérience a permis au martyr de faire face aux dangers majeurs qui ont frappé la Syrie, sous un autre angle. Du côté militaire, l'un des membres de son équipe a souligné que «Sayed Zoulfikar a manœuvré en premier pour arrêter le dangereux déclinement de la bataille et bloquer l’avancée des terroristes de Daesh, puis il a commencé à élargir le périmètre de sécurité autour de la capitale et du mausolée. Dans un chemin parallèle, il poursuivait le travail avec son «esprit sécuritaire» pour protéger Damas des réseaux extrémistes. Tout en poursuivant les batailles aux alentours de la capitale et la Ghouta, Zulfikar se déplaçait dans différentes régions, notamment vers les quartiers les plus importants à Homs, «où il y allait chaque semaine pour suivre les batailles et participait à la planification avec les officiers de l'armée syrienne».
La raison principale de la résistance des habitants de Kefraya et Foua pris au piège dans la campagne Idlib, est due à l'équation imposée par sayed Zoulfikar, la sécurité de ces deux villes face à celle de Zabadani et ses environs. Zulfikar a participé à toutes les batailles avec les dirigeants des forces «al-Radwan» imposant un embargo sur les mercenaires d’«Ahrar al-Sham» et le «Front al-Nosra». La fameuse équation de sayed Zoulfikar a été maintenue même après son décès et a été un succès retentissant, grâce à laquelle la résistance a pu mettre fin à la présence armée à l'ouest de Damas, épargnant aux habitants des villes de nouveaux massacres. En plus de cette tâche, «sayed Zoulfikar a classé la bataille de Zabadani dans la zone de tâche stratégique pour protéger la frontière et la route (Beyrouth-Damas), ciblées par les terroristes, ceci fut le but principal de la bataille». Il a passé 5 années dans la planification et le déplacement d’un front à l’autre.
Sa voiture a été atteinte de balles sur la route de l'aéroport de Damas
«Ses visites à la banlieue sud de Beyrouth, ne duraient pas plus de 24 à 48 heures, où il suivait la situation syrienne en ce qui concerne la protection du Liban et le démantèlement des réseaux terroristes et la protection des frontières», raconte un proche. Il voyait la situation d’un point stratégique global, il répétait constamment «ne craignez pas le contrôle des terroristes d’un grand espace géographique ... le plus important maintenant est la protection des zone vitales telles que les aéroports, l'eau, l'électricité, et surtout, maintenir la sécurité des villes… et oubliez les grands espaces vides».
Rares sont les points sensibles dans lesquels la résistance étaient présente en l’absence de Badreddin. Pendant les combats d'Alep, il faisait «partie de la chambre des opérations conjointes et poursuivait aussi certaines opérations de base dans la campagne du sud, où il y faisait plusieurs tours, notamment sa supervision de la récupération de la route Khanasser-Athariya du groupe terroriste Daesh (Février 2016). Le jour où Haj Alaa al-Bosna est tombé en martyr, sayed Zoulfikar a été très affecté. Il l'aimait et le considérait comme l'un des meilleurs hommes pour les tâches difficiles», a souligné l’un des moudjahidins. Lors des combats de Sahl al-Ghab, il était resté longtemps au front. Dans l'une des réunions, après avoir terminé la présentation de la situation militaire et la nature de la région et les différentes menaces qui existaient, sayed s’est adressé aux combattants de la résistance en disant «vous êtes notre espoir nous comptons sur vous, votre courage et votre ténacité. Je suis avec vous, je ne vous quitterai pas un instant, je suis à votre côté, vous êtes les protecteurs du drapeau jaune ».
Sa présence magique était remarquable lors des batailles pour la récupération de la ville de Kassab à la frontière turque, et à l'est dans les batailles de Homs contre Daech dans les villes de Karyatan et Palmyre. Le «double cerveau» de Zulfikar lui a permis de regarder la carte de l'ensemble de la Syrie «de haut en bas», avec toutes ses dimensions régionales et internationales. Il se déplaçait vers les zones où le danger était imminent et influait le déroulement des batailles. Il faisait la course aux Etats qui appuyaient les groupes terroristes, en collaboration avec ses adjoints il essayait de mettre en place toute planification préalable et se diriger vers la zone qui pouvait être ciblée pour mettre un plan à l'avance «il ne retournait que lorsque le plan dressé soit ébranlé ou que la progression des terroristes arrêtée».
La Syrie était au bord de l'abîme, avant son arrivé. Il ne s’est jamais reposé durant des années ainsi que l’équipe de dirigeants, de cadres et de combattants qui le suivaient. Il a favorisé l’achèvement de grands exploits, instituant les bases pour les réalisations accomplies après son martyre ... voilà mon histoire, voici ma vie, je suis retourné en martyr, portant la bannière de la victoire.
L’image fait partie de la guerre
En plus de ses compétences au niveau militaire et sécuritaire sayed Zoulfikar s’intéressait à la guerre psychologique et médiatique. L’un des membres de son équipe a noté que depuis son arrivé en Syrie Badreddin « a ouvert les portes aux medias de la résistance notamment ceux qui ont acquis une grande expérience médiatique durant les guerres contre l’entité sioniste, il a même ouvert des écoles de formation médiatique, des dizaines de photographes étaient formés périodiquement, pour assurer la couverture médiatique de toutes les victoires».
Durant sa présence en tant que chef d'opérations de la résistance en Syrie, «les médias de la résistance ont connu une évolution remarquable et sont devenus une institution clé dans la couverture et la distribution des scènes militaires et des nouvelles provenant des fronts. Une armée de journalistes a pu couvrir toute la Syrie, mettant en place un système de guerre psychologique et médiatique encore actifs».
Deux régions sud…un seul front
La frontière sud de la Syrie était l’une des principales préoccupations du grand chef et de son entourage.
«Il gardait toujours un œil sur l’entité sioniste en tant qu'acteur clé ... et suivait les tactiques de la chambre d’opération MOK en Jordanie. Il passait du temps pour la coordination et la communication avec les agents de la résistance en charge de ce front, tout en supervisant les plans de défense avec l'armée syrienne afin que les terroristes ne puissent pas réaliser des progrès significatifs pouvant atteindre l’autoroute internationale et Damas, jusqu’au déclenchement de la bataille visant à récupérer de vastes zones dans le sud (la bataille du «triangle de la mort» en Février 2015) grâce à laquelle la capitale a été protégée par une série d'opérations dans lesquelles l'armée a récupéré un certain nombre de villages reliant Damas, et Deraa et Qouneitra» selon un leader qui travaillait avec lui.
Dans l’une des batailles, Zulfiqar passait plusieurs jours à la frontière sud de la Syrie. «Il bougeait beaucoup. Certains l'ont conseillé de se mettre en garde d’une éventuelle tentative d’assassinat menée par les israéliens». Mission accomplie, le leader s’est déplacé vers une autre chambre d’opération ouverte. Sa stratégie face à l’entité, consistait à «maintenir les capacités et la volonté d'être présent pour ouvrir une bataille aux deux fronts à la fois: la frontière libanaise avec une force militaire stable, et en Syrie avec une force pouvant se déplacer dans tous les fronts».
Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l’équipe du site