Face à la guerre douce, besoin de stratégies de confrontation
Dans une période où le monde affronte plusieurs défis compliqués, les pays s'affrontent sous des slogans politiques, mais à base économique. Des conflits ayant la force militaire pour outils. Cependant, plusieurs autres outils encore plus périlleux peuvent être utilisés dans ces affrontements.
La guerre militaire ayant les armes pour outils était la seule connue par nos populations qui ignorent encore ladite «guerre douce», dont les instruments se sont infiltrés dans nos sociétés. Un fait qui nécessite désormais une prise de conscience, non seulement théorique, mais aussi sur le plan pratique.
En effet, la guerre douce basée sur la force douce (Soft Power) et que certains nommeraient la guerre silencieuse, est la guerre à laquelle nous contribuons inconsciemment. C'est notamment cette guerre qui est devenue l'engin intellectuel des colonisateurs et dont le résultat est illustré par la vacance politique et sociale qui frappe les sociétés de nos jours. Une situation qui s'oppose à la prise de conscience ou «lucidité» politique et sociale que doivent atteindre ces sociétés. Ainsi, nous nous trouvons au cœur d'une bataille imposée, sans que nous ne soyons à la hauteur de la confrontation, même au niveau de la planification.
Les défis en cours ainsi que les priorités, nous obligeraient à recourir à la force militaire, surtout lorsque la bataille revêt une dimension existentielle. La conjoncture actuelle que traversent les populations de notre région a donné la priorité à la sécurité existentielle. Cependant, nous ne devons jamais ignorer que toute guerre a un prix. En plus, limiter la lutte à la riposte, nous place dans un état de faiblesse sur le plan stratégique. Ainsi, le besoin se ressent de concilier les réalisations militaires et politiques avec la planification pour aider les populations de notre région à atteindre la maturité politique et sociale. Pour cette raison, nous éprouvons le besoin d'intellectuels qui soient en mesure d'affronter les cerveaux de l'étranger. Ces derniers qui élaborent les systèmes de l'autodestruction dans le but de pousser les peuples à s'autodétruire en attaquant leur conscience collective.
Il y a des années on utilisait plusieurs termes dont la signification ne différait pas de celui de la guerre douce, basée sur la force douce. Par-là, plusieurs concepts ont qualifié la tentative d'un pays ou d'une quelconque partie d'influencer la doctrine d'un autre pays ou partie. Parmi les termes utilisés, celui des Britanniques, «La guerre politique», des Nazies, «Propagande», alors que l'expression de «la guerre froide» a été lancée lors du conflit entre la Russie et les États-Unis après l'effondrement de l'Union Soviétique.
Par ailleurs, plusieurs intellectuels arabes et musulmans ont promu ladite «invasion culturelle et intellectuelle», pour exprimer la même idée précitée. De même, l'un des termes les plus utilisés par les médias est celui de la «guerre psychologique». On y ajoute la guerre des nerfs ou la guerre des cerveaux. De nos jours, on englobe toutes les expressions précitées dans «la guerre douce», devenue un outil silencieux dans le conflit actuel entre les pays et les parties.
En 1990, le directeur de la faculté des sciences gouvernementales de l'université Harvard, le professeur Joseph Nye, a adopté le terme «force douce» dans son ouvrage «Bound to Lead». Plus tard, il a reformulé le terme dans son ouvrage «The Paradoxe of American Power», utilisant le terme «soft Power», ou la fore douce comme une théorie scientifique. Joseph Nye n'évoquait pas la science-fiction, mais voulait plutôt clarifier, comme il le dit, une nouvelle stratégie qui pourrait constituer une feuille de route pour la politique américaine dans un monde marqué de complications et de mutations. Un fait qui exposerait les intérêts de Washington aux périls. En effet, cet homme était un connaisseur des intérêts américains, puisqu'il avait occupé le poste de président du Conseil national américain des renseignements et assistant du secrétaire américain de la Défense durant le mandat de Bill Clinton. Cependant, son poste comme directeur de «l'institut Kennedy pour les études des systèmes de gouvernance», lui a permis de transformer ses expertises en théories scientifiques. Ces dernières devenues les piliers de la guerre menée par les États-Unis dans ses politiques internationales.
L'outil principal pour traduire la guerre douce sur le plan scientifique et pour transformer cette théorie en actes, était toujours les médias. Mais il convient de noter qu'il est nécessaire de discuter les faits précités dans le but de bien les comprendre avant de les confronter. C'est ce qu'a notamment révélé le professeur Noam Chomsky, dans une liste élaborée sous le thème «TenStrategies of media manipulation», 10 stratégies de la manipulation des médias. Ce sont plutôt des mécanismes auxquels recourent les medias dans la guerre douce. Chomsky s'est basé, pour révéler les stratégies en question, sur un document confidentiel datant de 1979, portant le titre «Les armes silencieuses pour mener une guerre calme». Ce fut un guide visant à contrôler les populations et les communautés. Ce qui illustre en vérité la teneur des théories et les objectifs de la stratégie de Joseph Nye, ayant lancé sa théorie de guerre douce.
Ainsi, les stratégies de la manipulation des medias révélées par Chomsky ont traduit les manœuvres de la force douce. Ce fait nous aide à déduire ce que seraient les objectifs de toute guerre dite douce. Ces objectifs consistent à immerger les populations dans les problèmes locaux, à les soumettre aux réalités et à les orienter à prendre les décisions émotives, aux dépens de la raison et de ce fait, les plonger dans l'ignorance. Ce sont notamment les objectifs de la guerre douce menée par les medias.
Toutefois les périls de la guerre douce dépassent ce qui est précité. Mais c'est l'importance des médias et leurs impacts qui nous ont poussés à braquer l'éclairage sur cette question, les medias étant un exemple de force douce.
A rappeler qu'en dépit des conflits militaires entre les parties, la bataille urgente est celle de la prise de conscience. L'histoire nous apprend que les batailles et les guerres mènent au changement des parties au pouvoir, mais aussi modifient la capacité des pays à influer ou à imposer des équations. En outre, l'histoire confirme aussi que les guerres ont toujours une fin. Des guerres dont les prix sont payés à la fin non durant le conflit.
Bref, le besoin se ressent de permettre à ceux qui consentent les sacrifices dans les batailles de remporter les prix non de le payer. Et ce fait ne peut être assuré sans remporter la victoire dans la bataille de la prise de conscience.
Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l’équipe du site