A propos de cet homme élégant, souriant… ce chef ferme et vaillant
Zoulfikar n'était pas un homme ordinaire. Les histoires narrées par ses proches et amis à la suite de son martyre, ne voilent pas la distinction. Pas besoin d'exagération dans la démonstration de l'admiration pour augmenter l'importance des héros. Toujours le martyre relève la personne à un niveau plus élevé que ses semblables.
Le «sayed» élégant, beau, intelligent et brillant n'était pas une personne ordinaire. Non parce qu'il a été un chef éminent, mais parce qu'il n'était pas un homme ordinaire, même parmi ses collègues et ses compagnons.
Le courage et la bravoure le poussaient toujours à franchir les lignes rouges. Un homme qui connait parfaitement comment se trouver dans les milieux les plus difficiles. Il ne fuyait jamais les défis. Sa vaillance le poussait à s'approcher de son ennemi, à y être corps à corps, comptant même ses souffles.
Rares étaient ceux qui maitrisaient son jeu: quête perpétuelle du professionnalisme dans tout ce qu'il envisageait. Attraction exceptionnelle pour toutes les exigences du travail. Mais ce fait ne l'empêchait pas d'aimer la vie aussi. Il se penchait sur des questions jugées étranges au monde de la résistance. Il a poursuivi ses études universitaires lorsque l'opportunité se présentait, faisait des connaissances de nouvelles personnes issues de milieux variés, et se déplaçait d’un endroit à un autre pour vivre et travailler. Il s’intéressait à des questions qui semblaient insignifiantes pour plusieurs de ses homologues.
Séduire était son jeu préféré. Rares sont qui arrivaient à échapper à son charme. Lorsqu'on tombait sous son emprise, on gagnait beaucoup. Même ceux qui se fâchaient de lui, la majorité d'entre eux avaient vécu ou combattu à ses côtés.
Il demandait des comptes à ceux qui ne respectaient pas les règles de son jeu dans les relations ou les règles du travail qu’il dirige. Sa fermeté et son sérieux, sa persévérance et son aplomb, lui ont permis de semer la crainte dans les cœurs de ses ennemis mais aussi de ses proches.
Cependant, lorsqu'il jugeait avoir commis une erreur contre quelqu'un ou qu'il lui a causé un tort, il se blâmait et même s'isolait et pleurait. Il présentait ses excuses. Une fois, il a même supplié un combattant de la résistance pour lui permettre de baiser ses mains et ses pieds afin de lui pardonner.
Au milieu des années 90 du siècle dernier, le «sayed» assumait la responsabilité de l'action militaire de la résistance. Il tenait non seulement à la planification, à l'équipement à l'exécution et au suivi des détails, mais aussi à l'image de la résistance et des combattants. Il était ouvert à l'interaction avec les médias. Un fait le provoquait. Pourquoi devait-on communiquer indirectement avec lui alors qu'on pouvait le faire directement?
C'était le premier message que je recevais de cet homme qui ne craignait pas de laisser ses empreintes où il travaillait. Il me proposa de cesser le jeu du journaliste qui cherchait à exploiter des relations privées pour s'informer. Son message était de tel : tu peux communiquer directement avec moi!
Plus tard, il était désormais possible de s’informer sur les opérations militaires. Il avait instauré ses règles. S'abstenir de publier des informations confidentielles signifiait qu'on jouissait davantage d'informations. Et bien sûr, davantage de scoops de manière à tenter tout journaliste. Un fait que Zoulfikar comprenait parfaitement. Lorsque l'opération d'Ansarieh a eu lieu, le «sayed» a été dérangé, non seulement des tentatives de quelques-uns de s'empresser de parler de l'exploit comme si la résistance n’était pas habilité à le faire, mais il était en colère contre le manque d'imagination chez les Libanais et même chez l'ennemi, tourmenté pendant des ans avant de comprendre comment la résistance a réussi à tendre le piège à sa force. Un secret révélé plus tard par le secrétaire général du Hezbollah, sayed Hassan Nasrallah, qui a de même rappelé la nécessité de ne pas écarter la piste de l’ennemi comme l’un des suspects dans l'assassinat de Rafic Hariri.
Ce jour-là, Zoulfikar tenait à diffuser des informations en détails sur l'opération (d'Ansarieh), sans fournir de renseignements qui pourraient bloquer d'autres opérations dans l'avenir.
Même certains de ses compagnons l'ont blâmé pour avoir divulgué et médiatisé l'opération en question. Mais il était une des rares personnes ayant compris l'importance de l'image et des médias dans la bataille. Le même caractère qui a marqué les relations de son compagnon, le martyr Imad Mognieh, avec la presse.
Des années se sont écoulées avant que Zoulfikar ne renonce à ses missions militaires directes, assumées plus tard par le martyr Radwane. Durant une période de plusieurs années, le chef martyr a commandé les grandes missions qui lui ont permis de rester proche du centre de la décision, de rester au courant des faits dans le monde et de mieux connaitre les adversaires et les ennemis. Il était alors plus sensibilisé à la nécessité d'accompagner les défis du siècle. C'est notamment cette richesse qui fut déterminante dans le retour du «sayed», dès le martyre de haj Radwane, aux responsabilités de grande envergure. Il est devenu une des rares personnes qui assistent le secrétaire général du Hezbollah dans la gestion du conseil jihadiste et de ses unités. Ce conseil s'est amplement élargi depuis qu’il l’a quitté il y a des années.
Ainsi, le «sayed» fut de retour au cercle du travail exécutif, de manière à rétablir ses relations avec le secteur de l'information. Peut-être que l'acte d'accusation du Tribunal spécial pour le Liban, publié à son encontre dans l'affaire de Hariri, fut une raison de plus pour qu'il interagisse avec les données relatives à cette affaire. Pourtant, il pouvait distinguer entre le suivi minutieux de ce qui se passe dans le tribunal, et avant, au sein des commissions d'enquête et sa capacité à négliger cette affaire pour se pencher sur la lutte contre l'ennemi.
Il suivait les enquêtes liées au crime de l'assassinat du martyr Imad. Il scrutait tous les détails, même les plus infimes. Il a lui-même examiné plusieurs détails de l'affaire avant de dresser le dossier de l'accusation contre Israël. Un dossier comprenant une immense quantité de données délicates et relatives à la méthode de la planification de l'opération et de la percée sécuritaire qui a permis aux criminels d'identifier haj Imad, de l’exécuter et de quitter ensuite le territoire syrien. Le dossier comprenait aussi des données sur ceux qui ont assisté les criminels, en leur fournissant des renseignements logistiques.
Cette enquête s'est déroulée au moment où Zoulfikar était chargé du développement du service de lutte contre l'espionnage. Un service qui a permis non seulement de démanteler des dizaines de réseaux d'agents de l'ennemi, mais aussi de bloquer plusieurs programmes d'action israéliens et américains.
Tout au long de cette période, même après avoir accédé au poste de commandant de la "scène syrienne", Zoulfikar n'épargnait jamais les dossiers délicats. Il était toujours vigilant, puisque Israël n'était plus le seul ennemi. Il était expert dans le rôle des services de renseignement occidentaux, arabes et même libanais qui traquaient la résistance et ses effectifs. Il était en mesure d'entraver l'action de ces espions qui s'employaient auprès de leurs maitres américains, saoudiens et israéliens, à le tuer ou même l'enlever!
Zoulfikar, ce chef militaire décidé, avait le cœur d'un enfant aimable, à l'instar de ses fils qui ont grandi comme leurs homologues, fils de chefs de la résistance.
Son jeune fils Ali, se déplaçait d'une chambre à l'autre dans lamaison en pleurant, réclamant le retour rapide de son père, interrogeant ses compagnons sur l'heure de l'arrivée du corps. Il voulait se jeter dans les bras de son père, même martyr. Ses filles qui ont accepté les complications de la vie de ceux ayant un père comme Moustapha Badreddine, étaient assises à côté de Hajja Saada, veuve du martyr Imad, mère du martyr Jihad, et sœur du martyr Moustapha. Cette femme qui nous rappelle de ces jours, l'histoire de la grande Zeinab qui a préservé l'héritage des martyrs. Et voici son grand frère Adnan qui s'interrogeait " comment Moustapha leur a permis de l'atteindre". Il traversait les coins de la maison de ses parents, collectant les traces du martyr, ses odeurs et l'écho de ses mots.
Il y a des mois, lors d'une réunion dans la maison familiale à Ghobeiri, Zoulfikar s'excusait auprès de ses voisins pour avoir manqué à s'enquérir de leurs conditions. Il les taquinait en disant: excusez- moi. Je ne peux me déplacer beaucoup. On a notifié la gendarmerie de Ghobeiri de m'arrêter parce que je conduisais une motocyclette sans porter une casque".
Il raillait de ses adversaires qui n'ont rien épargné pour ternir son image parmi ses proches et dans son entourage. Une campagne à laquelle sont exposés toujours les chefs de la résistance. Un jour, sayed Nasrallah s'est prononcé pour défendre ces chefs héroïques face aux ennemis. Zoulfikar a commenté: ceux-là croient que leurs campagnes pourraient nous pousser à fuir ou à rentrer dans nos maisons camouflés!!
Il a dit, déterminé : «mon devoir, même religieux, consiste à lutter contre les projets de ceux-là. Je ne renoncerai à mon travail ni au Liban ni en Syrie ni ailleurs, que martyr ou portant le drapeau de la victoire».
Cet homme a un long itinéraire jihadiste. Une histoire qui sera écrite dans tous ses détails un jour. Mais comme son compagnon Haj Radwane, le répertoire de ses exploits sera confidentiel pour une période longue ou courte, selon la décision de la résistance. La question ne concerne nullement le refus de narrer l'histoire des chefs martyrs, mais concerne plutôt les exploits de ceux-là en matière de programmes toujours en action. Des programmes dont l'exécution est poursuivie par leurs successeurs dans le commandement de la bataille ouverte avec les deux ennemis, israélien et takfiriste et par extension avec les États-Unis, l'Arabie et la Turquie et ses subalternes.
Les ennemis du grand martyr comprennent deux factions. L'une le connait et le craindra toujours, mêmeaprès son martyre. Elle appréhendera toujours une vengeance élaborée par Zoulfikar, pour soi. L'autre l'ignore. Mais viendra le jour où elle connaitra la vérité d'un héros de ma Nation!
Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l’équipe du site