Assad demeure au pouvoir, qu’en est-il de l’Arabie?
Ainsi, Washington a accepté le maintien du président Bachar Assad au pouvoir jusqu’à mars 2017. C’est ce qu’on indique dans un document divulgué probablement d’une manière préméditée.
Et lorsque la diplomatie américaine a voulu calmer les inquiétudes des adversaires d’Assad face à cette fuite, elle a eu l'effet inverse en proclamant : «le timing du départ d’Assad n’est pas fixé d'après la vision américaine».
Washington a négligé d'anciennes déclarations dans lesquelles il affirmait, il y a cinq ans, l’inéluctabilité du départ d’Assad comme condition préalable à toute solution.
La solution aura lieu ainsi en présence du président syrien au pouvoir, alors que son départ sera abordé plus tard.
Le nom d’Assad n'a pas figuré dans le document relatif à la solution internationale en Vienne. Alors que le report des élections pour une durée de 18 mois, vise à faire passer le reste du mandat de Barack Obama. Y-a-t-il de plus clair pour dire qu’Obama a abandonné le dossier syrien pour son homologue implacable Vladimir Poutine ? Pas de réponse plus claire.
De fait, avec la reconnaissance internationale du maintien d’Assad au pouvoir pour une durée précise officiellement et non précise dans les coulisses, l’Arabie saoudite aurait perdue, même temporairement, une des principales arènes de concurrence avec l’Iran. Un autre fait a amplifié sa perte. La mort de son homme militaire en Syrie, le chef de l’Armée de l’Islam, Zahran Allouch. Des assassinats de ce genre ont lieu d’habitude lorsque débutent les compromis entre les puissants. Deux possibilités sont posées dans ce contexte : ou bien les Etats-Unis ont accepté d’affaiblir l’Arabie (en Syrie, au Yémen, en Irak et puis au Liban), dans le but de soumettre la nouvelle génération des gouverneurs en Arabie et de produire un nouveau trône qui serve plus ses intérêts (ce qui est possible) ou qu’ils sont désormais dans l’incapacité d’agir, (ce qui est peu probable). Mais dans les deux cas, ils ne toléreront pas l’effondrement du royaume.
Ouvrons des parenthèses pour rappeler que lors de la visite du chef de la Rencontre démocratique, Walid Joumblat, à la Maison blanche en 2007, durant le mandat du fameux prédicateur du bien et du mal, Georges w Bush qui a tué tout comme Tony Blair plus d’un million et demi d’Irakiens, le président américain est intervenu durant la réunion de Joumblat avec le conseiller de la Sécurité nationale, Stephen Hadley et ses deux adjoints pour les affaires du Moyen Orient, Michael Durant et Elliot Abrams (cet homme ayant joué un rôle dans toutes les catastrophes arabes). En ce moment et dans le contexte des espoirs d’une partie libanaise sur la chute inéluctable du régime syrien, Bush a indiqué qu’il ne voulait pas renverser le régime, mais plutôt «améliorer sa conduite», comme a voulu Obama plus tard « améliorer la conduite» de l’Iran.
Ce serait peut-être ce que veut faire Washington à l’heure actuelle à l’égard de l’Arabie, qui constitue en une certaine mesure un fardeau, notamment depuis ses objections contre l’accord nucléaire entre l’Iran et l’Occident et sa tentative de l’entraver
Et puis pour avoir ouvert ses marchés aux usines d’armes françaises.
Cette charge s’est d’ailleurs alourdie récemment, à la suite des tentatives militaires, politiques et économiques menées par l’émir Mohammad Ben Salman dans l’espoir de redresser un projet arabe sunnite contre «l’extension farsi iranienne chiite», comme on indique dans les fuites.
Ces tentatives menées par l’émir Mohammad Ben Salman, en tant que ministre de la Défense, placent les alliés occidentaux dans une position délicate. Ceux-là estiment que toute faiblesse de l’Arabie signifie une augmentation du pouvoir de l’Iran. Il faut donc redresser les faits puisque l’objectif était de faire de l’Iran un partenaire effectif et acceptable dans le contexte de la lutte antiterrorisme, de garantir les intérêts occidentaux et de maintenir l’Arabie comme un acteur en action.
Rappelons-nous que les Etats-Unis ont abandonné leur allié égyptien, Hosni Moubarak, lorsqu’il ne fut plus en mesure de garantir leurs intérêts et d’assurer la stabilité intérieure. Ils ont aussi abandonné leur allié tunisien pour les mêmes raisons. Mais ils n’ont jamais pensé à abandonner l’Egypte ou la Tunisie, comment serait alors le cas avec un pays de la taille de l’Arabie et de son rôle, important pour Washington, les pays de l’Otan et la région.
Que veut donc l’administration américaine de l’Arabie ?
- On connait que les décideurs américains, préféraient et préfèrent toujours le prince héritier, l’émir Mohammad Ben Nayef, à l’émir Mohammad Ben Salman, second prince héritier. Cet homme est connu aux Etats-Unis. Il y a suivi ses études. Il a mené la lutte antiterrorisme. Il a instauré le concept du «Conseil» pour convaincre les terroristes de renoncer à leurs idées folles. Il a obtenu la confiance occidentale surtout après avoir occupé le poste de ministre de l’intérieur et œuvré pour une longue période aux côtés de son père, le feu émir Nayef. Il a même été la cible d’une tentative d’assassinat menée par les terroristes.
Pour sa part, l’émir Mohammad Ben Salman, second prince héritier, n’avait pas fait d'études aux Etats-Unis et n’était pas habilité à occuper un poste influent pour son jeune âge. De fait, les articles et les études américaines publiés à ce propos n’étaient point satisfaisants dans la mesure où cet homme avait tendance à résoudre les problèmes par des méthodes conflictuelles et hasardeuses. Certains ont dit qu’il sera le premier à provoquer une révolution économique, sécuritaire et politique dans le royaume. Mais il se peut que l’ère des révolutions ne soit pas encore acceptable dans ce pays ni par les pays occidentaux ni par ceux du Golfe.
- Si les informations publiées par le journaliste américain du Washington Post , David Ignatius, dans son article «une tempête politique frappe l’Arabie», s’avèrent justes, les Etats-Unis auraient exprimé leur inquiétude depuis une certaine période du limogeage de Saad Al-Jabri, un des principaux conseillers de l’émir Nayef. Cette disgrâce a eu lieu à la suite du retour de roi Salman et de son fils Mohammad de Washington.
Selon le point de vue américain, cette mesure serait en rapport avec les objections émises par Al-Jabri contre le plan de l’offensive contre le Yémen et avec l’inquiétude de la montée en puissance d’Al-Qaida. A ces faits s’ajoutent, la décision d’éloigner Khaled al-Hemaydan de l’entourage de l’émir Nayef et la restructuration de l’administration du palais royal dans le but de concentrer la prise de la décision aux mains du roi et de son fils.
- Depuis quelque temps, le Gardian britannique a publié deux messages sévères, attribués à un émir saoudien, réclamant le renversement du trône actuel. Ignatius avait alors contacté cet émir et rapporté que ce dernier désirait paver la voie à l’arrivée au pouvoir de l’émir Ahmad Ben Abdel Aziz (73 ans). En d’autres termes, il désire le retour des fils d’Abdel Aziz au pouvoir. (Rappelons l’histoire des Sadiri et d’autres).
- La guerre du Yémen qui coute à l’Arabie un milliard de dollars par mois, est désormais une charge pour l’Arabie et aussi pour l’occident. Chaque jour les critiques publiées par les organisations des droits de l’homme se multiplient, en raison de la mort des innocents. En plus, le pouvoir d’Al-Qaïda s’est étendu et ont augmenté les tentatives des Houthis de franchir la frontière saoudienne. Les pressions contre l’occident ont augmenté afin de cesser cette guerre qui n’a pas empêché les Houthis, selon le porte-parole saoudien de «violer ou de tenter de violer la frontière du royaume plus de 1000 fois».
- L’administration d’Obama a consolidé ses relations avec l’Irak et l’Iran dans le but d’accélérer la prise de Ramadi et d’autres régions. Cette coopération a remonté le moral de l’armée irakienne. Ainsi, le ministre de la Défense évoque désormais des batailles sans précédent. L’Arabie n’a plus que le choix de compter sur des anciens chefs du parti Baas en Irak. Ces chefs dont elle a contribué à la chute dans le passé, ou de compter sur des fondamentalistes et des takfiristes pour affronter «l’extension iranienne». Un fait qui n’est probablement plus toléré par les Etats-Unis.
- Les Etats-Unis se sont empressés de contacter l’Iran à la suite de l’exécution de cheikh Nimr Nimr. Ils ont appelé les deux parties au calme. Mais le porte-parole de la Maison Blanche a déclaré littéralement : «Les Etats-Unis ont exprimé à plusieurs reprises leur inquiétude vis-à-vis des conditions des droits de l’homme en Arabie et ont mis en garde Riyad, dernièrement, contre les exécutions».
- L’émir Mohammad Ben Salman a tenté de calmer les craintes. Interviewé par un journal, il a totalement écarté la possibilité du déchainement d’une guerre avec l’Iran. Cette interview a semblé être une tentative pour rassurer les capitales occidentales. Les prises de positions de ces dernières étaient unanimes sur la tension et la détérioration que pourrait exacerber l’exécution de cheikh Nimr. On dit que cette interview a eu lieu à la demande des Etats-Unis afin de réduire les craintes. C’est probable, mais non confirmé. On dit aussi qu’elle était une tentative d’attribuer la responsabilité de l’exécution à l’émir Mohammad Ben Nayef, ce dernier étant ministre de l’Intérieur.
- L’orientation internationale est actuellement à la gestion de la guerre syrienne, dans le contexte de certaines détentes politiques qui seraient surement entravées des dizaines de fois avant d’aboutir. Elles aboutiraient dans les meilleurs cas à l’élargissement du gouvernement pour renfermer quelques opposants, à introduire des factions armées dans l’armée syrienne et à l’organisation d’élections parlementaires suite auxquelles des figures opposantes accèderaient au Parlement. Alors que les prérogatives du président, son maintien ou son départ, ne sont plus sujet de discussions. Ils ne seront posés que dans les slogans et les déclarations jusqu’à la fin du mandat d’Obama.
Sans doute, tous les incendies de la région ont été provoqués selon un désir, une confusion ou une connivence occidentale qui s’ajoutent à la désintégration arabe et à la niaiserie intérieure qui nous a menés à la période des discordes. Mais après l’accord entre l’Iran et l’Occident on perçoit une orientation occidentale sérieuse pour englober le nouvel Iran, ce pays contrôlé sur le plan nucléaire et dont le courant réformateur est applaudi, dans les solutions politiques.
Les tentatives saoudiennes pour s’arroger un rôle éminent par le biais de la mobilisation arabe sunnite, n’ont sans doute pas eu de véritables échos chez les pays de poids ni chez certains pays du Golfe. Il est vrai que l’Egypte est proche et que la Turquie se rapproche, mais l’Arabie sait bien que ce ne sont que des positions de courtoisie qui ne dureront guère. L’Arabie sait aussi que d’autres pays comme le Soudan, Djibouti, les iles de Comores et la Somalie sont motivés par les besoins économiques. Ce sont les mêmes besoins qui les ont rapprochés de l’Iran et de la Turquie dans certains moments.
L’Economie, un facteur d’inquiétude
Puis est survenue l’économie pour augmenter les facteurs de l’inquiétude.
Voici l’émir Mohammad Ben Salman qui annonce une première transformation décisive internationale dans la société pétrolière Aramco. Certaines de ses parts seront vendues. C’est l’une des plus grandes compagnies mondiales de pétrole. On dit aussi que c’est la plus grande. Ses réserves s’élèvent à 261 milliards de barils.
Ses comptes dépassent les 323 milliards de dollars, donc deux fois plus des réserves de l’énorme compagnie américaine Axone Mobil. C’est un indice sur le changement de la conduite économique intérieure d’une part et sur l’existence d’une véritable crise économique d’autre part.
De plus, les journaux saoudiens n’hésitent plus à évoquer la régression économique. Dr Fahed Mohammad Ben Jomaa indique dans le quotidien al-Riyad le 7 juillet dernier : «le taux du chômage a atteint les 11,75% pour deux années consécutives. Plus de 651.305 Saoudiens en ont été la victime».
Les institutions internationales, dont notamment le Fonds monétaire international, mettent en garde de grands dangers au cas où les prix du pétrole ne reviennent pas à la hausse. Dans ce contexte, plusieurs questions sont posées en ce qui concerne la faisabilité de la hausse de la production du pétrole saoudien dans les deux dernières années. Si c’était une mesure prise contre la Russie et l’Iran comme affirment ces deux pays, il s’est avéré aussi que cette mesure a eu des effets négatifs sur le pétrole américain et sur le Budget de l’Arabie.
Maintenant et après la coopération américaine avec l’Iran dans le dossier du terrorisme et le rôle donné à ce pays dans la solution politique en Syrie, leur collaboration en Irak et les préparatifs pour la levée des sanctions , l’acquittement de l’Iran de l’accusation de tenter d’obtenir la bombe atomique et après l’élimination des armes chimiques syriennes (ces deux faits qui rassurent Israël), les Etats-Unis estiment-ils que l’Iran est désormais plus capable de garantir les intérêts communs et de frapper le terrorisme et accepter peut être plus tard une longue trêve aux frontières israélo-arabes ?
Et si les Etats-Unis avaient ces pressentiments, œuvrent-ils pour affaiblir le facteur explosif saoudien par les tentatives d’éloigner l’émir Mohammad Ben Salman du pouvoir comme fut le cas lors de la disgrâce de l’émir Bandar Ben Sultan ? ou se suffiront-ils aux opérations de domptage ?
Toutes les études israéliennes (conférence d’Avy Dichter ou la stratégie israélienne dans les années 80, publiées par le magazine Kifonim ), ont évoqué des projets pour diviser l’Arabie. Donnons pour exemple le document publié en 2006, par le colonel américain à la retraite, Ralph Piters dans le journal des forces américaines sous le titre «les frontières du sang». Il y dit franchement et avec hardiesse : «l’Arabie souffrira de la division. Elle sera divisée en deux états : l’Etat islamique sacré, à l’instar du Vatican. Cet Etat renfermera tous les sites religieux qui comptent pour les Musulmans du monde et l’Etat politique. Plusieurs parties du territoire y seront découpées pour rejoindre les territoires du Yémen et de la Jordanie. Le New York Times a même publié la carte complète de cette division.
D’ailleurs, les rêves israéliens voient dans le conflit irano-saoudien un terrain fertile. Ce serait peut-être la raison de l’amour déclaré par le criminel de guerre Benjamin Netanyahu et son gang a l’égard des pays du Golfe, dans le but d’encourager la confrontation avec l’Iran et plus tard la division.
Je ne juge pas qu’un tel scenario soit dans l’intérêt de l’Arabie, des Etats-Unis ou même de l’Iran. En effet, le terrorisme qui frappe actuellement aux portes du royaume sera le substitut. Il est indispensable donc de reformuler la nature du pouvoir en Arabie. C’est ce que disent les Américains. L’exemple est illustré dans le dernier article écrit par Richard Sokolesky dans The Foreign Affairs.
Article paru dans le quotidien libanais as-Safir, traduit par l’équipe du site