Imad Moghnieh, l’homme

Imad Moghnieh est tombé en martyre, quittant ce monde avant que ne soient connus, sa conduite, sa nature et les traits de sa personnalité. Cet homme qui cache derrière sa personnalité jihadiste, une nature humaine rare de laquelle fut forgé, un leader et un chef unique.

En effet, l'itinéraire de cet homme, riche en lutte et résistance, était le produit d'une personnalité charismatique, avant le cumul des expertises : un cerveau laborieux, une volonté de fer, bien organisée et un caractère aspirant à l'amour des siens.

Je l'ai rencontré pour la première fois en 1980 dans le quartier de Ghobeiri de la Banlieue sud de Beyrouth. Il était en visite au bureau des scouts «Al-Iman». J'étais encore jeune. En ce moment, il n'était pas encore un chef. Il était juste un militant. Je l'ai épié. Je l'ai vu différent. Il m'a semblé jouir des atouts du chef.

La deuxième fois, je l'ai rencontré dans le quartier de Chiyah, à la veille de l'invasion israélienne de 1982. Il était en compagnie de plusieurs jeunes combattants contre l'occupation. Il était optimiste quant à la défaite de l'ennemi, mais il était aussi mécontent du retrait de l'OLP devant l'avancée des Israéliens. Un homme l'a taquiné en disant : récemment, vous étiez membre du Fath et aujourd'hui vous le critiquez.

Et Imad Mognieh de répondre : «j'ai adhéré au mouvement Fath en faveur de la Palestine. Même si la résistance palestinienne sort du Liban, nous combattrons toujours jusqu'à la libération de la Palestine».

La troisième fois, je l'ai rencontré à Téhéran en 1990, en marge de la commémoration annuelle du départ de l'imam Khomeiny. Nos entretiens se sont plus tard multipliés. Nos discussions abordaient la philosophie, la religion, la littérature, les renseignements, et la musique Soufie.

Je me suis trouvé en face d'un esprit apaisé, qui adore l'art et la beauté, caractérisé par une vive intelligence dans tous les domaines, comme dans celui militaire. Plusieurs réalités prouvent la transcendance humaine de cet homme exceptionnel.

Une personne qui lui était proche au début des années 80, raconte l'histoire suivante : dans le début des années 80, des miliciens du parti Baas irakien le pourchassaient près de la rue Hamra, à Beyrouth. Une femme l'a abrité dans sa maison formée de deux chambres, où il a passé la nuit. Le matin du jour suivant, elle l'a habillé des vêtements de son mari et demandé à ce dernier de l'accompagner à un endroit sûr. 15 ans plus tard, Imad Moghnieh est allé à la recherche de cette femme et l'a trouvée dans sa maison. Elle lui a ouvert la porte. Il s'est présenté et lui a rappelé l'incident. Il dit qu'il voulait la remercier pour lui avoir sauvé la vie. La femme le reçut chaleureusement, un peu étonnée, mais reconnaissante. Il sut plus tard que le fils de la femme voulait vendre un petit bateau de pêche. Il lui envoya le prix, sans s'approprier le bateau.

La mort qui a transformé Imad Moghnieh en légende, n'a pas empêché sa présence perpétuelle. Sa vie de chef, n'a pas empêché son martyre, seul, comme tout militant.

Entre sa mort et sa vie, son parcours n'était point loin de la légende. La vie de révolutionnaire, ne l'a pas privé de sa dimension humaine, tout comme la mort n'a pas empêché sa pérennité.
On lui a demandé un jour : craignez-vous la mort, vous, toujours traqué et pourchassé.

Il a répondu : «ça relève de la traitrise de craindre la mort, au moment où je demande à mes frères d'assumer leur devoir du jihad et où je suis persuadé que certains d'entre eux tomberont en martyre. Le minimum serait d'admettre ce que je leur demande». C'est ce qui a eu lieu.

Je l'ai rencontré à Téhéran en 1993, en compagnie de son fils, le martyr Jihad. Ce dernier était encore enfant, jouant avec un pistolet. Je lui ai demandé : «que feras -tu de ce pistolet». Il m'a répondu qu'il voulait tuer les Israéliens et tomber en martyre. C'est ce qui a eu lieu !

Article paru dans le quotidien libanais As Safir, traduit par l'équipe du site