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Qu’a fait Giroux à Beyrouth?

Qu’a fait Giroux à Beyrouth?
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Une fois, un diplomate saoudien reprochait à un responsable américain à Washington le fait que son pays «ne partageait pas avec l'Arabie Saoudite les décisions qui concernent la région arabe, ni celles qui sont en relation directe avec Riyad». D'un petit sourire colonial, ce diplomate lui demanda: «Savez-vous ce qui a  crevé le cœur de Charles de Gaulle pendant toute sa vie?». Face à l'ébahissement du Saoudien, l'Américain poursuivit: «C'est qu'il a quitté la vie en nous reprochant de ne l'avoir pas informé que nous sommes partis libérer la France!»

La récente visite du délégué français Jean-François Giroux à Beyrouth nous rappelle cet événement. Dans la forme, l'observateur du déroulement de cette visite décèle des indices sur l'effondrement du Liban en tant qu'Etat. Bien qu'il soit important et soucieuxQu’a fait Giroux à Beyrouth?
de nous aider, Giroux demeure un fonctionnaire français de quatrième classe selon la hiérarchie de son ministère. Il est «directeur du département Afrique du Nord et Moyen-Orient» au «département général des affaires politiques et sécuritaires» chez le «secrétariat général du ministère français des Affaires étrangères» dirigé par un ministre au gouvernement présidé par un chef d'Etat.

Malgré ceci, il est à Beyrouth l'hôte de toutes les présidences sans exception. Les rendez-vous lui sont fixés par tous les dirigeants. Il effectue une tournée dans la moitié de ce pays qui devrait être un Etat. Juste une petite comparaison: ce même homme s'est rendu à Téhéran dans le cadre de sa mission beyrouthine. Dans ce pays, il n'a rencontré aucun responsable dont le niveau est plus élevé que celui du vice-ministre des Affaires étrangères. Il serait de l'exagération de comparer le Liban à l'Iran, ou de mesurer l'ampleur des ruines de notre Etat à l'essor de tout autre pays. Mais la question que l'on pose est: D'où commence la construction d'un pays? Si ce n'est de la mentalité institutionnelle, du respect du soi et par la suite du respect qu'on impose à l'Autre envers nous? Quand allons-nous entendre dans les médias qu'un délégué occidental s'est entretenu exclusivement avec son homologue? Une question à laquelle on ne saura répondre tant que le projet de l'Etat est suspendu…

Quant au contenu de la visite du délégué français, il rappelle encore plus le crève-cœur de Charles de Gaulle. Jean-François Giroux vient au Liban pour une deuxième visite déclarée, après avoir effectué une tournée le 10 décembre dernier. Un dirigeant libanais avait alors rapporté que Giroux lui a demandé des possibilités d'élire un chef d'Etat. Ce dirigeant a écarté une telle mesure dans un avenir proche. Mais le fonctionnaire français l'a contredit: Il y a un an, vous avez dit qu'il n'y aura pas de gouvernement au Liban. Nous sommes allés à Téhéran, nous avons discuté avec les responsables iraniens, et le gouvernement a été formé à Beyrouth. Aujourd'hui vous dites que l'élection d'un président est improbable. Bon. Réessayons la même expérience.

Entre ces deux visites à Beyrouth, les impressions de Giroux sur l'Iran ont changé. Ces deux derniers jours, il n'a pas compté dans son discours sur son expérience gouvernementale. Tout ce qu'il a dit c'est qu'il a entendu de Téhéran et de Riyad que les élections présidentielles sont une affaire libanaise. Il y a même cru jusqu'à proposer des moyens électoraux purement libanais, capables de dénouer le nœud et de trouver un président. La dernière proposition fut l'idée d'un «consortium électoral», à la manière des élections ecclésiastiques des patriarches et des papes. Il ira même dans quelques jours à Rome pour rencontrer le patriarche Raï et certains responsables du Vatican à la retraite, en vue d'élaborer encore plus sa proposition ecclésiastiques. L'idée de Giroux repose sur une réunion permanente du parlement libanais à huis clos, et à tenir plusieurs rounds d'élection jusqu'à aboutir à un résultat.

Un politicien libanais s'est demandé: Et si nous ne parvenons à aucun résultat positif? Alors qu'un autre politicien a dit: Giroux doit se rappeler que lorsque son pays exerçait son mandat sur le Liban, et sur un parlement de 25 députés seulement, dont sept étaient nommés, il a échoué d'élire un chef d'Etat libanais. La France avait soutenu la candidature d'Emile Eddé, mais c'est Béchara el-Khoury qui a été élu.

Que dire donc aujourd'hui, alors que la France n'est plus mandatée sur le Liban, que le Parlement est composé de 128 députés dont le mandat a été prolongé, et que la région entière brule comme les corps?

La proposition de Giroux n'était pas convaincante. Il semble que lui non plus n'en était convaincu. La question présidentielle était un alibi pour la visite, alors que la question d'«Israël» et de la résistance était le véritable enjeu de cette visite. Celle-ci est intervenue juste après le raid de Qouneitra le 18 janvier dernier, et la riposte du Hezbollah dix jours après dans les fermes de Chebaa. Sur ce point, le fonctionnaire français a tenu des propos clairs. Il a tenté d'éviter les propos d'avertissements et de cacher le discours d'intimidation. Malgré ceci, il a continué à transmettre des messages d'au-delà du Sud Liban, sur des questions libanaises souverainistes.

A la fin de sa «promenade» beyrouthine, Giroux aurait été sur le point de reprocher aux Libanais le fait qu'ils ne partagent pas avec Paris leurs pensées et leurs décisions présidentielles et celles liées au Sud. Les dirigeants libanais auraient dû rappeler à Giroux le crève-cœur de Charles de Gaulle et lui dire: «Je suis parti en Orient avec des idées simplistes malgré toutes ses complications»!

Article paru dans le quotidien Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site

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