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La Turquie entame son revirement: La chute d’Assad n’est plus une condition pour le dialogue

La Turquie entame son revirement: La chute d’Assad n’est plus une condition pour le dialogue
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Contrairement à tous les pays concernés par la crise syrienne, la Turquie est à l'heure actuelle démunie de stratégie claire. Au contraire, du jour au lendemain, émergent des indices qui annoncent des transmutations.

Il n'est point logique de prévoir une visite de Recep Erdogan à Damas dans les proches délais. Mais il est évident que la Turquie est désormais contrainte d'adopter une nouvelle politique dans le contexte des mutations régionales de l'année dernière.

En effet, les responsables de ce pays sont confrontés à des difficultés qui résident dans l'impossibilité de camper sur une politique propre à eux, à la suite du déclenchement des opérations de la coalition occidentale contre «Daech» et du lancement de la guerre iranienne contre cette même organisation.

Il est évident que la Turquie fait face à l'heure actuelle à plusieurs réalités et difficultés. Elle ignore si l'Union européenne demeurera forte et unie avant d'être assurée que son adhésion à cette union serait prochainement possible. Elle œuvre afin d'arracher un rôle régional et international, mais connait aussi que réussir à s'approprier ce rôle nécessite de rester membre de l'Otan.

Ce pays est aussi confronté à une situation intérieure compliquée, notamment avec la croissance du courant extrémiste soutenant la pensée et la ligne de conduite de «Daech», dans le contexte de la croissance du courant dit «laïc». Ce dernier considère la religion comme la raison des problèmes de la région.

Cependant, la Turquie est secouée par d'autres craintes, étant au milieu «d'un champ magnétique actif». D'une part, les Saoudiens et les Américains s'emploient à la convaincre de joindre leur stratégie en Syrie, en Irak et en Egypte et puis envers l'Iran. Ceux-ci lui affirment leur disposition à élargir son rôle régional, comprenant aussi une réconciliation ou un compromis avec l'Egypte. Effectivement, l'occident ainsi que l'Arabie, demandent à la Turquie de renoncer à sa stratégie unilatérale à l'égard des dossiers chauds.

D'autre part, les Russes et Iraniens se sont empressés de prendre des initiatives envers la Turquie. Les premiers ont annoncé leur disposition à faire de la Turquie un passage obligatoire du gaz et à élaborer une entente stratégique qui élargirait le rôle de ce pays en Asie centrale et lui préserverait un rôle majeur dans la région arabe.

Pour sa part, l'Iran avait affirmé à Erdogan, lors de sa dernière visite à Téhéran, qu'il était favorable à une coalition turco-iranienne, fondée sur des accords autour des dossiers de «l'environnement vital», de la Syrie et de l'Irak, d'une manière qui impose à l'occident et à l'orient de s'adresser à eux deux comme étant des forces majeures.

Les Iraniens ont rappelé à Erdogan qu'il n'était point en mesure de bâtir une alliance avec «Israël», puisqu'il perdrait la totalité du monde arabe et une grande partie du monde islamique. Ils lui ont clairement dit que juste le fait de penser à une alliance avec l'Arabie, est entravé par des obstacles, illustrés notamment par le statut du royaume étant un concurrent essentiel à la Turquie dans le même environnement vital, surtout que le conflit intellectuel avec ce pays revêt une dimension existentielle.

En d'autres termes, l'Iran aurait invité la Turquie à rejoindre sa coalition fondée sur deux forces centrales, Iran et Turquie et soutenue par deux alliés de poids dans le monde arabe, à savoir, la Syrie et l'Irak. De ce fait, la Turquie serait au cœur du mouvement de la résistance qui comprend des alliés au Liban et en Palestine. Mais le problème d'Erdogan avec la position iranienne a résidé dans l'insistance de cet homme sur le même point. Il a dit : Tout est discutable, mais après la chute de Bachar Assad !

Les fuites d'informations affirment que l'Iran aurait répondu avec pure diplomatie : si Assad résiste ou pas, et nous sommes convaincus qu'il résistera, notre proposition ne sera pas maintenue !

Plusieurs évènements sont survenus, poussant la Turquie à relancer les discussions autour de sa position. Premièrement, les services turcs concernés ont tranché quant à l'impossibilité de la chute du régime syrien ; ces services ont reçu des signes diplomatiques de plusieurs capitales arabes et occidentales, selon lesquels tous coexistent désormais avec l'idée du maintien d'Assad au pouvoir.

Puis est survenu le renversement le plus dur en Irak, avec l'invasion de large zones par «Daech» et la déclaration de l'Etat du Califat qui juge la Turquie comme adversaire voire comme ennemi, même si le combat de ce dernier n'était pas obligatoire à l'heure actuelle. Tous ces faits ont coïncidé avec les défaites de la confrérie des Frères Musulmans en Egypte, Tunisie, Lybie et Syrie et les crises qui frappent le mouvement Hamas en Palestine.

Pour ces raisons, les Turcs furent les premiers à saisir clairement le nouveau message iranien, illustré par l'apparition publique et à plusieurs reprises du chef des Gardiens de la révolution, le général Kassem Suleimani, sur les fronts de l'Irak.

Plus tard, la Turquie a bien compris que ne pas rejoindre les forces de la coalition internationale dirigée par Washington contre Daech, ne changera en rien la stratégie de cette coalition, mais qu'un rôle sera attribué à une autre partie. La Jordanie.

Puis les Turcs ont senti que la situation en Irak ne stagnera pas comme fut le cas lors de l'invasion de juin 2014. Ils ont suivi de près les mutations qui montrent une nouvelle attitude de l'Iran. Subitement, l'armée iranienne est intervenue pour soutenir les Kurdes dans le Nord. Téhéran avait arraché des gouverneurs de cette région autonome, un engagement, même oral, de renoncer à l'idée de l'indépendance totale. Puis, ils ont constaté que la République islamique était prête à déployer des efforts en Irak, plus puissants que ceux déployés en Syrie. Et que les résultats ont commencé à y apparaitre. Les Turcs savent que l'Irak sera prochainement la scène du recul du pouvoir de «Daech».

Dès que l'Iran et ses alliés avaient achevé la période de l'immunisation de la capitale Bagdad et puis débuté le démantèlement des foyers du lancement des opérations suicides et la mise en place d'un système sécuritaire et militaire aux côtés des Kurdes, les Turcs se sont empressés d'adopter une conduite différente.

Le Premier ministre, Ahmet Davutoglu, s'est rendu à Bagdad. Il a décidé de profiter de la chance de la sortie de Nouri Maliki du pouvoir pour s'adresser à son successeur, Haider Ebadi, avec un langage différent. Selon des personnes bien informées, Davutoglu aurait prononcé des propos audacieux selon lesquels :

-Nous sommes entrés dans la période des changements stratégiques. La pensée wahhabite et ceux qui la prônent sont nos premiers ennemis. Ces derniers ne veulent pas seulement éliminer les non-musulmans, mais tout autre. La lutte contre ce courant est désormais une de nos priorités.

-Nous jugeons le changement au niveau de la présidence du gouvernement comme un indice qui nous appelle à demander l'ouverture d'une nouvelle page dans nos relations. Nous ne communiquerons avec l'Irak qu'à travers le pouvoir central. Même nos contacts avec le Kurdistan, le cas échéant, n'auront pas lieu que suite à la coordination avec le pouvoir et son approbation.

-Nous sommes prêts à élever le niveau de la coopération économique avec l'Irak. Nous nous préparons à élaborer une nouvelle vision quant aux relations avec le voisinage, notamment avec l'Irak et l'Iran.

Cependant, qu'en est-il de la crise syrienne ?

Selon les sources bien informées, Davutoglu aurait surpris le premier ministre irakien en disant que la Turquie aborde désormais les faits avec réalisme. Ce pays ne campe plus sur sa position quant à la chute de Bachar Assad, comme la condition au début du dialogue inter syrien, ou au dialogue entre la Turquie, l'Iran et l'Irak.

Mais Davutoglu se serait empressé d'ajouter : il serait bénéfique de s'entendre, dès ce moment, sur un mécanisme qui empêche le maintien d'Assad au pouvoir, dans la prochaine période. Sur le terrain, la confusion dans les relations d'Ankara avec ses alliés syriens est évidente, surtout avec la branche des Frères Musulmans.

Davutoglu avait dit à un responsable libanais que le problème des Frères musulmans en Syrie réside dans leur voix, beaucoup plus haute que leur pouvoir sur le terrain. Toutefois le climat de cette confrérie dans le monde témoigne de grandes mutations. En effet, nous percevons des changements sérieux dans la position des Frères Musulmans en Tunisie et dans la position du mouvement Hamas à l'égard de la Syrie.

Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site

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