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Bogdanov: Bandar m’a dit qu’on détruira la Syrie

Bogdanov: Bandar m’a dit qu’on détruira la Syrie
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La tournée du ministre russe adjoint des Affaires étrangères, Mikael Bogdanov en Syrie, Liban et Turquie, a confirmé un fait: Le conflit russo-américain jette toujours l’ombre sur le sang syrien.

Tout l’optimisme grandiloquent suggéré par les contacts de ce haut responsable russe autour de la possibilité d’un dialogue entre l’Etat syrien et l’opposition, demeure sans véritable  espoir. Rien, jusqu’à l’heure actuelle, ne permet  de dire que Washington soutiendra les efforts russes en vue d’une solution politique ou qu’il acceptera cette dernière, ni l’Arabie a changé sa position à l’égard  du régime  syrien. Pourquoi  alors le  tapage provoqué par Bogdanov si l’horizon du compromis politique était  toujoursBogdanov: Bandar m’a dit qu’on détruira la Syrie
bloqué?

Dès  le début  de sa tournée dans la région, le vice-ministre russe, Mikael  Bogdanov, a tenu à adopter un ton plus ferme quant à l’appui du régime  du président Bachar Assad. Certains de ses interlocuteurs ont perçu dans ses discours une hausse du ton en comparaison avec celui adopté lors de ses anciennes rencontres. Ceci est lié à l’exacerbation  du conflit entre la Russie et l’Otan. Le président Vladimir Poutine réalise que la Syrie occupe une place prépondérante dans ce conflit. Il fallait donc se tenir fermement aux côtés  de Damas.

Poutine avait reçu publiquement et cordialement, le ministre syrien des AE, Walid Mouallem. Il avait aussi haussé le niveau de l’exportation des armes, du point de vue qualité et quantité à l’allié syrien. Il dit à Mouallem qu’il a été surpris, mais aussi satisfait, du taux de vote en faveur d’Assad dans la présidentielle. Il a exprimé son appui d’une manière qui a poussé la délégation  syrienne à dire, en voie de retour, que ce qu’elle a entendu a dépassé  ses attentes.

Ce tapis rouge installé par Poutine, a pavé la voie à Bogdanov vers la région. Ce dernier comprend que sa mission essentielle consiste à soutenir la Syrie pour qu’elle résiste, puisque c’est notamment cette résistance  qui renforcera les cartes russes dans le conflit avec l’occident. Il faut donc inciter l’opposition à  mener le dialogue  avec le régime  ou au moins lui attribuer la responsabilité de l’échec du dialogue. Selon la conviction de Moscou, l’opposition, fragmentée en raison des différends intestins et de la diminution du soutien occidental, pourrait accepter la médiation russe. Peut-être cette conviction est un peu exagérée.

Il n’a pas été étrange que certains opposants de l’intérieur entendent des propos ironiques de Bogdanov à l’égard de la Coalition de l’opposition syrienne. Il a dit littéralement, avec son excellente langue arabe: «Nous irons à Istanbul pour voir si l’opposition  des hôtels  de cinq étoiles  vivait bien dans le luxe». Toutes les personnes présentes se sont esclaffées. Le message était clair.

Bandar et la destruction

Il n’a pas été surprenant que Bogdanov rapporte à ses interlocuteurs durant ses entretiens, comment l’ancien chef des Renseignements saoudiens, l’émir  Bandar Ben Sultan avait nettement dit à Moscou: «Nous voulons détruire ce régime alaouite en Syrie, même si la Syrie se réduisait en ruines».

Et lorsque Bogdanov lui a demandé «comment était votre relation avec le président défunt Hafez Assad?», l’émir saoudien s’est empressé de répondre: «Notre relation était excellente. C’était un homme sage». Bogdanov a répondu: «Donc, le problème ne réside pas dans le régime alaouite, mais plutôt avec le président Bachar Assad en soi».

La divulgation  de cet échange constitue un message russe clair à l’égard de Riyad aussi.

Il n’a pas été surprenant, sur un autre plan, que Bogdanov adresse des critiques acerbes aux responsables américains, bien  qu’il ait révélé leur approbation du récent mouvement russe. Il a narré à ses interlocuteurs comment John Kerry est venu dire aux Russes, après trois semaines du déroulement  des négociations de Genève 2: «Les pourparlers ont échoué, nous retournons maintenant à la guerre». Et les responsables russes de répondre: «Lorsque vous supervisez les négociations entre les Palestiniens et les Israéliens, vous leur donnez neuf mois et puis vous prolongez la période de neuf nouveaux mois et ainsi de suite. Pourquoi ne faites-vous pas de même pour sauver la Syrie?»

Bogdanov est convaincu d’un fait: nulle confiance à l’heure actuelle en l’administration  américaine. La possibilité qu’elle  recoure à la tromperie est posée. Les responsables américains  sont d’accord avec Moscou autour de son effort pour rapprocher l’opposition et l’Etat, mais leur approbation signifie plutôt qu’ils laissent les Russes agir tout en étant surs qu’ils échoueront. C’est notamment ce qui a poussé les Russes à émettre des réserves  contre toute action des Etats-Unis ou de l’Otan contre «Daech», hors du Conseil de sécurité. Au fond d’eux-mêmes, ils ne seraient pas satisfaits de l’ouverture de la Syrie à la  coopération  avec la coalition internationale contre «Daech». En effet, les Russes, tout comme les Iraniens, estiment que tout signe positif à l’égard  de la coalition signifierait  de permettre  aux Etats-Unis et à leurs alliés de commettre les erreurs et les duperies sur le territoire syrien.

L’émissaire russe a rapporté à ses interlocuteurs, les propos  adressés par Kerry aux responsables russes. Il aurait dit, cité par Bogdanov: «Ne croyez pas que nous sommes venus frapper Daech en Syrie pour que le régime en bénéficie». Il est évident  que ce fait était au cœur du différend russo-américain. Dans le passé, les Américains disaient aux Russes que tant Nouri el-Maliki était au pouvoir, ils n’agiraient pas contre le terrorisme en Irak. Ils disent la même chose en Syrie, mais ils sont obligés de frapper cette organisation. Les Russes ont répondu  à plusieurs reprises, selon Bogdanov, en disant: «Par votre position, vous violez le droit international et humain, parce que vous facilitez l’action du terrorisme pour des fins politiques. Ceci est une première dans la politique internationale».

Comment alors expliquer le mouvement des responsables russes, au moment où ces derniers n’ont pas confiance en leurs homologues américains? La réponse est simple. Moscou veut embarrasser Washington et provoquer une percée politique ou suggérer une telle percée. Assad comprend ce fait. Il veut faciliter la mission russe, malgré ses propos à plusieurs reprises à Bogdanov et à d’autres, selon lesquels l’opposition syrienne n’a aucune influence sur la rue et qu’il est mieux de dialoguer avec les rebelles armés.

Bon. Assad, tout comme Moscou, réalisent que ce sont la Coalition de l’opposition et ses alliés  qui sont embarrassés par l’action russe. S’ils acceptent d’aller à Moscou, ceci signifiera  qu’ils ont admis d’élargir le cadre de l’opposition, ce qui annulera leur rôle initial. Et s’ils refusent d’y aller, ils assumeront le résultat  de l’échec et le dialogue sera limité aux parties de l’opposition, admises par le régime.

Bogdanov critique les arrestations

Lorsque le ministre syrien des AE, Walid Mouallem, a proposé la tenue des réunions de l’opposition et du gouvernement à Damas, la réponse russe fut négative. «Non, pas à Damas, mais à Moscou. C’est mieux». Mouallem s’est interrogé sur les raisons, surtout que Damas est désormais sécurisée. La réponse  de Bogdanov fut la suivante: «Si Damas était sûre, Abdul Aziz El-Kheir et Raja’ El-Nasser n’auraient  disparus et Louay Hussein n’aurait été arrêté». En fait, Moscou est irrité en raison de la disparition ou de l’arrestation de ces trois opposants.

Les responsables russes ont tenté à plusieurs reprises d’intervenir pour les libérer ou révéler leur sort. La réponse syrienne était la suivante: l’Etat ignore le sort d’El-Kheir, alors que pour les autres, il existe une procédure judiciaire.

Citant l’ambassadeur russe à Damas, certains disent que Bogdanov avait abordé l’affaire du président  du courant de la Construction de l’Etat, Louay Hussein, avec le président Assad, mais sans avoir reçu de réponse claire. Damas est toujours armée des facteurs judiciaires, au moment où Moscou voit dans l’affaire des indices politiques nécessaires à l’édification de la confiance.

C’est exactement ce qu’avait dit l’opposant syrien, Haytham Manna, à un émissaire russe. Ce dernier l’avait interrogé sur les moyens de réactiver le Comité de la coordination et avait rappelé que les autorités russes comptaient sur son rôle dans le contexte de la solution politique en Syrie. Manna a demandé: «Accepterez-vous un gouvernement regroupant Abdel Aziz El-Kheir, comme ministre de Travail, Louay Hussein, comme ministre des Transports et Raja’ El-Nasser comme ministre de la Justice?». L’émissaire russe est parti. Il ne revint plus. Manna a choisi d’observer le mutisme se basant sur le hadith du prophète, selon lequel, celui qui croit en Dieu et au Jour dernier, qu’il dise quelque chose de bien ou qu’il se taise.

Et Manna d’ajouter: «Dans cette période, le mutisme est une position en soi». Mais ceux qui sont informés des mouvements de l’opposition à l’extérieur, perçoivent une extension de l’action de Manna, reçu par des responsables occidentaux et arabes, qui refusaient même de communiquer avec lui dans les dernières années.

Bogdanov avait rencontré à Beyrouth, samedi dernier, deux délégations de l’opposition syrienne. L’une comprenant Mona Ghanem et Anas Jouda, responsables du courant de la Construction de l’Etat, ainsi que Nidal Sabeh, médiateur  entre des opposants de la scène intérieure  et l’ambassadeur russe à Beyrouth.

L’entretien a duré une heure, de 16h à 17h. Il était censé durer une demi-heure, de manière à ce que la seconde demi-heure soit réservée à la délégation du comité de Coordination, formée de Hassan Abdel Azim, de Safwan akkach et d'Ahmad Hasraoui.

La délégation s’est attardée en raison d’un problème quelconque concernant les papiers de Akkash à la frontière syrienne. On a contacté les services de sécurité syriens. La délégation a franchi la frontière. Elle arriva en retard.

A l’arrivée d’Abdel Azim et de ses compagnons, ils se sont réunis avec le directeur du département du Moyen Orient du ministère russe des AE, au moment où Bogdanov s’était rendu chez le secrétaire général du Hezbollah, sayed Hassan Nasrallah. Mais à son retour, il a rencontré Abdel Azim et les membres de la délégation, en présence de Nidal Sabeh.

Durant les entretiens de Bogdanov avec les délégations de l’opposition syrienne, il s’est enquis de Haythem Manna et insisté sur l’importance du rôle du comité de Coordination. Mais il a aussi interrogé ses hôtes  sur leur avis à l’égard de Moazz El-Khatib, ancien chef de la Coalition de l’opposition. Il a rendu hommage au rôle  de cet homme et évoqué certains contacts russes avec lui. Hassan Abdel Azim a de même fait l’éloge d’El-Khatib. Il a ajouté que le comité de Coordination était en perpétuelle communication avec lui. Selon ses propos, El-Khatib dirige désormais un groupe d’anciens membres de la Coalition de l’opposition syrienne ; des hommes qui croient à la solution politique et aux négociations.

Mona Ghanem, qui préside le courant de l’édification de l’Etat à l’heure actuelle en Syrie, à la suite de l’arrestation de son président, Louay Hussein, a évoqué plusieurs points dont notamment: «préserver l’unité du territoire syrien, construire l’Etat démocratique juste, assurer les libertés et relaxer les détenus politiques, préserver les institutions étatiques  y compris l’armée, lutter contre le terrorisme par tous les moyens politiques, culturels et militaires».

Abdel Azim, a pour sa part avancé un projet de solution de plusieurs pages. Ces dernières contiennent les points répétés à plusieurs reprises par le comité de Coordination. On y a aussi souligné la responsabilité de l’Etat et la nécessité de la prise de de mesures pour bâtir la confiance.

Pas de plan définitif

Bref, Bogdanov est venu pour écouter  tous les points de vue, surtout qu’il avance sur un terrain miné. En effet, la Coalition  de l’opposition n’approuve pas un rôle efficace de la Russie, par crainte de son soutien au régime, ni ce dernier croit à l’influence de l’opposition extérieure sur la scène intérieure, ni les Etats-Unis veulent que la Russie réussisse où ils ont eux-mêmes échoué. Pour ces raisons, on aspire au maximum, que le Russie parvienne à rassembler l’opposition à Moscou, afin de convenir la formation d’une délégation opposante, qui se réunira plus tard avec les autorités syriennes. Si la première démarche sera accomplie, la seconde sera quasi impossible à réaliser.

En fait, les Etats-Unis ne sont pas encore prêts à la solution, et l’Arabie n’a pas changé d’avis. C’est ce qu’on peut déduire des discussions de Bogdanov avec les autres parties, comme Damas, le Hezbollah, passant par les responsables libanais.

L’émissaire russe aurait en outre affirmé au Hezbollah que Moscou ne reculera guère devant le soutien politique et militaire à la Syrie, dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.

Il est donc normal que le Hezbollah perçoit une fermeté russe inouïe dans l’appui de la Syrie et dans son appréciation  du rôle  du Hezbollah dans la lutte contre le terrorisme. Le Hezbollah aurait même perçu un ton russe plus ferme que le discours entendu par la délégation du parti à Moscou. Lorsque la délégation du conseil fédéral du Parlement russe, présidée par son vice-président  Elias Omakhonov est venue au Liban et a rencontré le commandement du Hezbollah, beaucoup de choses ont été dites. Le commandement de la résistance était persuadé que la position de Moscou est plus stratégique que le croient certains et que Moscou est plus disposée à la confrontation que ne le croient les adversaires de Moscou.

Il s’est avéré que Bogdanov est venu avec les mêmes idées. De surcroît, la protection de la Syrie est désormais plus que nécessaire pour l’avenir du conflit russo-occidental. Un fait qui suppose la vigilance contre tout acte perfide américain et nécessite de convaincre toutes les parties syriennes de l’importance du dialogue. «Israël» aurait été le premier à saisir  le message russe. Il a riposté, le jour suivant la rencontre de Bogdanov avec le Hezbollah et la visite de Mouallem en Iran, par des raids contre des postes près de Damas.

Moscou réussira-t-il? Ça sera difficile à affirmer ; mais il aurait au moins, dans le contexte de la crise syrienne, agi dans ses intérêts. C’est important en soi au comble du conflit entre la Russie et l’Otan. C’est aussi ce qui pousse Assad à faciliter la mission de Bogdanov, en dépit de sa propre conviction sur l’inanité  de la conférence de Genève, et sur tout ce qui se déroule ces jours-ci le jugeant comme un jet de poudre aux yeux.

L’armée syrienne, une ligne rouge

Durant ses entretiens avec les responsables de l’opposition en Turquie, au Liban et à Damas, et avec les responsables libanais, le haut responsable russe s’est demandé: «Dans l’intérêt de qui détruire l’armée  syrienne?». Il a expliqué à ses interlocuteurs qu’«Israël» est le seul bénéficiaire de cette destruction systématique. Il a aussi posé une autre question à l’opposition: «Ne croyez-vous pas que seul le dialogue pourrait épargner à la Syrie la division du territoire?». Il a dans ce contexte souligné que l’opposition devait agir immédiatement, pour éviter le complot ourdi contre ce pays, et dans lequel elle jouera un rôle dans son sauvetage et sa reconstruction. Les interlocuteurs de Bogdanov ont compris que l’armée syrienne était une ligne rouge pour la Russie.

Mais Bogdanov n’a point évoqué la possibilité du départ du président Bachar Assad. Il a évoqué le dialogue prévu, et le rapprochement des points de vue.

Lorsqu’un des responsables de la Coalition syrienne lui a posé une question sur Genève 1 et ce qu’on y avait dit à propos de la mise en place d’un comité transitoire jouissant de toutes les prérogatives, il a répondu que Genève 1 était la base du dialogue mais que des modifications y sont requises en ce moment, après la tenue de la présidentielle et la priorité que représente désormais le terrorisme.

Certains responsables de la Coalition de l’opposition syrienne sont sortis de la réunion en disant: «Moscou n’a point changé d’avis. Elle soutient toujours le régime d’Assad. La tournée de Bogdanov s’inscrit dans ce contexte». Mais durant les pourparlers, les responsables russes ont intentionnellement rappelé que l’occident n’a rien avancé à l’opposition. Il l’a seulement embourbée.

Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site

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