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L’élection de Trump: le repli d’une Amérique en crise

L’élection de Trump: le repli d’une Amérique en crise
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Par Samer R. Zoughaib

Il est encore trop tôt pour connaitre les intentions du prochain président américain et les orientations de son administration. Mais l’analyse des résultats des élections et une lecture des discours pré-électoraux permettent de se faire une idée préliminaire.

L’élection de Trump: le repli d’une Amérique en crise

Contrairement aux pronostics des sondages et en dépit de sa diabolisation par une grande partie de l’establishment médiatique du pays, Donald Trump a été élu, le 8 novembre, 45ème président des Etats-Unis.

Une première analyse montre que M. Trump, personnalité controversée jugée peu sérieuse par les médias, a été porté au pouvoir par une mosaïque d’électeurs qui va de l’homme blanc sans diplôme universitaire, à la population rurale, en passant par des travailleurs défavorisés par les ravages du néolibéralisme, dont beaucoup, et c’est une surprise, votaient traditionnellement pour le parti démocrate, comme dans les zones industrielles des Etats de l’Ohio et du Michigan.

L’élection de Trump est, donc, la réaction d’une Amérique qui traverse une crise profonde multidimensionnelle.

-Une crise économique: le néolibéralisme, pratiqué d’une manière outrancière depuis le premier mandat de Bill Clinton, a sapé les fondements de l’économie réelle pour favoriser le capitalisme financier. Des pans entiers de l’industrie ont été démantelés et des millions d’emplois ont été délocalisés, notamment vers la Chine et d’autres pays d’Asie. Donald Trump a promis de ramener les emplois aux Etats-Unis –sans dire comment il comptait procéder. Résultat: une montée du chômage qui a frappé essentiellement la classe moyenne inférieure, habitant les zones rurales et industrielle et un appauvrissement général.

-Une crise sociale: Ces deux dernières décennies, les Etats-Unis ont connu une transformation démographique due à l’arrivée massive d’immigrés d’origine diverses, notamment «latinos». Cet afflux a coïncidé avec la crise économique, ce qui a posé des problèmes d’intégration et une exacerbation des tensions raciales et ethniques.

-Une crise des valeurs: à cause de la crise économique et sociale, le fameux «rêve américain» (American Dream), basé sur les valeurs du travail qui mène à la réussite, de la liberté, de la diversité… ont perdu leur attractivité. Elles ne sont plus capables de fédérer les Américains autour de valeurs-symboles.

Moins d’ingérence en Syrie?

Tous ces problèmes ont généré des tensions qui se sont manifestées, ces dernières années, par les émeutes et les vastes manifestations contre les violences policières, dont sont victimes, en premier lieu, les minorités défavorisées, notamment les Afro-Américains.

Face à ces défis, Donald Trump a développé un discours à la limite de la xénophobie et du racisme, et a prôné un repli économique. Il faut, selon lui, rapatrier les emplois et les capitaux américains, il faut augmenter les dépenses publiques dans l’infrastructure. C’est un retour au modèle keynésien des années 30 du siècle dernier, mis en œuvre par le président Roosevelt… mais sans garantie de succès.  

Sur le plan de la politique étrangère, Donald Trump prône également le repli de l’Amérique, qui devrait s’illustrer par moins d’ingérence et une expansion moins agressive. Cette politique est plus traduite par des considérations pragmatiques, motivées par le manque de moyens financiers et militaires, que par une idéologie pacifiste. M. Trump estime que les alliances des Etats-Unis dans le monde et ce qu’il appelle la «protection» offerte par son pays à l’Europe et aux pétromonarchies du Golfe –plus particulièrement l’Arabie saoudite- sont très coûteuses. Aussi, a-t-il une piètre idée de l’Otan et de la monarchie wahhabite. Il a déclaré, à maintes reprises, que l’Arabie saoudite ne survivrait pas une semaine si les Etats-Unis cessaient de la soutenir. Il faut donc qu’elle paye en contrepartie de cette protection.

M. Trump a une attitude nettement moins belliqueuse que l’administration Obama ou que sa rivale malheureuse Hillary Clinton vis-à-vis de la Russie. Il a même exprimé son admiration pour le président Vladimir Poutine, qu’il considère comme un partenaire dans la lutte contre le terrorisme. Combattre le terrorisme est d’ailleurs sa priorité, en Syrie et en Irak. Lors du second débat télévisé avec Mme Clinton, Trump a dit que sa priorité va à la lutte contre l’organisation de «l’Etat islamique» et non pas «défier la Russie ou (le président Bachar) el-Assad». «Je n’aime pas Assad du tout, mais Assad est en train de tuer Daech», a-t-il dit.

Dans ce même débat, tout en déplorant le «désastre humanitaire à Alep», M. Trump a estimé que «la ville est pratiquement déjà tombée» entre les mains de «la Russie et du régime». Cela signifie que, contrairement à l’administration Obama, il ne souhaite pas déployer des stratégies et des moyens pour empêcher la reprise d’Alep par l’armée syrienne et ses alliés.

Dans le même registre de la crise syrienne, le président américain élu exclu d’armer les «rebelles» syriens. «En fin de compte il apparait qu’ils sont pire» que les terroristes, a-t-il dit. Par ailleurs, il n’a jamais exprimé de compassion particulière envers les réfugiés syriens.

Le retour des faucons?

Ces prises de positions montrent une rupture totale entre M. Trump et la stratégie d’Obama et de Clinton. Il ne compte pas utiliser le champ de bataille syrien pour combattre la Russie. Au contraire, il semble disposé à reconnaitre le rôle central de Moscou dans ce pays, partant du principe que la priorité doit réellement aller à la lutte contre le terrorisme.

M. Trump a d’autre part promis d’abroger l’accord nucléaire avec l’Iran et est considéré comme un «grand ami d’Israël».

Pour ce qui est de la première question, les experts affirment que l’accord sur le nucléaire est un arrangement international impliquant plusieurs pays et que les Etats-Unis ne peuvent pas, juridiquement, l’abroger d’une manière unilatérale.

Au sujet d’«Israël», il ne faut pas oublier que l’administration Obama a offert à l’Etat sioniste une aide militaire inégalée dans l’histoire des relations bilatérales. Il y a quelques semaines seulement, Washington a promis 40 milliards de dollars d’aides militaires sur dix ans.

Quoi qu’il en soit, les intentions de M. Trump au sujet du Moyen-Orient restent méconnues. Il faudra voir qui occupera les postes clé pour mieux connaitre l’orientation qu’il souhaite donner à son administration. Certaines informations parues dans les médias américains avancent les noms de l’ancien ambassadeur aux Nations unies, Mikael Bolton au poste de secrétaire d’Etat, et Steven Hadley, ex-conseiller de George Bush à la sécurité nationale au poste de ministre de la Défense. Ces deux personnages sont des faucons des néo-conservateurs.

Ceci dit, les options des Etats-Unis sont plus limitées que jamais et même si Trump et son administration adoptent une politique étrangère agressive, ils n’ont pas les moyens de la concrétiser.

Source : French.alahednews

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