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Interview du sayed Nasrallah sur la chaîne OTV

Interview du sayed Nasrallah sur la chaîne OTV
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Le 3 décembre 2013

Q- Certains disent qu'il y a un nouveau paysage régional du à un nouveau paysage international et qui risque de se répercuter sur le Liban. Selon vous, que signifie l'accord sur le nucléaire entre l'Iran et l'Occident ?

R- Il n'y a pas de doute que cet accord, pour l'instant provisoire et préliminaire, a des conséquences très importantes. Au cours des derniers jours, beaucoup d'articles ont été écrits et beaucoup de choses ont été dites sur le gagnant et le perdant, sur les résultats et les conséquences, ainsi que sur le contenu de l'accord, sa portée et les horizons qu'il ouvre. Je voudrais d'abord dire que les premiers gagnants de cet accord sont les peuples de la région en général, ceux de la région du Golfe et ceux du Moyen Orient. Cela pour une raison très simple, c'est qu'au cours des dernières années, des parties régionales et internationales poussaient vers la guerre avec l'Iran. Or, l'option de la guerre contre l'Iran n'est pas simple, ni aisée, car l'Iran n'est pas un pays faible, petit ou isolé. L'option de la guerre aurait donc pu avoir de graves conséquences sur l'ensemble de la région. La première conséquence de cet accord - ou de cette entente, je tiens à être réaliste- est d'éloigner l'option de la guerre et je ne dis pas de l'écarter totalement. Même l'option d'une guerre israélienne contre l'Iran est à mon avis retardée. Je ne crois pas - bien sûr il y a un débat d'idées sur le sujet- qu'«Israël» lancera des attaques contre les installations nucléaires iraniennes sans un feu vert américain. Je crois que ce n'est pas possible. Sur le plan de la guerre psychologique, Netanyahu peut dire ce qu'il veut. Mais dans la réalité, les faits sont différents. Je le répète, à mon avis, les grands gagnants sont les peuples de la région à travers l'éloignement de l'option de la guerre.
Deuxièmement, cet accord a ouvert des portes pour que les parties puissent nouer un dialogue, chercher des ententes, des règlements et des responsabilités aux différentes dossiers en suspens, là où c'est possible.
Troisièmement- et c'est très, très, important-, l'accord qui a été conclu entre l'Iran et les 5 plus 1, ainsi que l'accord sur les armes chimiques syriennes et les négociations qui les ont précédés ont consacré une nouvelle réalité internationale qui s'appelle la multipolarité. Il n'y a plus un seul Etat hyperpuissant qui gouverne le monde et le place dans la direction de son choix. Il y a désormais plusieurs Etats - et non pas seulement deux pôles-, peut-être les 5 plus 1 (pourquoi d'ailleurs l'Allemagne est avec les 5 pays membres permanents du Conseil de sécurité ?). Nous nous dirigeons vers un monde multipolaire et cela ouvre de nouveaux horizons, empêche l'hégémonie et l'autoritarisme international et mondial. Cette réalité ouvre la voie à des manœuvres, donne des marges de manœuvres dans lesquelles un pôle peut être sollicité pour faire face à un autre. Ces pôles peuvent aussi avoir des intérêts communs, des contradictions et tout cela ouvre un nouvel espace pour les peuples du Tiers Monde et permet de rechercher des solutions aux conflits régionaux.

Q- Qu'ont donc gagné les Etats-Unis dans cet accord que vous considérez en faveur des peuples de la région ?

R- Il y a eu d'importants changements dans la politique américaine dans la région et dans le monde. Entre parenthèses, ceux qui sont en colère sont nombreux. Nous discutons avec ceux qui nous aiment. Mais ceux qui sont en colère ne sont pas prêts à nous écouter. Bien qu'il s'agisse d'un accord préliminaire conclu entre la communauté internationale (les 5 pays plus un) et l'Iran et que le processus est encore long, ils affirment que c'est un accord conclu entre Wilayet al Fakih et le Grand Satan. La question n'est pourtant pas là.
Après l'an 2000, c'est-à-dire pendant l'administration des néoconservateurs et de George Bush, les Américains ont mené de grandes guerres dans la région, certaines directement comme en Afghanistan et en Irak et d'autres indirectement comme au Liban et à Gaza. Ils en mènent encore d'autres jusqu'à maintenant comme c'est le cas actuellement en Syrie. Toutes ces guerres ont échoué. Les Etats-Unis ont échoué à placer l'Irak sous leur hégémonie. En Afghanistan, la situation est aujourd'hui dans une impasse. Les guerres du Liban et de Gaza n'ont pas pu donner naissance au «Nouveau Moyen Orient», comme l'avait voulu Mme Condoleezza Rice. Jusqu'à présent, ils n'ont pas réussi à faire chuter le régime syrien et à imposer leur hégémonie sur ce pays. En même temps, les sanctions n'ont pas réussi à briser la détermination de l'Iran et des Iraniens. Je ne prétends pas qu'elles ne leur ont pas nui. Elles ont été néfastes pour l'économie, mais elles n'ont pas réussi à mettre en cause leur unité, leur attachement à leurs droits et leur conscience nationale. Ils n'ont donc pas réussi à faire chuter le régime en Iran, ni même à l'affaiblir ou à la faire plier. En même temps, on sait quelle est la situation économique aux Etats-Unis et en Europe, notamment en France, en Grande Bretagne, en Italie et en Espagne. C'est l'Allemagne qui soutient aujourd'hui l'Union européenne. Si elle décide de s'en retirer, des pays européens pourraient s'effondrer. Il y a donc une nouvelle réalité dans le monde. Aux Etats-Unis, l'administration Obama a promis d'en finir avec les guerres. Obama est franc, il le dit clairement. John Kerry et l'opinion publique américaine disent aussi que les Etats-Unis ne veulent pas de guerres, pas parce que leur nature a changé, mais leurs circonstances sont différentes. Il y a quelques jours, le chef d'état major des armées américaines a déclaré que la force militaire des Etats-Unis est à son plus bas niveau depuis des décennies. Ce qui est normal puisqu'elles ont mené des guerres perdantes, qui leur ont causé de lourdes pertes. Ces guerres ont eu un impact important sur la situation économique et financière laquelle a eu, à son tour, un impact sur les moyens de l'armée. Les Américains sont dans une situation qui reflète leurs nouvelles circonstances. En face, il y a l'Iran, qui n'est pas tombée à cause des sanctions économiques. Elle n'a même pas été ébranlée ou affaiblie. L'Iran est prête depuis un bon moment à un accord sur son dossier nucléaire. Ce n'est pas la première suspension de l'enrichissement de l'uranium à 20% qu'elle effectue. Au cours des deux dernières années de son mandat présidentiel, sayed Khatami avait arrêté tout enrichissement de l'uranium et pas seulement à 20%. Mais l'administration des néoconservateurs et de George Bush n'était pas prête à un accord. Aujourd'hui, les Américains sont arrivés à un stade dans lequel ils disent clairement qu'ils ne veulent pas de guerre. Je vous conseille de lire attentivement la conférence de presse de John Kerry au cours de laquelle il a expliqué tout cela. Kerry ne s'adressait pas aux peuples de la région, ni aux Arabes. Il s'adressait à l'opinion publique américaine. Kerry a donc dit que les Etats-Unis sont fatigués des guerres et ne veulent pas en ouvrir de nouvelles. Ils cherchent donc une entente. Le dossier nucléaire a donc ouvert la voie à une telle entente avec l'Iran et qui a permis de conclure un accord préliminaire. Mais cette nouvelle attitude est due à l'échec des Américains et des Européens dans la région. Celui qui prétend le contraire doit nous dire où est-ce que les Américains ont gagné jusqu'à présent dans la région ?

Q- Les Etats-Unis ont dit n'avoir évoqué que le dossier nucléaire et qu'ils ont refusé d'aborder d'autres sujets. Est-ce vrai ?

R- D'après mes informations, les Américains souhaitaient évoquer d'autres dossiers. Ils le voulaient d'ailleurs depuis longtemps, dans le cadre des discussions indirectes avec l'Iran, par le biais des Suisses, des Omaniens et même des Irakiens. Quand ils cherchent, ils peuvent trouver de nombreux amis communs. Mais le conflit a toujours porté sur la méthode à suivre. Les Iraniens voulaient discuter du sujet qui les concerne, alors que les Américains voulaient mettre tous les dossiers sur la table en même temps. Cette approche n'était pas dans l'intérêt des Iraniens, indépendamment de leur position de principe. Ils avaient intérêt à ce que le dossier qui les concerne soit examiné. Ils ne demandent d'ailleurs rien aux Américains, mais veulent simplement que leurs droits naturels soient respectés. Ce dossier est réglé. Les autres pourraient suivre, il faut voir dans quel cadre. Selon mes informations, ce sont les Iraniens qui ont insisté à ce que le dossier nucléaire soit le seul à être examiné pour l'instant, exigeant le report des autres.

Q- Malgré cela, certains responsables iraniens ont prévu la conclusion d'un accord global en une année. On a même entendu la nouvelle de la création d'une chambre commerciale commune américano-iranienne. Croyez-vous que les deux parties iranienne et américaine pourraient normaliser rapidement leurs relations et quelles conséquences cela pourrait-il avoir sur la région ?

R- Revenons un peu en arrière. Du temps de l'imam Khomeiny et par la suite à l'ère de l'imam Khamanéi, le discours du commandement iranien n'a pas changé. Il a toujours distingué entre la position à l'égard des Etats-Unis et celle à l'égard des Israéliens. Pour les Iraniens, «Israël» est une entité illégale qui a violé les droits de la Palestine et ceux du peuple palestinien. Par conséquent, la position iranienne à l'égard d'«Israël» est tranchante et n'a jamais changé depuis l'instauration de la République islamique à nos jours. Par contre, la position à l'égard des Américains est différente. Les responsables iraniens disent : le jour où les Américains respecteront nos droits, établiront avec nous un dialogue d'égal à égal, tout en respectant les peuples de la région et en renonçant à leur hégémonie, à leur arrogance et à leurs guerres, nous sommes prêts à parler avec eux, directement ou indirectement. Ceux qui suivent ces dossiers savent qu'il y a eu des situations similaires, notamment au sujet de l'Afghanistan qu'on appelait alors les pays 5, plus deux, plus un : les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité, plus l'Inde et le Pakistan et plus l'Iran. Les Américains étaient présents à la table des discussions et il y a eu un dialogue direct au sujet de l'Afghanistan. De même, les négociations des pays 5 plus un au sujet du nucléaire iranien durent depuis longtemps et les Etats-Unis y participent directement.
Il n'y a donc pas d'élément nouveau en réalité et dans les mécanismes. Il y a certes un changement chez les Américains. A mon avis, les Iraniens ont conservé la même position et le changement est venu des Américains. Lorsque les Américains sont prêts à reconnaître les droits nucléaires de l'Iran et réclament des garanties et lorsque les Iraniens sont prêts à fournir ces garanties, non seulement aux Américains mais aussi au monde entier au sujet des armes nucléaires, on pourra dire que nous sommes en train d'avancer. Nous en approchons. Irons-nous jusqu'à la normalisation ? A mon avis, il est prématuré d'en parler, car il s'agit d'un des dossiers en suspens entre la République islamique d'Iran et les Etats-Unis d'Amérique, qui concernent la région. C'est pourquoi je ne crois pas que la situation ira rapidement vers la normalisation des relations, au moins dans l'avenir visible.

Q : Le ministre iranien des AE a pourtant effectué une tournée dans le Golfe. N'est-ce pas le début de la normalisation au moins avec les pays du Golfe ?


R : L'Iran a toujours été soucieuse de rassurer ses voisins et elle ne coupe jamais ses relations avec eux. Au contraire, elle a toujours effectué des visites et elle est toujours prête au dialogue et à l'entente et à fournir des garanties. Mais c'est dans l'autre camp qu'il y a un problème, depuis 1979, depuis la naissance de la République islamique. Tout cela parce que le shah était l'allié des Américains. Dès le premier instant, ils, et en particulier l'Arabie saoudite, se sont comportés comme la jeune République islamique et l'ayatollah Khomeiny étaient des ennemis. Ce n'est pas nouveau.
Lorsqu'ils ont incité Saddam Hussein contre l'Iran et ils ont payé des centaines de milliards de dollars, tout en poussant le monde entier à s'ouvrir devant Saddam Hussein pour qu'il attaque la République islamique d'Iran, ils avaient décidé que celle-ci était l'ennemie. Pourtant, à ce moment-là, la République islamique était encore faible et ses moyens limités, elle venait de sortir de la révolution. Ils ont ouvert une guerre contre elle sur toutes ses frontières avec l'Irak.
Les pays du Golfe étaient hélas toujours hostiles à la République islamique d'Iran. Malgré cela, la République islamique a toujours adopté la politique de voisinage, de fraternité et d'amitié avec eux. Elle s'est toujours déclarée prête à ouvrir un dialogue sur tous les dossiers en suspens. Ce que fait aujourd'hui le ministre iranien des AE c'est la continuité de cette attitude. La tactique peut parfois changer ou le langage, mais le fond est le même ?
Aujourd'hui, il veut les rassurer et leur dire qu'il ne se passe rien qui soit à leurs dépens. Il n'y a donc pas lieu d'avoir peur ou d'être inquiets. Naturellement, il cherche à rassurer l'Arabie saoudite, car les autres pays du Golfe ont salué dès les premiers instants, l'accord préliminaire conclu avec la communauté internationale. Seul le Saoudien a exprimé sa colère, ainsi que l'Israélien. Les Iraniens ne se soucient certes pas de rassurer les Israéliens, mais ils cherchent d'une manière ou d'une autre à rassurer les pays voisins.

Q :Pensez-vous que l'Arabie sera rassurée et que sa relation avec l'Iran pourra s'améliorer, alors qu'on la voit ouvrir de nouveaux fronts avec l'Iran ?

R : Je ne souhaite pas créer un climat pessimiste, mais je crois qu'il existe un problème réel à ce sujet. Je suis l'évolution des attitudes iranienne et américaine à ce sujet. L'Iran cherche depuis des années à ouvrir des portes avec le royaume wahhabite, en disant : allons vers un dialogue, nous ne voulons pas d'une guerre irano-saoudienne. Quelle est donc l'autre option ? C'est le dialogue. Allons donc vers le dialogue. Mais toutes les tentatives iraniennes ont échoué jusqu'à présent et la partie qui les met systématiquement en échec c'est l'Arabie.
Il y a eu une médiation pakistanaise que l'Iran avait acceptée, mais les Saoudiens l'ont refusée. Le lieu des rencontres des ministres des Affaires étrangères avait même été évoqué : le Pakistan, le Koweït ou ailleurs, mais les Saoudiens ont refusé. Malgré cela, le ministre iranien des AE a tenté des nouer un dialogue avec son homologue saoudien en marge de certains congrès. Dr Salihi s'est ainsi installé pendant deux heures aux côtés de l'émir Séoud al Fayçal. Le Dr Salihi a parlé tout le temps et l'émir écoutait, attentivement ou non, je l'ignore. Il n'était pas prêt à discuter. Pourtant Salihi est très affable. Cela s'est passé avant l'élection présidentielle iranienne. Je me souviens aussi qu'avant la mort du prince héritier l'émir Nayef, le ministre de la sécurité iranien s'est rendu en Arabie et l'a rencontré dans une tentative de trouver des ententes et de définir les points de conflit. Mais le climat général était négatif à cent pour cent et il n'a pas été possible d'ouvrir la moindre brèche.

Q :Comment expliquez-vous ce climat négatif ? Quels sont les paris des Saoudiens ?

R- Le problème de l'Arabie est qu'elle a traité depuis le début l'Iran comme un ennemi. La guerre de 8 ans de Saddam Hussein contre l'Iran était poussée et financée par l'Arabie. Certes Saddam était aussi prêt à la mener. Il avait ses objectifs et ses ambitions. Mais finalement la guerre a échoué et qui en a payé le prix ? Les deux peuples iranien et irakien, ainsi que le peuple palestinien, qui a été chassé du Koweït et d'Irak. La cause palestinienne en a aussi payé le prix et finalement, les Saoudiens sont venus pour tenter de faire des montages en leur faveur. Mais au final, l'invasion de Saddam du Koweït et la guerre du Golfe ont poussé les pays du Golfe à réclamer l'aide des Américains et de l'Otan et ces armées ont occupé la région.
L'Arabie n'en est pas restée là. Au contraire, elle a mis tous ses moyens médiatiques et ils sont immenses pour faire campagne contre l'Iran. La guerre contre la République islamique ne s'est donc pas arrêtée depuis 1979. Au Liban, nous l'avons ressentie plus fort ces dernières années, mais elle n'a jamais cessé, en Irak et ailleurs. C'est ainsi que les Saoudiens traitent les questions de fond.
En considérant les Iraniens comme des ennemis, les Saoudiens ouvrent des fronts avec eux. Il y a un front à l'intérieur de l'Iran, un autre au Pakistan et dans les pays du Golfe. Certes, ces confrontations sont menées par parties interposées. J'espère que votre chaîne peut supporter ce que je dis. Mais les Saoudiens n'ont pas le courage de mener une confrontation directe avec qui que ce soit. Il se contente de financer et il a des fonds immenses. Il se bat indirectement en Irak, en Syrie au Pakistan et même à l'intérieur de l'Iran... Il veut continuer ainsi. Mais la première question qui exige une réponse est la suivante : comment les saoudiens considèrent-ils l'Iran ? Comme un pays ami, voisin etc ?
A mon avis, il s'agit d'un problème de fond. Le ministre des affaires étrangères iranien, le Dr Zarif s'est rendu à Oman, au Koweït et au Qatar et dans ces trois pays, il s'est déclaré prêt à se rendre en Arabie pour y ouvrir un dialogue et aboutir à une entente. Il va se rendre bientôt aux Emirats et il a déclaré aussi être prêt à se rendre en Arabie après une concertation sur les dates. Mais il n'y a pas eu la moindre réponse de la part des Saoudiens. Je ne sais pas quelle sera leur réaction, mais je pense qu'il y a un problème de fond.

Q : Ce problème de fond est-il confessionnel, comme l'a laissé déclaré l'émir Walid ben Talal en affirmant que l'Arabie et les sunnites sont favorables à une attaque israélienne contre l'Iran car ils sont contre les chiites ?

R : Avant de commenter directement ces propos, je voudrais dire que j'ai lu beaucoup d'analyses sur ce sujet, certaines provenant de personnalités et d'élites critiques à l'égard de l'Iran et elles se sont toutes opposées aux propos de l'émir. La première objection venait du fait que l'émir Walid ben Talal n'a pas qualité pour s'exprimer au nom des sunnites. En d'autres termes, les musulmans de Malaisie, d'Inde, du Pakistan, de Palestine et d'ailleurs partagent-ils l'opinion de l'émir ben Talal ? Je suis sur qu'il n'en est rien. L'émir peut s'exprimer au nom de son Etat, mais il ne peut pas parler au nom des sunnites. S'il a un mandat, qu'il dise d'où il vient pour que nous puissions évaluer la portée de cette déclaration.
Je pense que le problème entre l'Iran et l'Arabie n'est pas confessionnel. A un moment donné, l'Arabie avait un conflit avec Abdel Nasser, avec l'Egypte. Elle a un problème avec le Yémen, avec la Syrie et avec de nombreux Etats dans la région, qui ne sont pas des Républiques islamiques et qui ne sont pas gouvernés par Wali al Fakih. Au contraire, ce sont des pays classés confessionnellement comme étant sunnites. Quel est donc le problème avec les Frères musulmans, indépendamment du programme et des méthodes de cette confrérie ? Y a-t-il donc un problème confessionnel entre eux et les Saoudiens ? Non, ils sont tous sunnites. Le problème est donc politique. L'Arabie se considère comme le leader du monde arabe et du monde musulman. Elle ne veut ni ami ni partenaire. Elle veut que tous les Etats des mondes arabe et musulman soient à ses ordres. C'est aussi un problème de fond avec de nombreux Etats de la région et c'est un problème politique, non confessionnel.

Q : En contrepartie, y a-t-il eu une ouverture rapide chez certains Etats du Golfe ? Est-il vrai que vous avez reçu un émissaire qatarien au cours des derniers jours ?

R- C'est vrai. Le problème, c'est que je ne sais pas cacher. Quand on me pose la question directement, je suis obligé de répondre. Je dois dire qu'en général, les pays du Golfe, à part l'Arabie saoudite et Bahreïn qui a un problème avec notre position politique sur ce qui se passe là bas, ont des calculs différents dans leurs relations avec l'Iran. Au sujet du Qatar, au cours des derniers temps, il y a une révision générale au niveau de l'Etat, de la politique et de la stratégie dans la région.
Mais en ce qui nous concerne directement, les Qataris ont lancé une initiative positive dans le cadre des ex-otages d'Aazaz. Et sur cette base, les portes se sont rouvertes avec nous. Nous autres, nous n'avons ouvert de conflit avec personne. Nous avons des divergences au sujet du dossier syrien. Ces divergences continuent d'exister. Mais en dépit d'elles, nous avons toujours été soucieux de n'insulter personne, notamment les pays avec lesquels nous avons des points de vue divergents, comme l'Arabie, Qatar et la Turquie. Même avec l'Arabie, nous n'avons pas ouvert de confrontation. Je formule des critiques politiques, j'adopte des positions politiques, mais nous n'ouvrons pas d'autres dossiers. Dieu sait pourtant si nous pourrions ouvrir des sujets conflictuels... Dès le début, nous disions et nous en sommes convaincus que la Syrie devrait se diriger vers une solution politique. Dans notre optique, cela signifie que tous les pays qui interviennent en Syrie devraient faire partie de la solution. Nous pensons donc qu'en définitive, il faut se diriger vers une solution politique en Syrie. Cela signifie qu'il ne faut pas rompre tous les fils, ni fermer toutes les portes. C'est pourquoi, une ligne est restée ouverte entre nous et le Qatar. Même au cours des dernières années, il y a toujours eu une personne choisie par eux et une autre par nous qui sont restées en contact et ont des conversations même de politesse de temps à autre. Les liens ont donc été maintenus, même si nous avons des positions totalement différentes en politique. Nous pensons, en tout état de cause, que les gens doivent continuer à se parler et nous sommes contre les ruptures.
Dire que la situation en Syrie sera tranchée en un ou deux mois est une période révolue. L'option militaire en Syrie est stérile. Vouloir résoudre le conflit militairement est de la pure folie. Cela ressemble au fait de se cogner la tête contre le mur. C'est pourquoi j'invite tous les pays qui ont quelque chose à voir avec ce qui se passe en Syrie à contribuer à trouver une solution politique. Nous avons commencé à nous parler ainsi. Bon, maintenant il faut voir comment mettre le Liban à l'abri des conséquences du conflit syrien. Je peux dire que le dialogue a commencé entre nous et les Qatariens. Mais y a-t-il des accords ? Non. En définitive, les accords se concluent entre les Etats. Mais, en tant que force politique, le lien, qui avait été rompu entre nous et le Qatar a été rétabli dans des limites précises. Si cela sert le Liban, la Syrie et les relations libano-qatariennes et arabes c'est bon.

Q : Est-ce le même climat avec la Turquie qui tente des ouvertures à partir de l'Irak ?


R : En dépit de conflit flagrant entre nous et les Turcs au sujet de la Syrie, nos députés et notre département des relations extérieures ont continué à rencontrer régulièrement l'ambassadeur de Turquie au Liban. Il vient chez nous et nous nous rendons chez lui. Lorsque des responsables turcs sont venus au Liban nous avons eu des rencontres publiques avec eux. Le contact verbal n'a jamais été rompu avec les Turcs. Mais il n'y a rien de nouveau entre nous. L'élément nouveau est entre les Turcs d'une part, les Iraniens et les Irakiens de l'autre. Cet élément est du à une initiative claire de la part des Turcs, après les développements en Syrie, pour voir comment réchauffer les relations et arranger les choses, car, selon moi, les Turcs ont beaucoup perdu à cause de leur position en Syrie. Avant les événements en Syrie, leurs relations avec l'Iran étaient excellentes. Même chose avec l'Irak et avec l'Etat syrien et le président Bachar Assad. Ils avaient aussi d'excellentes relations avec le Liban. Ils étaient entrés dans la région politiquement et économiquement avec leurs produits industriels et agricoles. Où en sont-ils aujourd'hui ? Ils sont hors de Syrie, ils ont un grand problème avec l'Irak. Leurs relations avec l'Iran ont reçu un grand coup et il y a quelques semaines, elles étaient au bord de la rupture. Ils ont échoué en Syrie, puisque Erdogan disait qu'il comptait prier dans la mosquée des Omeyades à Damas au mois du Ramadan. Trois Ramadans sont passés depuis. Par la force, Erdogan ne pourra pas prier à la mosquée des Omeyades. De même, où se situe aujourd'hui la Turquie par rapport à l'Egypte ? La Turquie a donc essuyé des pertes économiques, politiques et morales et son attitude a des conséquences sur la situation interne dans ce pays. Autrement dit, elle a perdu sur le plan extérieur et sa situation interne n'est plus aussi sereine. Mais en ce qui nous concerne, rien n'a changé.

Q : Quelles seront les répercussions de l'accord entre l'Iran et l'Occident sur le conflit israélo-palestinien et sur votre position à ce sujet ? Pensez-vous que l'Iran assouplira sa position sur ce dossier ?

R : La position iranienne au sujet du conflit israélo-palestinien est idéologique. Je vais vous donner un indice clair : lorsque la délégation iranienne était à Genève pour les négociations et celles-ci semblaient piétiner- la délégation française a tenté de les saboter-, une réunion élargie se tenait à Téhéran regroupant toutes les forces de réserves (les passiges) venues de tous les coins de l'Iran. L'ayatollah Khaménéi a prononcé un discours devant plus de 50 000 personnes et il a évoqué la Palestine. Il a développé la même position qui est celle de la République islamique depuis 1979. Même les mots utilisés n'ont pas changé. Il y a deux jours, il a prononcé un autre discours dans lequel il a déclaré qu'«Israël» est une entité illégale et bâtarde, appelée à disparaître. Je crois qu'au sujet d'«Israël» et de la résistance, la position iranienne est idéologique et ne changera pas. Mais au début des discussions, comme je vous l'ai dit, l'Iran, n'a pas intérêt à mettre tous les dossiers sur la table, car il est possible de trouver des solutions, des règlements et des compromis sur certains sujets et lorsqu'on arrivera au dossier palestinien, la position de l'Iran ne peut pas être modifiée. Je crois donc que parler de ce sujet aujourd'hui est prématuré.

Q : Loin de l'idéologie, nous nous trouvons aujourd'hui devant une situation étrange dans le paysage palestinien : le camp du président Abbas qui est favorable au compromis semble plus proche du vôtre que celui de Hamas qui représente pourtant la résistance ? Cette situation ne peut-elle pas évoluer ?

R : Je ne peux pas parler ici de l'évolution dans un sens ou un autre, le dossier syrien a quelque peu mélangé les cartes. Mais qu'ont gagné les Palestiniens eux-mêmes dans les négociations jusqu'à aujourd'hui ? Quel est l'horizon des négociations ? Un des négociateurs qui était présent du temps de Arafat a présenté sa démission ? Les négociations ont-elles abouti à accorder un minimum de leurs droits aux Palestiniens ? Sur les plans notamment de Jérusalem, des réfugiés, des colonies israéliennes, des ressources hydrauliques et d'un Etat viable ? Il n'y a pas d'horizon à ces négociations...

Q : Ce processus américano-israélo-palestinien est donc condamné dans l'avenir proche, selon vous ?


R :Ecoutez les derniers propos de John Kerry prononcés à partir des territoires palestiniens occupés : il a dit aux Israéliens, si vous ne faites pas de concessions, vous devrez affronter une nouvelle intifada. Il a en quelque sorte menacé les Israéliens. Ce dossier est difficile. Il ne semble pas avoir d'issue.

Q : Ce dossier pourrait-il faire exploser les autres ?

R :Ce n'est pas une condition.

Q : Le conflit resterait limité à ce cadre ?

R : Pourquoi Israël devrait-il être présent dans tous les dossiers ? L'acceptation arabe d'un tel fait est une erreur. L'Iran en tout cas n'a pas cette position. La résistance aussi. Ce sont des dossiers qui concernent les Etats de la région. Qu'a donc à y voir Israël ? Pourquoi les intérêts israéliens se greffent-ils sur la politique américaine ? Certes, les américains tiennent compte des intérêts d'Israël et leur engagement à l'égard de sa sécurité est stratégique et décisif, mais au final, dans plusieurs dossiers, les intérêts des Etats-Unis sont plus importants que ceux d'Israël. Israël a intérêt à ce qu'une guerre contre l'Iran soit lancée, mais les Etats-Unis, non. C'est un exemple concluant. Les intérêts américains l'ont emporté. L'Occident est ainsi. Si nous pouvons régler nos différends et nos tensions, indépendamment du conflit israélo-arabe, cela renforcera notre position.

Q : Les Iraniens coordonnent-ils avec vous au sujet du dossier syrien ?

R : On parle d'un suivisme et d'une tutelle iranienne. Même après la dernière visite du président Nabih Berry en Iran, un député du Courant du Futur a déclaré que Berry nous a annoncés une nouvelle tutelle iranienne. Ils veulent commenter mais ils ignorent la nature de la relation avec l'Iran. Ce pays est un grand Etat régional. A mon avis, c'est même l'Etat régional le plus important actuellement et qui a le plus d'influence, en raison des développements dans la région. Cet Etat discute avec nous, sollicite notre avis, sur certains sujets et dans un cadre plus large. Parfois, notre opinion est adoptée en totalité. Je peux dire que si la relation du 14 Mars avec l'Arabie saoudite était comme celle que nous entretenons avec l'Iran, il n'y aurait pas de problème au Liban. Jamais l'Iran ne nous a dit de participer ou non à un gouvernement, d'accepter la formule des trois 8 ou celle dite « 9,9,6 », concluez une alliance avec ce camp etc. L'Iran n'intervient pas de cette manière. D'ailleurs, nous ne lui demandons pas conseil sur les dossiers internes. Tout ce que veut l'Iran au Liban, c'est que les gens s'entendent et que le Liban n'entre pas dans une guerre civile. Mais chez l'autre camp, la relation est celle d'un suiveur avec son supérieur. S'il y avait une wilayet al Fakih là bas, il n'y aurait sans doute pas de problème.

Q :Vos adversaires ont déclaré que l'accord sur le nucléaire iranien n'est pas isolé. Il sera suivi d'un accord sur les armes du Hezbollah. Quelle sera donc la prochaine étape ?

R :L'Iran a pris ce qu'elle veut du nucléaire. Elle voulait enrichir l'uranium sur son territoire, elle l'a obtenu à un taux de 5%. Ses installations nucléaires ont été maintenues. Lorsque les négociations ont commencé elle avait 190 dispositifs d'enrichissement, elle en possède aujourd'hui 19000. A ce stade, l'Iran a obtenu ce qu'elle voulait. Certes, il faut attendre l'accord final. Maintenant, lorsque certains disent les Etats-Unis et l'Occident ont réalisé un acquis historique et ils ont empêché l'Iran de détenir la bombe nucléaire, c'est surtout une plaisanterie historique. L'Iran ne veut pas fabriquer la bombe nucléaire. Elle a dit qu'il y avait une fatwa à ce sujet, une décision et un arrêt. Nos installations vous sont ouvertes, venez et inspectez les ! L'autre camp pense avoir obtenu à travers cet accord, de nouvelles garanties réelles sur le fait que l'Iran ne fabriquera pas la bombe nucléaire. Soit. Cela le rend heureux ? Tant mieux. Nous n'avons pas de problème avec cela. Ce qui compte pour nous, c'est que les droits du Liban, de l'Iran et des peuples arabes et de leurs gouvernements soient préservés.

Q : Cet accord n'aura donc pas de conséquences négatives sur la Syrie ?

R : Ni sur la Syrie, ni sur le Liban. Je l'ai dit dans mon discours au dixième jour de Achoura : si la situation se dirige vers la guerre, tout le monde doit être inquiet, mais les autres plus que nous. Mais si elle se dirige vers les règlements, la position de notre camp sera plus solide.

Q : Nous avons beaucoup de dossiers à évoquer : la Syrie, le Liban, le gouvernement, les élections à l'USJ, mais auparavant, je voudrais remercier les médias qui diffusent cette entrevue en direct (Al Manar, Al Mayadeen, la radio Al Nour et les sites électroniques)...

Nous en arrivons à la Syrie. Quand et pourquoi avez-vous décidé de participer aux combats en Syrie, sachant que dans les médias, la campagne contre cette intervention a été crescendo...Vous avez commencé par dire qu'il s'agissait de défendre des Libanais résidents en Syrie, puis des Lieux saints et finalement vous avez dit : Nous sommes présents là où nous devons être.

R : Notre position en Syrie a évolué avec les développements. Ceux qui cherchent à dire qu'il s'agit d'un scénario préétabli se trompent. Si vous vous rappelez, au début des événements en Syrie, nous sommes restés trois semaines sans prendre position, ni publier un communiqué. Notre position était d'abord d'attendre que la situation se précise, car nous avons des amitiés et des relations régionales, avec des forces et des parties dans tout le monde arabe et musulman. Avant de prendre position au sujet de la Syrie, nous devions savoir ce qui se passe réellement sur le terrain, comment les événements ont commencé ? etc Nous connaissons le régime, mais nous ne savions pas qui il a en face de lui. Y a-t-il une possibilité de contact et de dialogue avec le camp adverse, y a-t-il une possibilité d'aider à trouver une solution politique ?
Nous avons donc attendu des semaines, peut-être un mois, avant de publier un communiqué. Nous cherchions pendant ce temps, à utiliser nos amitiés pour tenter d'aider et d'éviter que la situation en Syrie prenne un cours dangereux. Malgré cela, toutes les parties de l'opposition de l'époque, y compris certains responsables des Frères musulmans syriens, ainsi que des courants extrémistes, les laïcs et les religieux de l'opposition, ont multiplié les menaces à notre égard, au Liban, au Hezbollah et à la résistance au Liban. Ces déclarations existent. Il n'est pas nécessaire de perdre notre temps à y revenir. Sans parler des chaînes de télévision, des médias qui nous attaquaient, alors que nous n'avions même pas encore pris position. Tout ce que nous avons fait à l'époque, c'est appeler à une solution politique en Syrie, et à éviter les options militaires.

Q :Avez-vous des contacts avec l'opposition syrienne ?

R : Directs non. Mais nous avons des contacts avec des Etats et des mouvements qui peuvent leur faire parvenir des messages. Dès le début, nous avons perçu - et je le dis suite à des entretiens avec le président syrien Bachar Assad- que ce dernier était prêt au dialogue et à procéder à des réformes. (J'ai développé ce sujet en long et en large dans le passé). Nous avons eu des réponses, au moins à travers des amis palestiniens, irakiens et iraniens des réponses de la part d'Etats et de responsables proches de l'opposition syrienne (je ne veux pas donner de noms)qui se résumaient ainsi : dans deux ou trois mois, le régime sautera en Syrie. Ce n'est donc pas la peine de lancer un dialogue avec lui, ni de chercher une solution. Les réponses qui nous sont parvenues montraient clairement qu'ils avaient opté pour la voie militaire, depuis le début de la crise et dès les premières semaines du conflit.
La réalité est donc la suivante : certains Etats puissants dans le monde , en tête les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France (malheureusement, la politique de certains Etats européens n'est plus dictée par la volonté des peuples mais par les besoins d'argent et donc par les fonds donnés par les pays du Golfe) et certains Etats du Golfe (ici, je peux citer le Qatar et l'Arabie saoudite), ainsi que la Turquie, avaient décidé de recourir à l'option militaire en Syrie, pour faire chuter le régime. Ils n'étaient pas prêts à négocier, ni à nouer le moindre dialogue. Ils ne voulaient aucune médiation et des mots très insultants ont été utilisés. Donc, le camp adverse n'a jamais été prêt au dialogue et à la solution politique. L'est-il maintenant ?
Certaines forces, au sein de l'opposition syrienne, commencent à dire : nous sommes prêts au dialogue. Mais les forces qui tiennent le terrain et les Etats qui les appuient sont-ils prêts à une solution politique ? C'est un long débat.
En tout état de cause, la situation a évolué en Syrie. Les événements y ont commencé en 2011. Cela fait donc pratiquement plus de quatre ans. Nous autres, quand sommes-nous intervenus ? Notre intervention a été progressive. Elle a commencé d'abord dans les localités habitées par des Libanais, de l'autre côté de la frontière, dans le rif de Qousseir. Tant que l'armée syrienne était présente dans cette région, nous ne sommes pas intervenus et nous n'y avons envoyé aucun combattant ni une seule arme.
Lorsque les développements militaires en Syrie ont contraint l'armée syrienne à se retirer de la plupart de ces zones habitées par des Libanais ( qui appartiennent je le rappelle à plusieurs confessions), les habitants ont eu recours à nous, surtout après avoir subi les exactions de certains éléments armés, qui les ont agressé, ont enlevé certains d'entre eux et ont tué d'autres. Je n'en dirais pas plus.
Ces 30000 Libanais résidents en Syrie se sont trouvés devant un choix : soit ils quittent leurs localités et leurs maisons et se réfugient au Liban, rejoignant ainsi les autres réfugiés syriens, ou bien ils décident de se battre et de protéger leurs maisons et leurs villages. Ils ont fait le second choix. Il faut ici signaler que l'Etat libanais ne se soucie pas de ses ressortissants. Vous allez sans doute me dire que nous faisons partie de ce gouvernement. C'est vrai, mais l'Etat libanais ne se soucie pas de ses citoyens. Tout autre Etat dont un ressortissant est enlevé pourrait mobiliser ses ambassades, les instances internationales etc. Au Liban, non seulement l'Etat n'a offert aucune aide ni aucun soutien à ces Libanais, mais il a aussi laissé les frontières ouvertes avec le rif de Qousseir. Ce qui fait que la majorité des armes parvenues aux éléments armés du rif de Qousseir, qui ont détruit les maisons des Libanais et agressé ces derniers, venaient du Liban, de la Békaa et du Nord.

Q : Comment arrivaient-elles au Nord et à la Békaa ?


R :Des ports, à travers les frontières et même de l'intérieur libanais. On le sait. Souvenez-vous de l'affaire du bateau Loutfallah 2...Ces Libanais ont donc décidé de se défendre. Nous leur avons dit : dites-nous ce que vous voulez, nous sommes à votre disposition. Nous les avons entraînés, nous leur avons donné des armes et nous avons envoyé sur place quelques uns de nos cadres pour les former. Au début, donc, ce sont les habitants de la région qui se battaient dans le rif de Qousseir.
En avril 2013, la situation s'est détériorée dans cette région et les Libanais habitants la région n'étaient plus en mesure de défendre leurs villages et leurs maisons. La ville de Qousseir et les localités avoisinantes étaient devenues un bastion important pour les éléments armés, dont des milliers étaient venus du monde entier, de Tchétchénie, d'Arabie, d'Afghanistan, du Golfe...Tous se sont retrouvés dans cette zone. Un plan de contrôler l'ensemble de cette région a commencé à se forger.
Je voudrais ici assurer - et je me base sur des informations précises- si le Hezbollah n'était pas directement intervenu dans la bataille à Qousseir, les éléments armés venus de tous les coins du monde auraient occupé toute la région et tous les villages habités par des Libanais jusqu'à la frontière libanaise, jusqu'au passage de Kaa, de Bawabat al Sayed et du Hermel. Il ne suffisait plus alors de compter sur les Libanais habitants cette région. C'est pour cette raison que le Hezbollah est entré ouvertement dans cette région et a mené la bataille de Qousseir. Lorsque nous nous sommes battus à Qousseir, nous n'avions pas encore participé à des batailles ailleurs. Le reste est venu progressivement. Lorsque la plupart des localités de la Ghouta orientale est tombée entre les mains des éléments armés, ainsi que la plus grande partie de la Ghouta ouest, il ne restait plus que le secteur de Sayda Zeinab. Si celui-ci tombait, les combats auraient atteint Damas. Toutefois, ce qui nous concernait, c'était les lieux saints de Sitt Zeinab. Notre participation était donc réduite et symbolique. D'autant que ces éléments armés ont un esprit particulier. Ils ne respectent pas les symboles religieux, chrétiens et musulmans, ni les Lieux saints. Au contraire, ils veulent les détruire et effacer tout ce qui a trait à l'histoire.
La destruction du mausolée de Sit Zeinab par les éléments armés aurait provoqué une discorde confessionnelle dans la région. Nous nous sommes donc rendus sur place et nous avons aidé l'armée syrienne et les habitants, sans nous charger nous-mêmes de la protection de ce lieu saint. 40 ou 50 de nos frères se sont rendus sur place. Voilà donc comment a commencé l'histoire de notre intervention en Syrie. Sur tous les autres fronts, nous n'avions pas de forces combattantes. Même lorsque nous menions la bataille de Qousseir, nous n'avions pas de forces sur d'autres fronts. Mais avec le temps, nous avons du augmenter progressivement nos forces sur le terrain. Je vous le dis franchement, lorsque la situation s'est détériorée dans les deux Ghoutas, nous avons augmenté nos forces sur place et à Qousseir et nous avons ainsi pu remporter la bataille.
Nous sommes des gens transparents et clairs. C'est la différence entre nous et les autres. Nous avons eu beaucoup de martyrs à Qousseir. Mais la différence entre nous et les autres, c'est que lorsqu'un de nos martyrs tombe, nous le déclarons, nous tenons à rapporter sa dépouille à ses parents et nous lui organisons des obsèques dignes et publiques. Les autres le font en cachette, de nombreux Libanais sont ainsi morts dans les rangs de l'opposition mais nul ne revendique leurs dépouilles et nul n'en parle. Certains responsables politiques libanais nous avaient d'ailleurs dit : vous pouvez participer au combat en Syrie sans le déclarer publiquement. Mais nous, au Hezbollah, nous ne pouvons pas agir ainsi. Je ne peux pas envoyer des combattants en Syrie et avoir honte des martyrs. Non, je n'ai pas honte, ni des martyrs, ni de la décision, ni de notre position dont je suis convaincu à cent pour cent. Je suis fier de nos martyrs tombés en Syrie. Nous ne nous cachons pas derrière nos petits doigts et cette bataille concerne le Liban et l'ensemble de la région.
L'évolution de notre participation en Syrie a donc été logique et naturelle.

Q :Justement, certains disent qu'en se retirant de la région de Qousseir, l'armée syrienne a voulu vous entraîner dans la bataille et votre décision aurait été prise à la suite d'un entretien que vous auriez eu avec l'ayatollah Khaménéi. De plus, l'armée syrienne adopterait sciemment cette tactique pour solliciter de l'aide, comme elle l'aurait fait à Maaloula pour obtenir la sympathie de l'Occident...


R :Notre participation à la bataille de Qousseir a suivi d'un ou deux mois la publication sur un site internet d'une photo regroupant l'ayatollah Khaménéi et moi-même. Mais il n'y a eu aucun communiqué officiel du Hezbollah disant que je m'étais rendu en Iran et que j'avais rencontré le Guide. Tout a été bâti sur cette photo.

Q : On a dit que cette photo est récente

R :Cette photo a été prise deux ans avant la bataille de Qousseir.

Q : Deux ans ?

R : Oui, c'est la première fois que je le dis. Nous n'avons pas publié de communiqué rectificatif après la publication de la photo, car si nous devions le faire à chaque fois que des informations circulent à notre sujet, il aurait fallu nous surnommer : le parti des rectificatifs ! Cette photo précède donc de deux ans la bataille de Qousseir. Nous ne sommes pas entrés en Syrie sur la base d'une décision iranienne. C'était notre décision et nous en avons informé nos frères en Iran, cars notre comportement et nos décisions peuvent avoir des répercussions sur eux, surtout qu'il s'agit d'une bataille. Mais tout ce qui se dit sur le fait que l'Iran a pris la décision et nous l'avons exécutée est faux.

Q : et la thèse du retrait prémédité de l'armée syrienne pour vous entraîner dans la bataille ?

R : Cela aussi est faux. Nous parlerons un peu de la situation sur le terrain en Syrie car cela pourrait aider à comprendre la réponse. L'armée syrienne, comme toutes les armées du monde a entre 200000 et 400000 soldats. Une partie d'entre eux a des fonctions logistiques et une autre est formée des réservistes. Lorsque le conflit a commencé, une partie des réservistes a cessé de venir, les régions ont été séparées les unes des autres et il devenait impossible de circuler ou bien certains ne voulaient tout simplement plus venir. L'armée en principe doit être homogène et forte, mais lorsqu'une bataille est ouverte dans l'ensemble du territoire et dans toutes les mohafazats, comment déploie-t-elle ses troupes ? Aux Etats-Unis par exemple, l'armée ne peut pas se déployer et mener des batailles sur tous les fronts en même temps. Au Liban, lorsque l'armée est sollicitée pour de nouvelles missions, elle retire des effectifs d'un lieu pour les envoyer sur un autre. L'armée syrienne, qui a dû faire face à des combats sur l'ensemble du territoire a défini ses priorités. Elle a retiré des troupes de certains lieux pour les concentrer dans d'autres. Il y a donc des lieux où l'armée syrienne n'est pas déployée et d'autres d'où elle s'est retirée. Lorsque, par exemple, les frontières turques se sont ouvertes, ainsi que d'une façon ou d'une autre les frontières avec l'Irak, avec la Jordanie et avec le Liban, alors que des dizaines de milliers de combattants sont arrivés (en plus des combattants syriens) de tous les coins de la planète, par plusieurs frontières, l'armée syrienne a compris que les provinces frontalières étaient en danger. Elle a alors fixé ses priorités. Les provinces où elle n'était pas présente sont tombées entre les mains des éléments armées. Elle s'est retirée d'autres car sa priorité était devenue de protéger les grandes villes et les chefs lieux des provinces. Il y a donc des données objectives sur le terrain qui ont poussé l'armée syrienne à agir ainsi.
Pour évoquer Maaloula, l'armée y est présente. Mais combien y a-t-il de soldats sur place ? 50, 100, 150 au maximum, car l'armée se bat à Qalamoun, dans les deux Ghoutas, à Homs, à Deraa.On ne parle là que de Damas et de ses environs. Dans ce cas s'il y a une attaque de 1000 ou 2000 hommes contre Maaloula, il faut y amener du renfort pour pouvoir tenir, car les 150 hommes qui s'y trouvent ne peuvent pas repousser une telle attaque. C'est dire que l'accusation d'un retrait prémédité pour obtenir la sympathie de l'Occident n'est pas valable.
Nous en revenons au début. Nous disons que les Syriens ne nous ont pas entraînés dans la bataille. Ce qui pose la question suivante : pourquoi avons-nous choisi d'y participer ? J'ai déjà évoqué ce point, mais je vais y revenir et donner un exemple qui rendra l'image plus claire.
Prenons l'Irak comme exemple. Avant le déclenchement du conflit syrien, la situation s'y était plutôt calmée. De 2003 à 2010 et jusqu'à 2011, la situation sécuritaire s'était améliorée, un processus politique a été entamé, avec une participation au pouvoir et le calme était quasiment rétabli.
Lorsque le conflit a commencé en Syrie, en 2011, regardez comment la situation sécuritaire s'est aussi détériorée progressivement en Irak. Les victimes des voitures piégées à Bagdad seulement en novembre ont atteint 950. Mais si nous La courbe va crescendo. Comment expliquer cette recrudescence des attaques et ce nombre grandissant de victimes ? C'est que la plupart des zones frontalières avec la Syrie, de Deir Zor, à Rakka en passant par Hassaké sont tombées entre les mains des éléments armés et sont devenues des camps d'entraînements et des bastions militaires où les voitures sont piégées avant d'être envoyées pour exploser en Irak et mettre en difficulté le gouvernement de Maliki. Aujourd'hui, cette situation est devenue inextricable. Je ne cherche pas à défendre le gouvernement de Maliki. Il faut prendre des mesures. Mais si le problème syrien et celui des frontières avec la Syrie ne sont pas réglés, il n'y aura pas de solution définitive et la ligne des agressions restera montante. J'en arrive au Liban. Hélas, certains au Liban, ont renoncé à leurs responsabilités. Mais si nous, nous avions renoncé aux nôtres, le rif de Qousseir serait aujourd'hui entre les mains des groupes armés ainsi que toute la zone de Qalamoun. Ainsi toute la zone frontalière avec le Liban, de la chaîne de l'Anti-Liban, jusqu'à la Békaa et à la Békaa ouest. Je le dis à ma propre responsabilité en prenant pour exemple la frontière avec l'Irak.
A ce moment-là, il y aura des dizaines de voitures piégées au Liban. Non pas seulement dans la banlieue sud et chez le Hezbollah, mais partout. Car comme je l'ai déjà dit, le cerveau de ces groupes ne tolère personne, ni chrétiens, ni chiites, ni sunnites. Il prend pour cible tout ce qui n'est pas comme lui.
Nous nous sommes donc rendus en Syrie dans une opération préventive, pour empêcher ces groupes armés de contrôler l'autre côté de notre frontière.
D'où sont venues la plupart des voitures piégées qui ont explosé au Liban ?De Yabroud et de Nabak. Lorsque les forces du régime sont entrées à Nabak, elles ont trouvé dans les dépôts trois voitures piégées qui allaient être envoyées au Liban. ET celles qui ont explosé ont été envoyées de Yabroud via Ersal et son jurd.
Nous protégeons en fait l'intérieur de la Syrie, mais aussi le Liban.
Deuxièmement et c'est le plus important : si la Syrie tombe entre les mains de ces éléments armés, quel sera l'avenir du Liban ? Je parle de l'avenir de tous les Libanais et non des minorités ? Regardez comment ils se comportent entre eux ? Comment Daech et Al Nosra traitent les chefs des brigades et des unités de l'Armée libre de Syrie ? Ils pendent celui-là et coupent la tête de l'autre etc. Il y a des régions syriennes qui sont depuis deux ans sous le contrôle des groupes d'opposition, quel modèle offrent-elles ? Ces groupes ont-ils réglé les problèmes des citoyens, instauré la démocratie et la liberté ? Ont-ils organisé des élections locales ? Non, bien sûr. C'est ce même modèle qui se serait généralisé à l'ensemble de la Syrie. Nous sommes donc intervenus en Syrie, lorsque la révolution a été volée et confisquée en 2013.

Q : Où se trouve aujourd'hui le Hezbollah en Syrie ?

R : Je voudrais encore poser une question. Quelle est la garantie dont bénéficient les gens du 14 Mars dans toute leur diversité ? Considèrent-ils que leur projet a réussi ? Que l'on demande à Saad Hariri et à Okab Sakr -d'habitude, je préfère ne pas citer de noms, mais ceux-là sont intervenus depuis le début en Syrie en finançant et armant l'opposition et en envoyant des combattants, la fameuse blague des couvertures et des boîtes de lait- que sont devenus les groupes qu'ils ont aidés, financés et armés ? Au nord d' Edleb, au nord d'Alep et ailleurs ? Quel sort leur ont réservé Daech et le front Al Nosra ? De quelles garanties dispose donc le 14 Mars ? Si la Syrie tombe aux mains des groupes armés, quelles garanties le 14 Mars donnera-t-il aux Libanais, chrétiens et musulmans ? Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'une alliance des minorités. Lorsque nous sommes allés en Syrie, nous l'avons fait pour défendre tout le Liban et non une communauté. C'est un peu comme la résistance. Lorsque nous l'avons commencée, peu de Libanais nous appuyaient. Même s'ils ne le disent pas aujourd'hui. Je suis catégorique : l'appui à notre intervention en Syrie est certainement plus élevé que celui dont bénéficiait la résistance en 1982 et jusqu'à 1990.
Nous protégeons notre pays et notre peuple. Un jour viendra où tous ceux qui nous critiquent aujourd'hui nous remercieront et salueront avec respect ces martyrs tombés face au terrorisme qui vise tout le monde.
La situation a changé. AU début, on parlait de révolution, de droits et de revendications. Aujourd'hui, c'est tout-à-fait différent.

Q :N'est-ce pas la même force du golfe qui se tient derrière Saad Hariri et derrière les groupes armés ? Dans ce cas, ils peuvent fournir des garanties ?

R :Je dis que même les pays du Golfe ne peuvent pas contrôler certains groupes armés présents en Syrie.

Q : L'armement et le financement échappent désormais à tout contrôle ?

R : Une partie de cette situation existe en Afghanistan, en Irak, au Pakistan. Une partie relève de la même autorité, mais d'autres ont des canaux différents et différents de celui de cheikh Saad.

Q : Où vous trouvez-vous aujourd'hui sur le terrain en Syrie ?

R :Si l'on prend une carte, je vous dirais qu'il y a une grande exagération au Liban au sujet de l'intervention du Hezbollah en Syrie. Nous ne sommes pas présents dans de nombreuses provinces syriennes. Ceux qui se battent en Syrie sont les Syriens, l'armée syrienne et les forces de défense populaires, les comités régionaux, ainsi que les forces de défense nationales. Je vais donner des exemples pour expliquer cette idée : Deraa est une grande province et des combats se déroulent dans un large périmètre. Il n'y a pourtant aucun combattant du Hezbollah, ni à Soueyda, ni à Qoneïtra, ni à Deir Zor, ni à Rakka, ni à Hassaké. Nous n'avons pas non plus de combattants au nord d'Alep, à Edleb et au nord d'Edleb, à Lattaquié et à Tartous.
En ce qui nous concerne, la priorité était à Damas, à Homs et la région frontalière avec le Liban. Nous avons malgré tout une présence modeste ? Je m'étonne de ceux qui disent que la Syrie est occupée par le Hezbollah et par les gardiens de la Révolution iraniens. Les Iraniens en Syrie ne dépassent pas les dizaines, au maximum 50. Ils sont présents sur place en tant qu'experts militaires ou pour la logistique depuis 1982. S'il y avait réellement des gardiens de la Révolution iraniens en Syrie, si le Conseil de sécurité en avait été convaincu, il aurait surement utilisé cela comme prétexte à une intervention militaire dans ce pays.
Tout ceci a pour objectif de montrer que le régime syrien est affaibli, que l'armée est affaiblie et que la volonté qui entoure ce commandement est devenue faible. Par conséquent, ceux qui se battent en Syrie, ce sont les Iraniens et le Hezbollah. Ce qui est faux. Notre présence en Syrie est modeste et se concentre dans les régions qui sont liées à nos frontières. Il s'agit en particulier de Damas et de Qousseir. Jusqu'à présent, c'est l'armée syrienne et les forces de défense nationale qui accomplissent des opérations dans la région de Qalamoun. D'ailleurs, ce qui se passe dans le Qalamoun est différent de ce qui s'est passé à Qousseir. Dans cette région, il n'y avait pas d'armée syrienne dans la plupart des localités où nous nous sommes déployés et le gros du travail était fait par nous, avec l'aide de l'armée syrienne. Mais dans le Qalamoun, ceux qui se battent, ce sont l'armée syrienne et les forces de défense nationale. S'il y a une participation du Hezbollah, elle est très modeste. A certains moment, une expression qui signifie qu'un caillou peut soutenir un échafaudage, mais, sans vouloir minimiser notre rôle, je peux dire qu'elle ne s'applique pas dans ce cas précis. Notre présence est utile et elle constitue un facteur de soutien, mais pas primordiale. Nous ne nous battons pas à la place des Syriens et nous ne nous battons pas contre le peuple syrien. De plus, quand on parle de 100 000 ou de 50 000 combattants étrangers venus de tous els coins de la planète pour combattre en Syrie, dans un esprit takfiriste et intolérant, ceux-là sont-ils des Syriens ? Sont-ils acceptés par le peuple syrien ? Au contraire, il souffre de leur présence, notamment dans les régions passées sous le contrôle de l'opposition.

Q : Vous dites que le Hezbollah n'a pas honte de ses martyrs. Pouvez-vous nous dire quel est le nombre de vos pertes en Syrie, depuis le début des combats ?

R : J'ai vu dans les médias libanais, j'entends bien sûr ceux du 14 Mars, que le Hezbollah aurait eu 250 martyrs au cours de la dernière semaine. Cette information passe dans le défileur en bas de l'écran. J'ai vu quelque chose qui y ressemble sur les chaînes satellitaires arabes, mais rien d'aussi exagéré. Certains médias du 14 Mars ajoutent que le Hezbollah a perdu 600 combattants dans la Ghouta orientale et le nombre grimperait rapidement vers le millier. C'est sans doute leur souhait. Comme de dire qu'il y a cent otages du Hezbollah capturés. Qu'on nous en montre un seul ! En réalité, s'il y a un otage, il n'y a pas de problème. Après tout, c'est une guerre. Il peut arriver que des corps de nos combattants soient tombés entre les mains de l'adversaire. Ils ont mis sur internet le corps de l'un des nôtres avec la tête tranchée. Mais cela a été fait après sa mort. De même, ils ont coupé la tête d'un combattant blessés qui se faisait soigner dans un hôpital d'Alep. Mais ils ont compris par la suite que c'était un des leurs.
Lorsque nous prenons la décision de combattre, nous faisons nos estimations et nous sommes prêts à assumer toutes les conséquences de notre décision. J'en ai déjà parlé dans plus d'un discours. Nous savons donc que dans un combat, nous pouvons avoir des martyrs et certains de nos combattants peuvent être pris en otages. Mais il faut aussi s'en tenir aux faits. Jusqu'à présent, aucun des nôtres n'a été pris en otage. Malgré cela, certains médias disent que nous en sommes en train de négocier pour la libération de nos otages. Aucun des nôtres n'est pris en otage. Certes, certaines dépouilles de nos combattants sont retenues. A Qousseir, il y a encore deux ou trois dépouilles des nôtres qui n'ont pas été retrouvées. Elles ont été inhumées ou transportées ou encore cachées, nous l'ignorons. Nous ne laisserons pas derrière nous les corps de nos combattants et c'est normal.
Ce qui se dit donc dans les médias est faux. Par exemple, l'autre jour, une chaîne de télévision du 14 Mars a montré un immeuble en train de s'effondrer à Sitt Zeinab et elle a construit autour toute une histoire. C'est vrai que l'immeuble s'est effondré, mais il n'y avait personne à l'intérieur et il n'y a eu aucun blessé ni aucun mort. Malgré cela, la chaîne a continué à dire qu'il y a eu 25 morts parmi les combattants du Hezbollah. Qu'ils nous en montrent un ! Tout cela pour montrer que ce qui se dit dans les médias, surtout ceux du 14 Mars est faux et les chiffres qu'ils avancent sont aussi faux.
Je ne suis pas obligé de vous donner un chiffre précis. Mais je peux vous dire qu'il ne s'agit ni de 300 ni de 250 martyrs. Depuis le début des combats en Syrie, y compris la bataille de Qousseir, celle de Sitt Zeinab et celle de la Ghouta orientale, le chiffre n'a pas atteint 250. Je ne donnerai pas de chiffre car en fin de compte, nous informons la famille du martyr et nous lui organisons des obsèques publiques qui sont retransmises par les médias. Certains se sont amusés à faire le décompte. Chacun de nos martyrs a un nom de combat et un autre civil. Ils ont donc commencé par compter les deux noms comme appartenant à des personnes différentes, avant de compter trois fois la même personne pour gonfler les chiffres. Tenant compte de la nature des combats, de l'importance de l'intervention et des résultats enregistrés, je peux dire que le nombre de pertes est moindre que celui que celui de nos estimations.

Q : Où va-t-on après l'accord sur les armes chimiques et jusqu'à quand resterez-vous en Syrie ?

R :L'opinion publique mondiale a commencé à changer et commencer à constituer un facteur de pression. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles Obama a renoncé à frapper la Syrie. Il a trouvé une issue. En fait il aurait pu trouver l'issue et continuer à vouloir lancer une frappe contre la Syrie. Mais il a tenu compte de la crise économique et financière, des conséquences d'une telle frappe sur la région, ainsi que de l'opinion publique américaine et européenne, et même dans le monde arabe et musulman. L'image d'un conflit entre un régime oppresseur et des rebelles qui veulent la démocratie et la liberté n'existe plus. Au contraire, le camp adverse a rendu des services au régime par son comportement et par la façon dont il a diffusé les images de ses « réalisations » dans le monde. Ce n'est pas nous qui avons filmé et diffusé les images, mais eux. Désormais, certains Etats comme la France et la Grande Bretagne ont un problème à donner des armes à l'opposition à cause de leur opinion publique. Mais comme ils sont habiles, ils les donnent à des pays arabes, qui, à leur tour, les font parvenir à l'opposition, car ces pays arabes ne tiennent pas compte de leurs opinions publiques...Il y a donc une opinion publique mondiale importante. Deuxièmement, il y a un sentiment d'échec. Même certains Etats régionaux commencent à revoir leur position. La Turquie a désormais un problème à sa frontière avec les Kurdes qu'elle accuse d'avoir des penchants pour le PKK. Personnellement, je n'en sais rien, mais c'est eux qui le disent. Une autre partie de la frontière est entre les mains de Daech et du Front Al Nosra. La Turquie qui avait fait le pari d'avoir de bonnes relations avec tout son voisinage- Certains disent même qu'elle voulait réactiver le vieux rêve ottoman d'influence sur l'ensemble du monde arabe et musulman- se voit contrainte de construire un mur de 200 kms de long à sa frontière ? Ce qui veut dire qu'il y a un sentiment d'échec. Le rêve de la chute du régime syrien par l'option militaire est tombé. Nous avions dit à tous ceux que nous avions rencontrés, nos amis islamistes, arabes, nationalistes, les groupes et les gouvernements, les officiels, qu'ils se font des illusions et qu'ils se trompent, la Syrie n'est pas comme les autres pays et ils ne peuvent pas miser sur une chute du régime en deux ou trois mois. Mais ils ne voulaient rien entendre. Aujourd'hui, l'option militaire est tombée et le monde se dirige vers une solution politique. Le fait de fixer la date de la conférence de Genève 2 au 22 janvier montre que le monde cherche désormais une solution politique. Certains Etats dans le monde peuvent ne pas être pressés, mais la tendance générale est à la solution politique, à cause notamment de la prise de conscience du danger chez certains Etats régionaux en particulier. Il y a encore un problème essentiel avec l'Arabie saoudite. Mais je sais que certains Etats régionaux et européens ont ouvert des voies de contact avec le régime et lui ont envoyé des émissaires. J'ai des informations sur qui a parlé à qui, quel était le climat des discussions et sur la tendance générale à revoir les positions à l'égard de la Syrie. La plupart des pays européens ont commencé à établir une coopération sécuritaire en prélude à la reprise des relations diplomatiques. Mais l'Arabie saoudite continue à insister sur la poursuite de la bataille militaire, jusqu'à la dernière goutte de sang. Elle ne peut pas supporter une solution politique ou le moindre compromis sur la Syrie, jusqu'à cet instant. C'est pourquoi je prévois des affrontements très durs d'ici au 22 janvier. Je peux même dire qu'il y aura une poussée très violente, voire suicidaire, sur la plupart des fronts. Elle a commencé dans la Ghouta orientale et les pertes du camp adverse dans ce secteur sont énormes. Je ne parlerai pas de nos pertes et de celles du camp adverse, ainsi que des réalisations, car, dans cette bataille, le but ultime est d'aller vers la solution politique, et non comme ils le disent dans leurs défileurs...
Pour donner un exemple, des milliers de combattants ont été envoyés, avec des équipements et des moyens énormes dans une attaque très féroce. Il est normal que certains villages tombent dans les premières lignes, car les unités de l'armée syrienne présente sur ces lieux n'étaient pas en mesure de repousser une telle attaque. Il y a une décision saoudienne au niveau des armes, du financement et même de la chambre des opérations et de la gestion...

Q : L'Arabie saoudite directement ?

R : Oui, directement et non de loin en loin.

Q :A partir de la Jordanie ?


R :Certainement. D'ici jusqu'au 22 janvier, ils doivent changer les données sur le terrain. Il s'agit de montrer que le régime est faible et impuissant et dans ce cas, il n'est pas question de faire des concessions à un tel régime. Soit, alors, il s'agit de produire des changements dramatiques qui feront sauter la date du 22 janvier, ainsi que la Conférence de Genève 2, pour poursuivre la solution militaire au profit des forces de l'opposition. C'est pourquoi je m'attends à des développements importants pendant cette période, sur plus d'un front. Mais je prévois aussi l'échec de ces tentatives comme ce fut le cas jusqu'à présent dans la Ghouta orientale. Par conséquent, il vaudrait mieux commencer à travailler sur la conclusion d'un cessez le feu, tout comme les Iraniens et les Turcs ont tenu une réunion, il faudrait se diriger vers les négociations et chercher à régler les problèmes humanitaires. Comme je l'ai dit dans le passé, il faut mettre de côté les rancoeurs et la colère et songer réellement à l'intérêt de la Syrie, à l'intérêt du peuple syrien et à son avenir. Ce tourbillon militaire n'a aucun horizon pour eux et il vaut mieux arrêter le bain de sang et se diriger vers la solution politique. Si vous me demandez si la Conférence de Genève 2 aura lieu à la date prévue, je vous dirais que ce n'est pas clair pour l'instant, car certaines parties travaillent pour la mettre en échec et le problème réside dans la représentation de l'opposition dans cette conférence.

Q : Comptez-vous contribuer dans ce domaine, d'autant que vous avez rencontré récemment Haytham Mannah ? et quelle est votre vision de la solution politique après trois ans de combats et 100000 morts ?

R : Nous n'avons pas rompu les liens avec certaines parties de l'opposition. Parmi elles, Haytham Mannah et d'autres. Mais notre contribution est modeste. Car il y a des Etats convaincus de l'importance de la solution politique et qui travaillent dans ce sens jour et nuit. En tout cas, lorsqu'on nous demande de l'aide où que ce soit, dans le domaine politique, nous sommes prêts.
Au sujet du nombre de victimes, personne n'a un chiffre précis. On parle de 100000, de 120 000 et même de 170 000. Chacun avance le chiffre de son choix. L'opposition et certains leaders politiques au Liban font assumer au président Bachar Assad et au régime la responsabilité de tout le sang versé. L'opposition n'y a-t-elle aucune responsabilité ? Quand j'entends certaines chaînes satellitaires recenser les morts causés par le régime, je me demande si les morts tombés dans le camp du régime et de ses partisans au sein de la population syrienne ne comptent pas ! Comme si l'opposition ne tirait pas et ne lançait aucun obus.
Les informations que je possède montrent que les pertes en vies humaines du régime et de ses partisans sont plus nombreuses que dans les rangs de l'opposition. Qu'il s'agisse des civils et des militaires même si les données que je possède concernent surtout les militaires.
Certains disent qu'après tout ce qui s'est passé, il n'y a plus de place pour le président Bachar Assad dans le compromis à venir, car il était partie prenante dans la guerre. Mais les autres parties ne sont-elles pas elles aussi impliquées dans cette guerre ? Je parle bien sûr des Syriens. De toute façon, au Liban, quand il y a eu un compromis, n'est ce pas ceux qui ont fait la guerre qui y ont participé ?

Q : Ils sont aujourd'hui au pouvoir...

R : C'est partout la même chose. Au final, il y aura un compromis en Syrie, une solution politique, qu'elle soit avec le président Bachar Assad ou le régime. Mais si le régime comptait seulement sur la force militaire, il n'aurait pas pu tenir trois ans. Ils savent d'ailleurs que ce régime se base sur une large assise populaire. Par conséquent, il existe malheureusement une division verticale réelle en Syrie, qui ressemble à celle qui existe au Liban. La solution politique est donc inévitable, ainsi que la participation au pouvoir. Sous quelle forme ? C'est aux Syriens de le préciser. La situation reviendra-t-elle à ce qu'elle était en 2011 ? Personne ne dit cela, même le président syrien et le commandement actuel ne le disent pas. Ils se déclarent prêts à faire des réformes. Ils ont adopté des amendements constitutionnels et se disent prêts à discuter de tout. Mais en définitive, ceux qui doivent élaborer la solution qui correspond à leurs intérêts ce sont les Syriens eux-mêmes. Est-ce qui se passe actuellement ? Non. Cette opposition, la coalition nationale syrienne, le conseil national syrien que l'on appelle le conseil d'Istamboul, lui a-t-on demandé si elle est d'accord ? Les membres y sont entrés malgré eux et la coalition a été pratiquement imposée par les Américains, alors que le président de cette coalition a été imposé par les Saoudiens. Ces détails sont connus de tous, les Syriens et les Libanais. Il n'y a plus de secret à ce sujet. Ces gens-là iront-ils aux négociations ou non, qui représentent-ils, accepteront-ils... ce sont des questions difficiles. Mais en définitive, il y aura forcément une solution politique fabriquée par les Syriens eux-mêmes. S'il y a un parrainage international et régional, il est là pour aider les Syriens à aboutir à un accord, non pour imposer cet accord. Les formules de concessions parachutées de l'extérieur n'aboutissent pas à des résultats.

Q : Vos adversaires disent que c'est vous qui avez introduit les kamikazes et qui avait poussé à la détérioration de la situation à Tripoli par votre intervention en Syrie. Quelle est votre propre lecture des explosions qui se déplacent et de la situation à Tripoli ?


R :Depuis quelque temps, nos adversaires comme vous dites ont trouvé un porte-manteau sur lequel ils accrochent tout. Il s'agit de « l'intervention du Hezbollah en Syrie ». On dit que cette intervention a abouti au vide. Est-ce à dire qu'avant cette intervention, ils reconnaissaient le gouvernement et les institutions ? Reconnaissaient-ils la situation politique dans le pays ? Avant « l'intervention du Hezbollah en Syrie », tout était suspendu aux « armes du Hezbollah ». Depuis 2005, il en est ainsi. A ce moment, il a été question des « armes du Hezbollah » et maintenant, c'est « l'intervention du Hezbollah en Syrie ». Ni les armes, ni l'intervention ne sont les causes réelles de leur attitude.
Si l'on fait une révision de ce qui se passe aujourd'hui, nous sommes, tous Libanais, concernés par ce qui se passe à Tripoli. Il y a eu des événements qui ont lieu en 2008. On a dit qu'ils étaient liés à ce qui s'est passé cette année-là, en mai. A ce moment-là, il n'y avait pas encore de troubles en Syrie et pourtant, il y a eu des batailles à Tripoli. En 2012 et au début de 2013, c'est-à-dire avant l'intervention du Hezbollah en Syrie, il y a eu plusieurs rounds à Tripoli. Et s'il y a un lien de cause à effet entre les combats à Tripoli et l'intervention du Hezbollah en Syrie, l'effet ne peut pas précéder la cause. En réalité, les conflits à Tripoli existent, d'une façon latente ou ouverte bien avant la naissance du Hezbollah, avant 1982. C'est un sujet à part entière qui mérite une discussion sérieuse. C'est donc une grande simplification d'attribuer les troubles de Tripoli à l'intervention du Hezbollah en Syrie.
Lorsque nous passons aux autres dossiers, comme la formation du gouvernement, les élections législatives et la prochaine élection présidentielle, à chaque fois, ils reviennent à l'intervention du Hezbollah en Syrie. Il y a même des choses qui font à la fois rire et pleurer. Elles font pleurer parce qu'il y a des victimes, comme ce fut le cas du bateau au large de l'Indonésie. Même dans cette tragédie humaine, des députés du Nord ont accusé les armes du Hezbollah d'être la cause de la volonté d'émigrer de certains Libanais...Naturellement, ils n'ont pas dit que c'est le chômage ou l'absence d'un plan de développement du Nord qui pourraient pousser les Libanais à vouloir quitter leur pays. On pourrait à la limite prétendre que les armes du Hezbollah poussent les habitants du Sud et de la Békaa à l'émigration parce que s'ils n'appuient pas ces armes, ils seraient châtiés, mais au Nord ! Pourtant, pendant des années, ce sont eux qui ont gouverné et qui prenaient les décisions. Pourquoi n'ont-ils pas établi un plan de développement économique pour cette région ? Pourquoi ont-il appauvri les habitants du Nord ? C'est cela les bonnes questions. Mais ils préfèrent jeter toutes les responsabilités sur le Hezbollah.
Le 25 mai 2000, lorsque j'ai prononcé un discours à Bint Jbeil, qu'ai-je dit à l'Etat ? Je n'ai pas réclamé l'amendement de l'accord de Taëf, ni le changement de la Constitution, ni le pouvoir comme l'avait fait Charles de Gaulle à la fin de la seconde guerre mondiale en France. Je n'ai même pas réclamé une part dans l'exercice du pouvoir. Je n'ai pas du tout abordé cette question. Pourtant, le Hezbollah était vainqueur et il venait d'infliger la première défaite à Israël qui a retiré ses troupes sans la moindre contrepartie. J'ai donc réclamé deux choses uniquement : que l'Etat vienne prendre en charge ces régions dont les troupes israéliennes se sont retirées et y assurer la sécurité, ainsi que l'adoption d'un plan de développement pour les régions oubliées, comme le Sud, la Békaa, le Hermel et le Akkar. Malgré cela, on vient dire que le Hezbollah est responsable de la tragédie du bateau au large de l'Indonésie.
Aujourd'hui, s'il pleut et si les rues sont inondées, c'est la faute au Hezbollah. L'autre jour, un artiste est monté à bord d'un scooter et s'est tué, je me suis étonné que le 14 Mars n'en ait pas accusé le Hezbollah. Je ne crois donc pas que l'intervention du Hezbollah en Syrie est la cause de ce qui se passe au Liban. Non, la cause est dans l'existence d'un vaste plan pour la région. Si nous n'étions pas allés en Syrie, les conséquences de ce plan auraient sans doute été plus graves.
Un des frères m'a dit l'autre jour - et je partage son avis-, si le Hezbollah n'était pas intervenu en Syrie, au lieu de trois voitures piégées, il y en aurait eu trente. Si les groupes armés avaient pris le contrôle des zones frontalières avec le Liban, il y aurait eu une guerre civile dans notre pays et des centaines de voitures piégées auraient été introduites au Liban, causant des centaines, voire des milliers de morts. Ce que nous avons fait jusqu'à présent, c'est de limiter les pertes et de réduire les conséquences de la situation syrienne sur le Liban. C'est la réalité et si nous voulons être justes, il faut la reconnaître. Cela concerne bien sûr les explosions dans la banlieue sud.
L'explosion devant l'ambassade d'Iran est un autre sujet. A mon avis, elle n'est pas liée à l'intervention du Hezbollah en Syrie, mais à la volonté de s'en prendre directement à l'Iran, de la part de ceux qui lui sont ouvertement hostiles. Ceux qui l'ont classée dans le camp des ennemis à partir de 1979 et qui éduquent les gens dans les écoles, les universités, les instituts religieux, les mosquées et les médias en la présentant comme un ennemi. Le résultat de cette éducation, ce sont les déclarations que vous avez citées de l'émir Walid ben Talal.
Selon mon analyse, et j'en suis convaincu, certaines branches qui véhiculent la pensée d'Al Qaëda sont manipulées par les renseignements saoudiens.
Sur le plan des informations, et après la découverte de l'identité des deux kamikazes, nous croyons le communiqué publié par Kataëb Abdallah Azzam et dans lequel ce groupe revendique l'attentat contre l'ambassade d'Iran. Il ne s'agit pas d'un groupe virtuel, comme cela arrive dans certains cas. Ce groupe existe réellement. Il a un « émir » saoudien et un commandement et, à mon avis, il est lié aux renseignements saoudiens. Ce sont ces renseignements qui manipulent ces groupes dans plusieurs régions du monde, comme le Pakistan et l'Afghanistan et même l'Irak. Les renseignements saoudiens se tiennent derrière ces groupes et les financent, tout comme ils les incitent à agir et les gèrent. L'objectif est de faire chuter le gouvernement irakien à n'importe quel prix. Même si cela doit coûter à l'Irak 1000 martyrs en un mois. Même si cela doit provoquer une guerre confessionnelle en Irak et à diviser l'Irak. C'est une décision saoudienne.
Naturellement, l'Iran est un Etat libre et souverain et mes propos ne l'engagent pas.

Q : Etrange, vous ne laissez pas de place à l'hypothèse d'accuser "Israël" ?


R : Nul ne peut faire de la surenchère avec le Hezbollah au sujet de l'animosité envers Israël. Ces groupes sont liés et partagent une vision qui vient d'Arabie. Certains peuvent être indépendants, mais la plus grande partie est liée aux Saoudiens. De plus, qui a fondé Al Qaëda ? Les renseignements américains, pakistanais et saoudiens. Après cela, certains leur ont échappés et d'autres sont restés sous leur contrôle. Je suis convaincu que certains groupes, surtout ceux qui ont un commandement saoudien sont liés aux renseignements d'Arabie. A mon avis, l'attentat contre l'ambassade d'Iran est lié à ce conflit, à la colère saoudienne suite à son échec face à l'Iran. L'erreur de l'Arabie est de faire assumer à l'Iran l'échec de ses projets dans la région. Pourquoi faire assumer à l'Iran cette responsabilité, alors qu'en Irak, en Syrie et au Liban par exemple, ils affrontent les gens. Au Pakistan aussi. Leurs projets n'ont pas d'horizon. C'est ainsi que je comprends l'attentat contre l'ambassade d'Iran.

Q : En contrepartie, il y a eu deux explosions devant des mosquées à Tripoli et des accusations ont été lancées contre des parties proches de vous. Quelle est votre interprétation ?

R : Que ceux qui lancent des accusations les prouvent. D'abord, nous sommes les premiers à avoir condamné les explosions de Tripoli. Et nous ne l'avons pas fait par courtoisie. Le jour de ces explosions -mes compagnons le savent- j'étais encore plus triste que lors des explosions de Roueiss et de Bir el Abed. Je ne suis pas en train d'exagérer. Pourquoi étais-je si triste ? Parce que sans attendre le moindre indice, ni la moindre donnée, des voix se sont élevées à Tripoli pour accuser le Hezbollah d'être derrière ces attentats pour répondre à l'explosion de Roueiss. C'est d'ailleurs ce que cherchent ceux qui veulent détruire le Liban et y allumer une guerre civile. Certes, des leaders, des ulémas et des personnalités politiques ont aussi déclaré que le Hezbollah n'avait rien à voir avec ces explosions. Certains sont nos amis et d'autres peuvent être considérés comme des adversaires. Je les remercie tous pour leur position, car il montre de la sagesse, de la raison et de la rigueur sur la base qu'il faut attendre les données avant de lancer les accusations.
Je le répète : toute agression de ce genre est condamnée. Toute explosion qui vise les civils est condamnée qui que ce soient ces civils et qui que soient ceux qui ont posé les bombes.
Concernant ensuite les accusations portées contre nous, elles ont été lancées immédiatement, avant le début de l'enquête. Il a donc été dit que le régime syrien est l'auteur de ces attentats. C'est une accusation politique. Sinon comment ont-ils fait pour mener une enquête, examiner les films enregistrés par les caméras et arrêter des gens ? Après cela, ils ont arrêté cheikh Gharib. Il y a une véritable catastrophe au Liban qui veut que deux heures après l'arrestation d'une personne, les informations sur ses aveux commencent à filtrer dans les médias ? Qui est derrière ces fuites ? L'accusé ? Certainement pas. C'est le service de sécurité qui l'a arrêté qui se tient derrière les fuites. Il apparaît donc, dans les premières heures qui suivent les attentats que c'est cheikh Gharib qui a posé les bombes et la partie à laquelle il appartient devient l'accusée. C'est la raison pour laquelle ils ont aussitôt arrêté cheikh Hachem Minkara. Je dis franchement, si ce dernier n'avait pas des amis qui sont intervenus en sa faveur, l'accusation aurait été fabriquée à sa mesure, dans le but d'humilier tous nos alliés et en particulier ceux qui sont sunnites. Ils veulent les accuser, les menacer de la prison et nous pouvons aussi vous tuer comme ce fut le cas avec cheikh Saadeddine. Après cela, ils ont dit que cheikh Gharib n'était pas lié au double attentat. Ce n'est pas lui qui a mis les bombes. Mais il a des informations. En tout cas, il a entendu quelqu'un parler des explosions. En tout cas, il est toujours en prison. Que signifie le fait d'accuser quelqu'un d'avoir posé des bombes qui ont tué des femmes, des enfants et des civils devant les mosquées, puis de se rétracter ? Il ne s'agit pas d'une accusation facile. Qui est responsable de cela ? N'est ce pas le service de sécurité qui mène l'enquête ? Ou les parties sécuritaires et judiciaires qui sont derrière les fuites ?
Nous en arrivons aux habitants de Jabal Mohsen. J'ai entendu hier un responsable dire que l'ancien député Ali Eid es accusé d'avoir posé les bombes. Qui a formulé l'accusation ? Je n'ai pas entendu une autorité judiciaire le faire.
Ce que nous avons compris de la justice -et qui a d'ailleurs été dit dans les médias- qu'il y a une accusation contre le chauffeur de Ali Eid qui aurait emmené X vers la Syrie. A supposer que le chauffeur dit la vérité et qu'il ne fait pas des aveux sous pression, est-ce que cela signifie que Ali Eid devient le responsable des attentats ? Un chauffeur peut emmener quelqu'un à la frontière sans que son patron soit au courant. Je ne cherche pas à dire que X est au courant ou non, mais je veux simplement démontrer que l'indice est bien faible pour une telle accusation.

Q : N'est-ce pas la justice qui doit trancher cette question ? Or, ils refusent de comparaître devant elle


R : Certaines expériences passées n'encouragent pas les gens à avoir confiance. Nous revenons toujours à l'affaire des quatre généraux. On les a chargés d'une accusation qui a changé le paysage régional. Eux, leurs familles, leurs amis et tous ceux qui les appuient ont été mis en cause. Ils étaient même sur le point de les accrocher à la corde pour une accusation injuste. Qui avait véhiculé ces accusations ? Les services de sécurité officiels libanais et une partie de la justice d'une façon ou d'une autre, sans parler de la couverture politique.
Pourquoi parler seulement des quatre généraux ? Il y a aussi cheikh Gharib. L'affaire est encore récente. Les craintes de se rendre chez le service de renseignements des FSI sont donc justifiées. Certains peuvent dire, nous sommes rassurés si la direction des renseignements de l'armée veut nous interroger et d'autres préfèrent le service de renseignements des FSI. Ce qui est sûr, c'est que les deux explosions ont été utilisées pour lancer des accusations politiques.
En contrepartie, lorsque l'attentat de Bir el Abed s'est produit, nous n'avons accusé personne. Même pas Israël. Nous n'avions pas d'éléments, nous n'avons donc accusé personne. Nous sommes restés silencieux jusqu'à l'attentat de Roueiss. Au cours du mois qui s'est écoulé entre les deux attentats, nous étions parvenus- nous et les services de sécurité officiels qui ont enquête sur les deux attentats- à déterminer d'où sont venues les voitures, qui avait planifié les attentats, qui avait piégé les voitures et qui étaient liés aux explosions. C'est pourquoi j'ai déclaré, après l'attentat de Roueiss que ceux quoi ont accompli l'attentat de Bir el Abed sont des takfiristes et je crois que c'est la même partie qui est derrière l'attentat de Roueiss. Autrement dit, nous avons bâti nos accusations sur des éléments sérieux.
Dans le camp adverse, ils ont été jusqu'au bout dans l'accusation politique et des conséquences ont commencé à en résulter : se venger des habitants de Jabal Mohsen, qu'il s'agisse de paysans, d'ouvriers ou de gens ordinaires...Si on ouvre cette porte, tout le monde peut vouloir prendre sa revanche.
Il y a eu ensuite le double attentat contre l'ambassade d'Iran. Les deux kamikazes sont un habitant de Saïda et un habitant de Akibiyé (Baysarriyé). Est-ce que quelqu'un s'en est pris aux habitants de ces localités, à leurs familles ? N'y a-t-il pas des gens qui souhaiteraient qu'on leur rendre justice? Si, mais ici, il y a des valeurs ; de la morale et la volonté de ne pas se venger sur des innocents. En quoi les proches sont-ils responsables ? Ainsi que le quartier ou le camp ? Si un habitant du camp de Aïn Héloué a accompli un méfait, faut-il en rendre le camp responsable ? Ou la ville de Saïda ?
Eux sont en train de faire assumer à toute une communauté la responsabilité des attentats. A supposer que ceux qui sont accusés actuellement soient les vrais coupables, faut-il pour autant punir toute une communauté, toute une région en empêchant les gens de sortir de leur quartier, en tirant sur leurs jambes... C'est inadmissible.
C'est pourquoi le plus important dans l'affaire de Tripoli c'est de se diriger vers une solution. Nous disons que c'est l'Etat qui doit assumer ses responsabilités. Vous avez pu constater que nous ne sommes pas intervenus, ni avec le président de la République, ni avec le Premier ministre, ni avec le ministre de la Défense. Comment l'Etat va-t-il assumer ses responsabilités ? Je l'ignore. Lorsque des fuites ont évoqué hier la possibilité de déclarer Tripoli « zone militaire », il y a eu un tollé. Le Premier ministre Mikati a été traité de traître. Il a même été accusé de prendre pour cible « ahl al Sounna ». Il a été contraint, lui et ses conseillers, de fournir des précisions dans le sens que Tripoli ne sera pas déclarée « zone militaire » mais que les différents services y seront placés sous l'autorité de l'armée.
Pourtant, la région de Balbeck-Hermel a été décrétée pendant des années zone militaire, sous le contrôle de l'armée. Plusieurs personnes ont été tuées et on a tiré sur certaines par erreur, certaines ont été tuées dans le cadre de perquisitions. Pourtant, nul n'a dit que c'est la communauté chiite qui est visée.
La situation au Nord a atteint un stade dangereux et elle est en train de devenir incontrôlable. Elle peut même avoir des répercussions sur la scène libanaise dans son ensemble. Qui peut traiter ce problème ? L'Etat.
J'ai été surpris hier -même si j'avais des informations sur le sujet, mais je n'ai pas voulu en parler- par les déclarations du mufti du Nord, cheikh Malek Chaar, selon lesquelles ces groupes armés seraient liés à certains services de sécurité. Pourquoi se cacher derrière son petit doigt ? Nous savons tous que la direction des FSI verse depuis des années de l'argent à ces groupes et leur fournit des armes. Elle transporte leurs munitions dans les voitures des FSI. Je ne sais pas si elle continue encore à le faire. Mais ce que je dis a été fait au cours des trois ou quatre dernières années, ou même deux ou trois. Les sommes étaient soutirées du budget de la direction générale des FSI. S'il s'agit des fonds de l'Etat c'est un problème et si ce sont des dons donnés aux FSI par certains Etats régionaux, c'est aussi un problème. Comment sont-ils parvenus à la direction des FSI et ensuite aux groupes armés ? Que personne ne nous dise qu'il est impossible de contrôler la rue. Nous avons publié un communiqué dans lequel nous avons fait assumer la responsabilité au 14 Mars car c'est sa rue et elle peut la contrôler. Si on me dit qu'elle ne peut la contrôler à cent pour cent, je veux bien. Mais dire que 80% ou 90% lui échappent, je n'y crois pas. C'est la même chose en ce qui concerne. Nous ne contrôlons pas tout et il peut arriver que certains forment « une aile armée » comme ce fut le cas à un moment donné. Si je vous dis qu'à un moment donné, la rue chiite a totalement échappé à Amal et au Hezbollah, c'est faux. Mais si 10, ou 15 ou 20% de la rue nous échappent c'est possible, mais pas plus. Si nous disons cela ce serait illogique. C'est la même chose pour eux. Quelle est dans ce cas la solution ? C'est que l'Etat vienne prendre en mains la sécurité. Ensuite qu'une cellule de crise soit formée. Troisièmement, il faut créer un cadre pour le dialogue à Tripoli et au Nord. Si le Liban a besoin de la table du dialogue, Tripoli et le Nord ont aussi besoin d'ouvrir un dialogue. . Il ne suffit pas que le 14 Mars se réunisse seul avec le ministre de l'Intérieur, le Premier ministre ou chez le mufti. Il faut que l'autre camp ne soit pas écarté du dialogue. Toutes les parties doivent se réunir et mettre toutes les choses sur la table des discussions : les explosions, la tension, les mandats judiciaires, les déclarations incendiaires, le ton utilisé par tous, comment pouvons-nous traiter ces problèmes etc
Qui doit prendre l'initiative ?L'Etat est la seule partie en mesure de se rendre au Nord et de parler avec les deux parties.

Q : Y a-t-il encore une possibilité de former un gouvernement avant l'élection présidentielle et y aura-t-il selon vous une telle élection ? Qui sera votre candidat ?

R :Tout est possible. La formule que nous avons proposée (9,9,6) est logique, acceptable et préserve les droits de tout le monde. Elle offre une possibilité de participation à tous.

Q : Certains ont dit que Saad Hariri l'avait acceptée mais un de vos discours au plafond élevé l'a poussé à changer d'avis ?


R : Ce discours dont vous parlez je crois qu'il s'agit de celui que j'ai prononcé à l'hôpital Al Rassoul Al Aazam. Je l'ai prononcé avec un grand calme. J'ai évoqué la formule « 9,9,6 » en disant qu'elle est à l'avantage de tous les Libanais. J'ai même appelé l'autre partie à s'entendre avec nous. Je n'ai donc pas haussé le plafond. Je crois donc qu'il s'agit d'un prétexte. Lorsque vous voulez réellement résoudre les problèmes nationaux, vous arrêtez-vous à un discours plus musclé que les autres ? Le problème est-il dans la formation du gouvernement ? Et si le gouvernement est formé, cesseront-ils de paralyser le Parlement, reviendront-ils à la table du dialogue et commenceront-ils à préparer avec nous l'élection présidentielle ? Tout cela aurait donc été annulé à cause d'un discours où j'aurais forcé un peu la dose ? Ce n'est pas logique. Selon mes informations, les piliers du 14 Mars sont incapables de trancher la question. Ils pourraient être d'accord sur la formule »9,9,6 » mais quelqu'un leur a dit de ne pas former un gouvernement et d'attendre.

Q : Qui peut leur dire cela ?

R :L'Arabie saoudite.

Q : Il s'agit d'attendre le 22 janvier avec la possibilité de modifier les rapports de force ?

R :C'est possible. Les Saoudiens ne sont pressés sur aucun sujet au Liban.

Q : Ils disent pourtant que logiquement, ils n'ont pas intérêt à rester sur le statu quo actuel avec le gouvernement qu'ils appellent celui du Hezbollah

R : C'est pourquoi le cerveau libanais du 14 Mars est d'accord avec la formule « 9,9,6 ». Car elle leur donne en réalité plus que 9 ministres au sein du gouvernement et ils peuvent prendre en charge des portefeuilles essentiels, alors que dans le statu quo actuel, ils sont hors du pouvoir. Même nous, nous ne sommes pas actuellement au pouvoir. Car il ne s'agit que d'une gestion des affaires courantes. Former un gouvernement sur la base de la formule « 9,9,6 » est dans l'intérêt du Liban et du 14 Mars. Mais l'interdiction vient de l'extérieur.

Q : Le camp adverse dit pourtant que c'est vous qui avez intérêt à la vacance du pouvoir pour aboutir à un chaos généralisé qui fera sauter l'accord de Taëf et jettera les bases d'un nouveau régime. N'est-ce pas ce que vous avez voulu en parlant d'assemblée constituante ?

R : Lorsque j'ai parlé d'assemblée constituante, je regardais le monde arabe, avec le printemps et le fait que chaque pays était en train de revoir son régime et de créer des assemblées constituantes pour revoir les constitutions. J'ai pensé que nous avions aussi au Liban un problème de régime et qu'il serait bon de former une assemblée constituante avec l'accord de toutes les parties pour chercher comment régler notre problème. C'est une suggestion, que je n'ai pas brandi une épée pour exiger son application. Le lendemain, il y a eu un tollé général et il n'est resté aucune figure du camp adverse qui ne m'ait pas accusé de vouloir changer le régime et en finir avec Taëf. Nous nous sommes réunis entre nous et nous avons décidé - je le dis pour la première fois- de ne plus évoquer ce sujet. De fait, quelqu'un du Hezbollah en a -t-il parlé de nouveau ? Non ? Pas un seul mot. Cette question a donc été évoquée une seule fois, par moi et c'est fini. Pourquoi avons-nous pris une telle décision ? Parce que lorsque nous avons parlé d'assemblée constituante, nous mettons en avant l'accord de tous les Libanais. Si une grande partie d'entre eux n'en veut pas, il faut fermer ce dossier.
J'en reviens au vide du pouvoir. Qui a fait chuter ce gouvernement ? Est-ce nous ? Ceux qui ont fait chuter ce gouvernement sont ceux qui ont placé le Premier ministre Mikati devant le choix suivant : soit il adopte telle décision soit il démissionne. Avant cela, ils ont exercé sur lui de nombreuses pressions. Un jour viendra où nous dirons toutes les choses par leur nom. D'ailleurs, lorsque ce gouvernement a été formé, le 14 Mars n'a-t-il pas tenu une réunion pour appeler la communauté internationale à le boycotter ? Et il l'a surnommé « le gouvernement du Hezbollah » ? Qui poussait alors au vide ? Maintenant, ils ont désigné Tammam Salam. Mais personne ne nous a demandé notre avis. Nous avons simplement été informés. Eux et Walid Joumblatt ont désigné Tammam Salam d'abord et ils nous ont parlé ensuite. Nous avons manœuvré et nous avons finalement accepté de désigner Salam sur la base de la formation d'union nationale. Tammam Salam est un homme que nous respectons et avec lequel nous n'avons aucun problème, mais qu'il me pardonne, il est membre du 14 Mars. Nous avons donc accepté un Premier ministre qu'ils ont désignés et c'est nous qui sommes accusés de vouloir le vide ! Par la suite, au sujet de la formation du gouvernement, nous n'avons pas réclamé la moitié des ministres, nous avons simplement appelé à une représentation proportionnelle au poids au Parlement. Ensuite, nous avons proposé la formule « 9.9.6 », alors que notre poids parlementaire est plus que cela. Et avec cela, nous sommes accusés de vouloir le vide !
Même chose lorsqu'il s'agit d'évoquer les élections législatives. Nous avons discuté sérieusement avec nos alliés, le CPL, le ministre Frangié, les blocs alliés, le président Berry, les personnalités du 14 Mars, et nous avons étudié la possibilité d'organiser des élections législatives. Nous avons même appuyé le projet orthodoxe. Malheureusement, il y a eu une perte de temps au sujet de la position prétendue d'Amal et du Hezbollah. Nous avons publié des communiqués pour déclarer notre appui à ce projet. Malgré cela, certains ont dit que ce ne sont que des paroles et au moment du vote, nous changerons d'avis. Le vote a eu lieu et nous avons voté en faveur du projet orthodoxe. Ce qui nous a d'ailleurs valu le mécontentement de certains de nos alliés. Peut-on encore nous accuser de vouloir le vide ? Il a alors été question d'organiser les élections sur la base de la loi de 1960. Nous étions alors avec la thèse qui disait qu'il y a un vrai problème dans le pays et il y a un problème avec la loi électorale. Dans ce contexte, le pays peut-il supporter la tenue des élections législatives, avec le climat sécuritaire, politique et médiatique ? Nous avons donc appuyé la prorogation Le général Aoun peut dire qu'il s'agit d'un vide parce qu'il était contre. Mais le 14 Mars a voté en faveur de la prorogation. Pourquoi dans ce cas dit-il qu'il s'agit d'un vide ? En réalité, ce n'est même pas nous qui avons proposé cette prorogation. On nous l'a soumise et nous l'avons acceptée.

Q : Ils ont ensuite essayé de la saboter par le biais du Conseil Constitutionnel

R :Comment qualifiez-vous ce comportement ? De l'immaturité politique ?un camp politique vote en faveur de la prorogation avec tous ses membres, et la semaine suivante, il change d'avis. On peut dire qu'il s'est réuni entre-temps et qu'il a fait une autocritique de sa position, découvrant qu'il a eu tort. Ou qu'une partie externe leur a dit : vous vous êtes trompés. Débrouillez-vous pour réparer votre erreur.
Au sujet de la présidence de la République, nous sommes avec la tenue de cette élection à la date prévue. Le Parlement peut se réunir et procéder à l'élection. Où est le problème ?

Q : Quelle est votre position au sujet de cette échéance ?

R : D'abord, nous sommes avec la tenue de l'élection à la date prévue. Nous sommes prêts à fournir toute forme d'aide qui pourrait contribuer à permettre à cette échéance de se dérouler à la date prévue. En tant que camp politique, nous ne sous sommes pas encore réunis entre nous -notamment les parties représentées au Parlement- pour discuter de la question. Mais ce qui est sûr, c'est que notre camp est définitivement favorable à la tenue de l'élection présidentielle à la date prévue.

Q : Vous êtes donc tous contre la prorogation ?


R : Je n'ai pas entendu cela, mais le climat général est celui-là. Nous sommes avec le fait que notre camp puisse se réunir dans toutes ses composantes, en tenant compte des circonstances sécuritaires particulières de chacun d'entre nous, pour débattre de ce sujet. Non pas sur la base de la tenue ou non de l'élection. Nous sommes avec la tenue de l'élection présidentielle. Mais pour discuter de notre position au sujet de la présidentielle. Personnellement, je suis favorable à l'idée que notre camp ait un candidat clair et que nous fassions des contacts et une véritable campagne pour l'amener à la présidence. Nous le présenterons à l'autre camp et nous leur demanderons de faire leurs remarques. Je ne suis pas favorable à ce que notre camp soit celui qui subit ou qui attend. Je suis pour que nous prenions l'initiative, qu'il choisisse un candidat et qu'il fasse en sorte de lui permettre d'arriver à la présidence.

Q : Pensez-vous que la table du dialogue pourrait contribuer à trouver des solutions dans ce domaine ou bien pensez-vous qu'elle n'a plus de place ?

R : Nous sommes en permanence avec la tenue de la conférence du dialogue. Nous sommes avec le dialogue, avec le fait que les gens se saluent et se parlent. Que cela aboutisse à des résultats ou non. Mais le fait que les gens se parlent peut contribuer à apaiser le climat général. Au Liban, nous ne sommes contre la rupture avec n'importe quel camp. Malheureusement, ce sont eux qui ont pris l'initiative de la rupture. N'est-ce pas l'un d'eux qui a dit qu'il refuse de s'asseoir à la table du dialogue si le Hezbollah s'y trouve ? Qu'il n'aille pas aussi vite. De toute façon, qu'il accepte ou non, nous autres, nous participerons à la conférence du dialogue. Je suis convaincu que nous, Libanais, n'avons pas d'autre choix que de nous parler et d'essayer de nous entendre. Le boycott et la rupture ne mènent nulle part.

Q : Et si ceux qui acceptent de s'asseoir à vos côtés veulent surtout parler des armes de la résistance ?

R : Parlons de tout. Les armes de la résistance sont présentes sous le titre de la stratégie de défense. Mais si réellement votre problème consiste dans les armes de la résistance, comment avez-vous accepté de conclure l'alliance quadripartite avec nous en 2005. De plus, nous sommes vos partenaires au sein des gouvernements qui se sont succédé depuis des années. Certaine sparties ont certes émis des réserves sur les armes de la résistance et elles ont le droit de le faire. Mais la partie principale était d'accord. Comme je vous l'ai dit, ils utilisent la question des armes de la résistance comme un porte manteau. Mais si nous leur donnons le pouvoir, ils lui trouveront rapidement une issue et une solution.

Q : Ils ne parlent pas seulement des armes. Ils parlent d'un surplus de force qui se traduit dans la vie politique. Le dernier exemple est ce qui s'est passé à l'USJ...


R : On peut toujours lancer des accusations. Mais lorsque nous examinons les faits, la situation apparaît différente. Je vous remercie d'aborder l'incident de l'UJ. Même si c'est un détail, il faut que les gens connaissent les faits.
Il s'agit donc d'étudiants qui sont inscrits à l'USJ et qui ont payé les frais universitaires comme les autres et qui font assumer à leurs familles la lourde charge de ces frais. Entre parenthèses, je vous dis que nous, au Hezbollah, nous ne versons pas un sou pour nos étudiants qui s'inscrivent à l'USJ. Nous aidons les étudiants qui le souhaitent et qui vont à l'université libanaise, car leurs parents n'ont même pas les moyens de verser les frais d'enregistrement.
Ils sont donc des étudiants légalement inscrits. Il y a certes dans le pays, un climat qui se répercute dans toutes les universités. Des élections ont lieu et chaque camp prétend les avoir gagnées. Mon rôle aujourd'hui n'est pas celui de l'arbitre. Les gens entrent et voient un slogan inscrit sur les murs avec le dessin d'un cœur. Le Hezbollah est aussitôt accusé et le tollé s'élève. On parle d'insulte des symboles, d'occupation de l'université, de changement de l'identité de l'université, de Bachir Gemayel... Tout cela pourquoi ?
Je vous l'ai peut-être déjà dit. Ce jour-là, j'avais allumé mon poste de télévision tout en travaillant dans mon bureau. Je vois soudain un député en train de hurler. Je lève le son en me disant qu'il s'est peut-être passé quelque chose. J'ai compris qu'il y avait un problème à l'USJ et j'entends que nous aurions dressé un plan pour contrôler cette université. Une enquête a-t-telle été faite avant de lancer cette accusation ? Je vous le dis solennellement : je n'accepte pas que l'un des symboles des Libanais, quel qu'il soit, même si j'ai une position politique à son égard et que j'ai des divergences avec lui, soit bafoué par quelque partie que ce soit.
Mais une enquête a-t-elle été menée sur l'identité de la personne qui a écrit le slogan, avant d'accuser aussi clairement les étudiants chiites d'abord, puis ceux du Hezbollah ensuite ? Sur quoi s'est basée cette attaque systématique et violente contre nous ? A ce moment-là, en voyant ce que je voyais, j'ai réellement senti qu'une partie voulait nous entraîner vers la guerre civile.

Q : A ce point ?

R : Oui. N'avez-vous pas entendu le ton et les propos ? Ce ton et ce langage ne se sont d'ailleurs pas arrêtés. Mon sentiment- et je le dis franchement, j'attendais d'ailleurs une occasion pour en parler. La voici- est qu'en réalité, ce n'est pas nous qu'on visait mais le CPL et le général Aoun en particulier. Je vais vous dire pourquoi.
Avant la conclusion de l'entente avec le CPL, nous étions avec le 14 Mars et avec l'allié de l'allié au sien d'un même gouvernement. Nous avons même mené côte à côte des élections et pendant tout ce temps, nul ne m'a jamais parlé d'un problème à Lassa. D'ailleurs, je le dis en toute transparence, j'ignorais qu'il existait un problème immobilier à Lassa. Personne n'a non plus jamais parlé avec nous d'un problème à Afka et à Akoura. Il n'y avait aucun problème entre les chrétiens et les chiites dans la région de Jbeil. Avec l'allié et l'allié d el'allié tout allait bien.
Quand tous ces dossiers ont-ils commencé à être ouverts ? Après l'entente conclue avec le CPL. Pour la vérité historique, je dois vous dire que la première personnalité politique, le premier leader chrétien à avoir évoqué avec nous l'affaire de Lassa, c'est le général Aoun. La première personne à nous parler du problème de Akoura est le ministre Sleiman Frangié. Les autres ne se sont réveillés que bien plus tard. Alors que ces problèmes sont plus vieux que le Hezbollah et que le CPL.

Q : Ils remontent à un siècle !

R : En tout cas, ils existent bien avant que je naisse. A un moment précis, ils ont été soulevés tous ensemble et ont été jetés à la face du CPL et de l'entente. L'affaire de l'USJ s'inscrit dans le même cadre. Il y a de la colère à la suite des résultats des élections à l'USJ. La colère est dirigée contre qui ? Contre le CPL. Ils cherchent donc le moindre prétexte pour pousser les événements dans une autre direction. Allez donc voir qui a écrit le slogan sur le mur. Il y a des caméras qui ont filmé le tout. Vérifiez-les. S'il s'avère que c'est un membre du Hezbollah qui l'a fait, je le livrerai à la justice, non parce qu'il a écrit un slogan sur un mur, mais parce qu'il jette les bases d'une discorde confessionnelle et qu'il met en danger la paix civile à l'USJ. S'il est donc des nôtres, il sera livré à la justice. Voilà. C'est comme cela que je comprends les incidents de l'USJ.

Q : J'accepte votre interprétation. Mais cela signifie-t-il qu'il existe un problème entre vous et l'inconscient chrétien. C'est pourquoi il serait possible de vous utiliser pour tirer sur une partie chrétienne ou bien s'agit-il d'une pure discorde confessionnelle ?


R : Ils veulent surtout dire au CPL : Regarde ce que fait ton allié. Nous autres, nous ne voulons pas prendre le contrôle de l'USJ, ni la transformer en université islamique. Certains étudiants pressent leurs parents pour faire leurs études dans cette université. Si nous pouvons un jour fonder une université du niveau de l'USJ, ils s'y inscriront et n'iront plus à l'USJ.
Il est pourtant dans l'intérêt du Liban, des Libanais et des universités qu'il n'y ait pas une sélection confessionnelle dans ces établissements éducatifs. Il ne faut pas que le discours atteigne ce niveau. Encore un peu et nous traiterons ces étudiants d'étrangers en leur demandant ce qu'ils viennent faire ici ! Je vous le répète, nous n'avons aucun plan pour contrôler l'USJ, ni toute autre université d'ailleurs. Nos étudiants s'y rendent pour s'instruire et ils sont soucieux d'être respectés comme les autres étudiants. Une grande histoire a été construite autour d'un petit incident. L'objectif n'est pas l'USJ. Il est ailleurs. Comme nous arrivons à la fin de cet entretien, je dirais que l'échec des chrétiens du 14 Mars aux élections à l'USJ est du à l'échec de leurs choix politiques au Liban et dans la région.

Q :Vos choix à vous ont-ils été victorieux ?

R :Oui, nos choix sont en train d'être victorieux.

Q : comment traiterez-vous avec eux ? Construirez-vous le pays sans eux ?

R : Non. Le Premier ministre Mikati a passé un mois et demi à solliciter leur participation à son gouvernement et nous lui avions dit de prendre son temps car nous voulons un gouvernement d'union nationale. Il leur avait même proposé un gouvernement moitié-moitié. Ils peuvent nier cela aujourd'hui, cela les regarde. Mais moi je sais de quoi je parle et je sais que le parti Kataëb voulait participer au gouvernement, mais la colère de certaines parties du 14 Mars l'a empêché de le faire.
Nous avons toujours appelé à la formation d'un gouvernement d'union nationale. A cette époque, on nous avait même demandé si nous acceptions de leur accorder le tiers de blocage dans le gouvernement Mikati et nous avions répondu que c'était leur droit naturel de l'obtenir. Dans l'avenir et à tout moment, nous sommes avec le partenariat au Liban. Nous sommes convaincus que nul ne peut éliminer l'autre, ni l'exclure, ni même gérer le pays seul. Les problèmes de ce pays sont trop grands pour être résolus par une seule partie.

Q : A propos du parti Kataëb, comment expliquez-vous l'invitation à dîner de l'ambassadeur d'Iran au président Amine Gemayel, au moment où ce dernier et son fils Samy et le parti mènent campagne contre les armes du Hezbollah et la résistance ?

R : Il n'y a pas de problème. Il s'agit de l'ambassade d'Iran, non d'une permanence du Hezbollah. Il est donc normal que cette ambassade ait des relations avec toutes les parties. Et les dîners font partie de l'action diplomatique.

Q : On vous accuse encore d'avoir un projet plus grand que le Liban...

R : Ce n'est pas vrai. Nous n'avons pas un projet plus grand que le Liban.

Q : Quel est donc le projet du Hezbollah au Liban ?


R : Il faut revenir au document que nous avons élaboré et publié il y a quelques années. J'ai passé une heure et demie à le lire. C'est cela notre projet politique. Maintenant, certains notamment des chrétiens du 14 Mars reviennent à un document qui remonte à 1982 ou 1983. Je ne le nie pas. Mais à cette époque-là, certains chrétiens parlaient de partition et certains musulmans de République islamique, n'est-ce pas ?

Q : Oui, c'est vrai

R : Je vous apporte donc leurs déclarations. Ils parlaient de ghettos et de cantons et l'intérêt des chrétiens était au-dessus de tout. A un moment donné, à cause du climat qui existait alors et du fait que nous étions jeunes et donc plus influencés par l'idéologie que par les réalités politiques ; j'ai prononcé ces déclarations. Mais ces vieux propos sont repris aujourd'hui pour mettre en difficulté notre allié chrétien. De toute façon, cela montre que nous sommes des gens réalistes et que nous évoluons, que nous discutons, nous négocions, nous arrondissons les angles, c'est donc en notre faveur. Cela montre aussi que lorsqu'on dialogue avec nous, on peut influer sur nos convictions, sur notre attitude et sur nos discours.
Nous sommes avec l'édification d'un Etat véritable, avec un partenariat véritable qui englobe toutes les parties, politiques, confessionnelles et communautaires. Nous sommes donc avec un etat auquel tous participent.

Q : Etes-vous aussi avec la finalité de l'entité selon la formule de l'imam Moussa Sadr ?

R : Nous sommes avec le fait que le Liban est une entité définitive, comme l'a déclaré l'imam Moussa Sadr, que Dieu le ramène vivant avec ses compagnons.
Jour après jour, le choix de l'option du Liban en tant qu'entité définitive se précise et montre sa justesse. Il peut y avoir des idéologies différentes, mais je vous le dis : le Hezbollah se joint à Amal et à l'imam Moussa Sadr dans sa conviction que le Liban est une entité définitive. Si un jour les Libanais veulent annuler cette entité, cela les regarde. Nous ne pouvons rien leur imposer.

Q : Que pensez-vous de la dévotion presque sacrée dont vous faites l'objet et qui pourrait aboutir à une absence totale de critique peut-être malsaine ?

R : je vais vous répondre de façon directe. Je n'ai pas de problème à ce qu'on m'imite. Mais si on veut me faire du tort je le refuse, pas parce qu'il s'agit de moi, mais parce qu'il ne faut pas faire du tort à qui que ce soit. Je ne m'oppose pas à ce qu'on joue mon rôle et je crois que personne ne s'y oppose. Mais si du tort est fait, il est normal que les gens s'y opposent. Revenons à l'affaire de l'USJ. Tout ce qui a été écrit c'est un slogan sur une personne qu'on aime. S'il n'y avait pas des sages qui ont réussi à juguler la colère, les gens étaient prêts à descendre manifester dans la rue.
Nous avons des gens qui ont des sentiments et qui éprouvent de la colère si on me fait du tort, qui sont dérangés lorsqu'on m'imite. Malgré cela, je les invité ouvertement et officiellement à ne pas avoir de réaction dans la rue. Je dois aussi préciser que je ne leur ai jamais demandé de descendre exprimer leur mécontentement dans la rue. Même ce qui s'est passé il y a quelques années a eu lieu sans que j'en sois informé. Je n'avais pas vu l'imitation ni appelé à la manifestation. J'en avaits été informé ultérieurement. Je demande donc à mes partisans et à ceux qui m'aiment de ne pas descendre dans la rue, n'importe laquelle, si cela devait se reproduire. Si quelqu'un a une objection qu'il s'adresse à la justice. La loi autorise cela. Certes, nous souhaitons qu'on ne nous fasse pas du tort, ni à nous ni à qui que ce soit, mais je crois que la réaction dans la rue n'est pas adéquate et peut devenir nuisible pour d'autres considérations.

Q : Le temps consacré à l'entrevue est fini. Je vous remercie encore de nous avoir fait l'honneur de cet entretien, à moi personnellement et à la OTV. Voulez-vous dire quelque chose pour conclure ?

R : Nous avons parlé deux heures

Q : Non, trois !

R : Trois !

Oui, je voudrais avant de conclure rappeler que ce soir, c'est la fête de Sainte Barbe chez les chrétiens, cette sante qui, pour protéger sa foi, sa dignité, sa liberté et ses convictions a changé de visage et a sacrifié sa vie. Je voudrais aussi rappeler que des religieuses connaissent peut-être le même sort, ainsi que deux évêques. Nous appelons à ce que chacun puisse rentrer dans son pays, libre et digne. Merci encore.

 

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