L’histoire complète de l’implication de la Jordanie en Syrie
Durant les dernières semaines, les médias arabes et étrangers ont subitement abondé d'informations et d'analyses sur l'implication de la Jordanie en Syrie. Des rapports, des fuites et des analyses ont fait état d'une nouvelle histoire, surprenante et confuse.
Un haut responsable syrien observe avec suspicion et appréhension les violations et les menaces majeures en provenance de la Turquie, puis du Liban, au moment où il considère que le tapage médiatique sur le rôle jordanien est plus grand qu'il ne le faut, ce qui pourrait dissimuler la vue des sources de danger les plus nuisibles.
Il ajoute que certains reportages étaient dépourvus de tout fondement, tel celui du Figaro, sur l'ouverture des espaces aériens jordaniens à l'aviation israélienne. En effet, cette dernière n'a pas besoin de traverser l'espace aérien de la Jordanie, ce qui rend la publication du rapport requise en soi, dans le but de «briser le barrage psychologique» chez les Jordaniens, de détourner leurs regards de la véritable coopération en cours avec les Américains ou d'«affaiblir de plus en plus le régime, l'isoler de son peuple et le pousser à plus d'implication en Syrie».
En dépit de ces faits, nous avons insisté pour recueillir des informations sur les réalités du front jordanien. Qu'est ce qui s'y déroule à l'heure actuelle? «En ce moment, rien», répond le haut responsable syrien.
Depuis la mi-mars, les Syriens ont constaté une régression significative du flux des combattants et des armes via les frontières jordaniennes.
Plusieurs questions se posent à ce propos. Les contacts militaires entre les deux pays ont-ils joué un rôle dans cette accalmie? Ou cette dernière a-t-elle découlé des pressions internes exercées par le mouvement national et populaire lequel avait largement protesté contre l'ingérence jordanienne en Syrie?
Était-ce un pas américain en arrière? Ou bien les réalisations de l'armée syrienne au rif de Damas avaient-elles bloqué un plan établi pour transformer Deraa en «zone sécurisée» ou en couloir en faveur de la bataille de Damas, convertie en défaite prématurée? La cause de l'accalmie réside-t-elle dans tous ces facteurs combinés?
Des polémiques sont en cours autour de l'ampleur de l'intervention militaire en Syrie, via le front jordanien, réservé par les Américains pour le dernier moment; celui de la chute du régime afin d'interdire l'accès au pouvoir des salafistes jihadistes et de protéger les armes chimiques; ou pour le moment de «la prise d'une décision américaine stratégique relative à l'intervention en Syrie».
La présence de deux cents militaires américains en Jordanie, comprenant des officiers de renseignement et de télécommunication, est inscrite dans le cadre « des préparatifs aux développements dramatiques». Ces militaires installés dans des sites au rif d'Irbid, limitrophe des frontières syriennes, ne sont pas en état de combat ou de préparation au combat, mais leur mission consiste à «surveiller la zone des opérations».
Cette présence répond à la question concernant la fermeture des frontières jordaniennes devant les armes et les combattants, «même par le trafic», puisque les dispositions de sécurité relatives au déploiement de ces militaires ne permettent pas «des mouvements des salafistes jihadistes». Un alibi que l'Arabie comprend parfaitement puisque le royaume a cessé ses pressions en faveur de l'accueil des combattants en Jordanie et de leur passage en Syrie.
Le début des violations
Les violations sur le front syro-jordanien ont débuté depuis le printemps de 2012, en réponse à des pressions saoudiennes exercées à cinq niveaux :
Permettre, en premier lieu, aux réseaux traditionnels de trafiquants entre les deux pays de faire passer outre les produits de consommation, des armes d'origines saoudiennes, comprenant des mitrailleuses Kalachnikov, Douchka, des lance-roquettes RPG, des grenades et des munitions et puis des armes moyennes sol-air et des antichars.
Faciliter, en second lieu, le passage des combattants arabes en provenance de l'Arabie vers le territoire syrien.
Concéder, en troisième lieu, l'infiltration des salafistes jihadistes jordaniens via les points frontaliers «non sécurisés». Un fait qui provoquait parfois des accrochages avec des éléments militaires jordaniens, «non informés de la décision officielle déclarée dans des milieux limités au pouvoir».
«Fermer les yeux» ou faire preuve de connivence tacite envers la présence de camps d'entrainement secrets, installés par les Frères Musulmans, lesquels œuvrent pour l'entrainement et le passage des combattants syriens et arabes.
Entrainer environ 500 militaires syriens, avant de clôturer cette opération durant l'été dernier.
Pourquoi les Syriens n'avaient pas annoncé ces violations?
«Premièrement, parce qu'elles étaient extrêmement confidentielles, mais découvertes par l'armée syrienne qui avait affronté, à plusieurs reprises, les trafiquants des armes et les combattants. La Jordanie avait exploité la nature confidentielle de ces mouvements, puisqu'elle lui permettait de se plier devant les pressions saoudiennes tout en affichant une position politique équilibrée à l'égard du conflit syrien».
Sur ce, Damas était devant deux choix : perdre, par l'escalade, la position positive déclarée par la Jordanie sur le plan officiel et populaire ou encaisser ces violations nuisibles, mais dont l'influence est limitée vu leur caractère confidentiel.
Damas a estimé que maintenir le secret serait meilleur du point de vue politique, mais aussi opérationnel.
En début de 2013, débutèrent les entrainements des soldats déserteurs qui ont rejoint les rangs de l'ASL en Jordanie. On prévoyait la participation de 5000 rebelles, mais moins de 3000 étaient disponibles puisque la majorité de ces déserteurs étaient des administrateurs et non des combattants. Des combattants islamistes d'origines libyenne, tunisienne, égyptienne et soudanaise ont alors rejoint les camps d'entrainements.
L'opération supervisée par des militaires américains visait à former des brigades de forces spéciales, entrainées sur la guérilla, le piégeage, les explosifs et l'utilisation des antichars, ainsi que sur le recrutement et le commandement des opérations militaires. En fin de compte, 1560 des combattants entrainés furent armés, équipés de dispositifs de télécommunication et envoyés en Syrie par groupuscules, en coopération avec des rebelles de Deraa.
Ces derniers s'étaient rendus en Jordanie où ils avaient rencontré des responsables jordaniens, saoudiens et américains et ont été placés sous le commandement des nouvelles brigades envoyées en Syrie.
Ces dernières sont parvenues, en fin de février dernier, à réorganiser des groupes de combattants locaux et par la suite à contrôler des postes de police, des sièges gouvernementaux dont notamment celui du commandement de la brigade de la défense aérienne et à y saisir des armes légères et moyennes.
Finalement, l'opération militaire menée par les brigades précitées a abouti à dominer le centre-ville de Deraa, plusieurs villages de l'entourage et à menacer la route internationale menant à Damas.
Cependant, l'opération a été suspendue à la mi-mars, vu l'impossibilité de la prise d'assaut de la totalité du gouvernorat de Deraa et des frappes préventives menées par l'armée syrienne au rif de Damas, ce qui a rendu irréaliste la bataille de la capitale.
Quel était l'objectif de l'opération de Deraa?
Deux éventualités étaient envisagées : la chute du gouvernorat jusqu'aux frontières jordaniennes ce qui assurerait la mise en place d'une zone sécurisée ou assurer la communication avec les rebelles censés mener la bataille de Damas.
Mais en plus des obstacles militaires qui ont entravé la réalisation des objectifs stratégiques de l'opération, «un fait inconnu» est survenu et gelé la situation.
Selon les estimations du commandement syrien, les interventions via la Jordanie, seront toujours tributaires du bras de fer en cours entre les pressions américano-saoudiennes et les pressions populaires sur la scène jordanienne, laquelle témoigne d'une décision politique craignant un glissement plus grave dans la crise syrienne.
Source : Al Akhbar, traduit par : moqawama.org
Un haut responsable syrien observe avec suspicion et appréhension les violations et les menaces majeures en provenance de la Turquie, puis du Liban, au moment où il considère que le tapage médiatique sur le rôle jordanien est plus grand qu'il ne le faut, ce qui pourrait dissimuler la vue des sources de danger les plus nuisibles.
Il ajoute que certains reportages étaient dépourvus de tout fondement, tel celui du Figaro, sur l'ouverture des espaces aériens jordaniens à l'aviation israélienne. En effet, cette dernière n'a pas besoin de traverser l'espace aérien de la Jordanie, ce qui rend la publication du rapport requise en soi, dans le but de «briser le barrage psychologique» chez les Jordaniens, de détourner leurs regards de la véritable coopération en cours avec les Américains ou d'«affaiblir de plus en plus le régime, l'isoler de son peuple et le pousser à plus d'implication en Syrie».
En dépit de ces faits, nous avons insisté pour recueillir des informations sur les réalités du front jordanien. Qu'est ce qui s'y déroule à l'heure actuelle? «En ce moment, rien», répond le haut responsable syrien.
Depuis la mi-mars, les Syriens ont constaté une régression significative du flux des combattants et des armes via les frontières jordaniennes.
Plusieurs questions se posent à ce propos. Les contacts militaires entre les deux pays ont-ils joué un rôle dans cette accalmie? Ou cette dernière a-t-elle découlé des pressions internes exercées par le mouvement national et populaire lequel avait largement protesté contre l'ingérence jordanienne en Syrie?
Était-ce un pas américain en arrière? Ou bien les réalisations de l'armée syrienne au rif de Damas avaient-elles bloqué un plan établi pour transformer Deraa en «zone sécurisée» ou en couloir en faveur de la bataille de Damas, convertie en défaite prématurée? La cause de l'accalmie réside-t-elle dans tous ces facteurs combinés?
Des polémiques sont en cours autour de l'ampleur de l'intervention militaire en Syrie, via le front jordanien, réservé par les Américains pour le dernier moment; celui de la chute du régime afin d'interdire l'accès au pouvoir des salafistes jihadistes et de protéger les armes chimiques; ou pour le moment de «la prise d'une décision américaine stratégique relative à l'intervention en Syrie».
La présence de deux cents militaires américains en Jordanie, comprenant des officiers de renseignement et de télécommunication, est inscrite dans le cadre « des préparatifs aux développements dramatiques». Ces militaires installés dans des sites au rif d'Irbid, limitrophe des frontières syriennes, ne sont pas en état de combat ou de préparation au combat, mais leur mission consiste à «surveiller la zone des opérations».
Cette présence répond à la question concernant la fermeture des frontières jordaniennes devant les armes et les combattants, «même par le trafic», puisque les dispositions de sécurité relatives au déploiement de ces militaires ne permettent pas «des mouvements des salafistes jihadistes». Un alibi que l'Arabie comprend parfaitement puisque le royaume a cessé ses pressions en faveur de l'accueil des combattants en Jordanie et de leur passage en Syrie.
Le début des violations
Les violations sur le front syro-jordanien ont débuté depuis le printemps de 2012, en réponse à des pressions saoudiennes exercées à cinq niveaux :
Permettre, en premier lieu, aux réseaux traditionnels de trafiquants entre les deux pays de faire passer outre les produits de consommation, des armes d'origines saoudiennes, comprenant des mitrailleuses Kalachnikov, Douchka, des lance-roquettes RPG, des grenades et des munitions et puis des armes moyennes sol-air et des antichars.
Faciliter, en second lieu, le passage des combattants arabes en provenance de l'Arabie vers le territoire syrien.
Concéder, en troisième lieu, l'infiltration des salafistes jihadistes jordaniens via les points frontaliers «non sécurisés». Un fait qui provoquait parfois des accrochages avec des éléments militaires jordaniens, «non informés de la décision officielle déclarée dans des milieux limités au pouvoir».
«Fermer les yeux» ou faire preuve de connivence tacite envers la présence de camps d'entrainement secrets, installés par les Frères Musulmans, lesquels œuvrent pour l'entrainement et le passage des combattants syriens et arabes.
Entrainer environ 500 militaires syriens, avant de clôturer cette opération durant l'été dernier.
Pourquoi les Syriens n'avaient pas annoncé ces violations?
«Premièrement, parce qu'elles étaient extrêmement confidentielles, mais découvertes par l'armée syrienne qui avait affronté, à plusieurs reprises, les trafiquants des armes et les combattants. La Jordanie avait exploité la nature confidentielle de ces mouvements, puisqu'elle lui permettait de se plier devant les pressions saoudiennes tout en affichant une position politique équilibrée à l'égard du conflit syrien».
Sur ce, Damas était devant deux choix : perdre, par l'escalade, la position positive déclarée par la Jordanie sur le plan officiel et populaire ou encaisser ces violations nuisibles, mais dont l'influence est limitée vu leur caractère confidentiel.
Damas a estimé que maintenir le secret serait meilleur du point de vue politique, mais aussi opérationnel.
En début de 2013, débutèrent les entrainements des soldats déserteurs qui ont rejoint les rangs de l'ASL en Jordanie. On prévoyait la participation de 5000 rebelles, mais moins de 3000 étaient disponibles puisque la majorité de ces déserteurs étaient des administrateurs et non des combattants. Des combattants islamistes d'origines libyenne, tunisienne, égyptienne et soudanaise ont alors rejoint les camps d'entrainements.
L'opération supervisée par des militaires américains visait à former des brigades de forces spéciales, entrainées sur la guérilla, le piégeage, les explosifs et l'utilisation des antichars, ainsi que sur le recrutement et le commandement des opérations militaires. En fin de compte, 1560 des combattants entrainés furent armés, équipés de dispositifs de télécommunication et envoyés en Syrie par groupuscules, en coopération avec des rebelles de Deraa.
Ces derniers s'étaient rendus en Jordanie où ils avaient rencontré des responsables jordaniens, saoudiens et américains et ont été placés sous le commandement des nouvelles brigades envoyées en Syrie.
Ces dernières sont parvenues, en fin de février dernier, à réorganiser des groupes de combattants locaux et par la suite à contrôler des postes de police, des sièges gouvernementaux dont notamment celui du commandement de la brigade de la défense aérienne et à y saisir des armes légères et moyennes.
Finalement, l'opération militaire menée par les brigades précitées a abouti à dominer le centre-ville de Deraa, plusieurs villages de l'entourage et à menacer la route internationale menant à Damas.
Cependant, l'opération a été suspendue à la mi-mars, vu l'impossibilité de la prise d'assaut de la totalité du gouvernorat de Deraa et des frappes préventives menées par l'armée syrienne au rif de Damas, ce qui a rendu irréaliste la bataille de la capitale.
Quel était l'objectif de l'opération de Deraa?
Deux éventualités étaient envisagées : la chute du gouvernorat jusqu'aux frontières jordaniennes ce qui assurerait la mise en place d'une zone sécurisée ou assurer la communication avec les rebelles censés mener la bataille de Damas.
Mais en plus des obstacles militaires qui ont entravé la réalisation des objectifs stratégiques de l'opération, «un fait inconnu» est survenu et gelé la situation.
Selon les estimations du commandement syrien, les interventions via la Jordanie, seront toujours tributaires du bras de fer en cours entre les pressions américano-saoudiennes et les pressions populaires sur la scène jordanienne, laquelle témoigne d'une décision politique craignant un glissement plus grave dans la crise syrienne.
Source : Al Akhbar, traduit par : moqawama.org