La France brandit les armes, convoitant une part dans le compromis syrien
L’appel du ministre français des Affaires Étrangères, Laurent Fabius, à lever le blocus européen sur l’envoi des armes à la «résistance syrienne», ouvre un nouveau chapitre de la guerre syrienne : une guerre internationale par procuration, sur la Syrie. Le ministre français se présente sur la scène du combat en Syrie, en vue «de rectifier le déséquilibre des forces, causé par le flux des armes provenant de l’axe ennemi, à savoir, la Russie et l’Iran, en faveur du régime syrien».
Il a dit : «nous refusons que soit maintenu le déséquilibre des forces. L’Iran et la Russie livrent les armes à Bachar Assad d’une part, et des résistants sont incapables de se défendre, d’une autre».
De surcroît, une délégation militaire syrienne se trouve à Moscou pour remettre une liste comprenant les aides militaires nécessaires, au moment où la capitale russe entame la livraison de 36 avions d’entrainement du type YAK, capables d’exécuter des opérations de combat.
L’appel urgent de Fabius à lever le blocus européen sur l’envoi des armes à ce qu’il appelle «la résistance syrienne», s’inscrit, en premier lieu, dans le contexte des polémiques russo-françaises, concernant la légitimité de l’armement russe au régime syrien et constitue une riposte à la déclaration du ministre russe des AE, Serguei Lavrov, ayant dit que le fait d’armer l’opposition syrienne était une violation de la loi internationale.
Fabius aspire, comme il avait précisé, à ce que «les Européens entreprennent de lever le blocus pour que les résistants syriens puissent se défendre».
En second lieu, les faucons de l’UE, Français, Britanniques et Italiens, oeuvrent pour développer l’appui militaire à un bras militaire modéré de la «révolution syrienne», représenté par «le conseil militaire unifié» lequel dirige cinq fronts militaires, censé combattre sous l’ombrelle de la Coalition syrienne.
Les Français avaient parrainé la présentation du commandant de ce conseil, le général Selim Idriss, au Parlement européen à Bruxelles, la semaine dernière, à l’issue d’une visite effectuée à Paris, où il avait discuté des détails du soutien militaire escompté.
Fabius a réclamé à ses homologues européens de mettre un terme au blocus imposé sur la remise des armes aux rebelles syriens, pressant les britanniques de tenir la réunion de l’UE, avant la fin du mois. À rappeler que la réunion des ministres des AE européens, le 18 février dernier, avait prorogé la mise en œuvre du blocus de trois mois supplémentaires, jusqu’au 30 juin prochain.
De ce fait, la remise en question du blocus ne sera pas débattue, avant la réunion des ministres européens à Bruxelles, en fin mai. Cependant, les Européens n’expriment pas un grand enthousiasme à l’égard de l’armement de l’opposition syrienne, notamment l’Allemagne.
À la lumière des calculs européens actuels, et par défaut de position unanime, les Français seront confrontés à la muraille du besoin de l’unanimité, pour annuler le blocus. Un fait qui n’a pas été possible dans le passé et pourrait ne pas l’être durant la prochaine réunion. Le compromis entre les deux camps a abouti à réduire la période du blocus, d’un an à trois mois et à élargir la liste des équipements logistiques qui pourraient être livrés à l’opposition syrienne.
La porte-parole de la Haute-représentante des Affaires étrangères de l'Union européenne, Maya Koniceancic, a indiqué au quotidien libanais Assafir, que «la seule proche opportunité, pour discuter de la question de la levée du blocus des armes, serait durant la réunion de concertation, non officielle, des ministres des AE de l’UE, à Dublin, au début de la semaine prochaine. Mais aucune décision ne pourra être prise durant cette réunion».
Concernant l’appel de la France et de la Grande-Bretagne à accélérer la prise de la décision, Mme Koniceancic a précisé : «tout pays est en mesure d’avancer une telle demande, mais le processus de la prise de la décision nécessite du temps et des mesures appropriées. Nous ne sommes pas prêts à un tel processus.
En réponse à une question selon laquelle le mouvement franco-britannique serait une riposte à l’entente émergeant entre la Russie et les États-Unis, la porte-parole s’est contentée de dire : «nous poursuivrons le travail avec nos partenaires internationaux pour parvenir à une solution politique».
L’absence de l’unanimité n’empêcherait pas toutefois les Français et les Britanniques d’armer l’opposition.
Fabius a dit : «la France est un pays souverain et projette d’armer l’opposition syrienne, tout comme la Grande-Bretagne, en dehors de l’UE».
Cette éventualité semble incertaine. Si les pressions françaises et britanniques échouent à modifier la position de l’Union, une révolte d’un membre essentiel de l’Union, telle la France, contre les décisions de cette instance, sera un acte sans précédent.
En fait, Fabius clôture plusieurs mois d’hésitation, face à l’armement de l’opposition syrienne.
Prenant en compte les réalités militaires sur le terrain, il est évident que les armes de qualités, lesquelles les Français et les Britanniques projettent de livrer à l’opposition syrienne, tomberont dans les mains de «jihadistes», après que la branche salafiste de la révolution, est devenue un élément dominant sur le terrain, grâce au flux des armes provenant de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de la Turquie.
Par ailleurs, l’appel de Fabius à l’armement de la révolte, dévoile une concurrence en cours entre les parties du tandem français-turc-britannique et arabes (pays du Golfe), pour parrainer des groupes des rebelles.
Cette concurrence pour trouver des agents locaux dans le conflit syrien, vise, en premier lieu, à consolider le pouvoir de forces régionales dans le commandement du conflit. Elle vise, en outre, à passer du pari sur les formations politiques, pour dominer, encore plus, les groupes combattant contre l’armée syrienne, en préparation à la confrontation prochaine avec le courant «jihadiste» en Syrie, après la chute présumée d’Assad.
Pourtant, si Fabius voulait vraiment armer l’opposition, la France n’avait pas attendu son ministre des AE pour le faire.
Les services de renseignements français sont actifs depuis longtemps via les frontières turques, jordaniennes et Libanaises, dans l’entrainement et l’armement des rebelles.
Mais il parait que Fabius, aspirait par sa récente déclaration, à rattraper le véhicule du compromis américano-russe, qui avance, à l’insu des Français.
En effet, les deux puissances internationales avaient écarté la totalité des Européens des pourparlers en cours entre elles.
D’ailleurs la concordance entre les déclarations de Lavrov et les positions américaines quant à la participation d’Assad au processus politique en Syrie, justifient les craintes françaises d’une initiative politique en solo, avancée par la Russie et les États- Unis, avant le sommet de Doha.
Lavrov avait déclaré, à la suite de John Kerry «Nous convenons que la période transitoire en Syrie est une nécessité et que la base en est la déclaration de Genève… Nous appelons les opposants à former une délégation pour participer aux négociations, le plus tôt possible».
Un pôle opposant syrien avait révélé au quotidien Assafir, que Lavrov lui avait promis, lors d’une rencontre tenue en début de semaine à Moscou, que la Russie proposera une initiative coordonnée avec les Américains, avant le sommet de Doha, afin d’acculer les qataris.
Par conséquent, les Français visent par leur récente escalade verbale sur l’armement de l’opposition, à se réserver une part dans le compromis prévu entre les Russes et les Américains, et dans les prochaines échéances auxquelles il faudrait à tout prix participer, dont notamment, la reconstruction de la Syrie. Une reconstruction, dont le coût est estimé par les experts, à des dizaines de milliards de dollars, et de laquelle les Français pourraient être écartés.
Source : Assafir, traduit par : moqawama.org