Les Chrétiens d’Orient au cœur des intérêts stratégiques du Vatican
Deux développements ont braqué l’éclairage sur la politique étrangère du Vatican, à l’égard de la crise syrienne.
Le premier découle des déclarations du nonce apostolique en Syrie, Mgr Mario Zenari, qui avait accusé la communauté internationale de se dérober de la responsabilité face à ce qui se déroule en Syrie, comme l’avait fait Ponce Pilate au nom de l’empereur de romain (selon l’histoire chrétienne, ce romain avait condamné le Christ à la mort et s’en est dérobé, en dépit de sa conviction sur l’innocence de Jésus). Ces déclarations furent suivies de menaces de mort lancées par les groupes rebelles contre le prélat.
Le second développement est relatif à l’abdication du pape Benoît XVI, ce dernier étant connu par l’intérêt qu’il porte aux Chrétiens du Levant.
Selon les sources du Saint-Siège, proches de l’église libanaise, les départements du Vatican interprètent clairement les développements en Syrie, loin des intérêts étroits. «Au Vatican, une séparation existe entre la religion et l’Etat, car c’est l’intérêt public qui l’intéresse. De ce fait, cet Etat n’intervient pas directement en Syrie ou dans les pays arabes, son chef n’étant pas un leader politique. Et par conséquent, la vision du Vatican envers la violence, le meurtre et l’intimidation n’est guère nouvelle, mais s’oppose à tout ce qui porte atteinte à la dignité humaine».
La personnalité chrétienne interviewée par Assafir ajoute : «Grâce à cette politique prônant l’intérêt public, le pape défunt Jean Paul II avait aboli les obstacles séparant les communautés et construit des canaux de communication avec des pays de différentes croyances religieuses et idéologiques, dont notamment «Israël» et l’Iran. Durant son mandat, le nombre des nonciatures a atteint 165, sachant que le Vatican est le plus petit Etat au monde». Sur ce, «les propos du Mgr Zenari, avaient pour objectif de cesser la violence en Syrie et d’encourager le dialogue, et non de soutenir le président Bachar Assad ou autre».
La politique étrangère ne changera pas envers le Liban et le Moyen Orient, avec la fin du mandat de Benoît XVI. De ce fait, «les appréhensions des Chrétiens d’Orient seront toujours au cœur des intérêts stratégiques du Saint-Siège», affirme la même source, qui explique «l’attachement et l’affection historique du souverain pontife à la région et notamment au Liban». Elle rappelle que le Liban est le seul pays arabe gouverné par un président chrétien, d’où les visites papales récurrentes à ce pays, où Benoît XVI avait prononcé une phrase complète en langue arabe, pour exprimer sa bénédiction, ce qui a rarement été fait dans l’histoire des papes.
En politique, le Vatican adopte une nouvelle approche à l’égard des chrétiens d’Orient. Une approche sans précédent, sur fond de la guerre d’Irak, suivie de l’exode de plus de 200 mille chrétiens. Un fait qui a placé la crise syrienne au cœur des préoccupations quotidiennes de l’Eglise.
Selon les responsables du Vatican, «l’initiative ne doit rester dans les mains des Américains et des Européens, surtout après leur expérience en Irak, où il a été prouvé que Saddam Hussein avait constitué, plus que ces derniers, une garantie pour les Chrétiens, qui sonnaient alors les cloches de leurs églises, mais qui hésitent à l’heure actuelle de se diriger aux lieux de culte, craignant les attentats».
Les départements du Vatican considèrent avec une grande suspicion, la question de l’exode massive des chrétiens syriens. Ils examinent minutieusement les calculs des pays tels les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et les pays européens, lesquels s’abstiennent de délivrer des visas d’émigration aux Syriens, en attendant la distribution de leurs nombres en quotas, ce qui a porté atteinte à la dignité des émigrés.
La nouvelle politique du Vatican a deux revers : Refuser, en premier lieu, de suivre celle de l’occident. «En effet, la politique du Saint-Siège a influencé l’administration américaine. Cette dernière a modifié ses approches concernant la Syrie et s’est abstenue d’y intervenir militairement et d’envoyer des armes lourdes à l’opposition syrienne», comme l’affirment des personnalités laïques proches du Vatican.
Et de préciser : «Les efforts du Vatican se poursuivent auprès de l’administration américaine en vue d’empêcher la fragmentation de la Syrie, puisque la politique étrangère du Saint-Siège est constante quant au maintien des intérêts stratégiques, dont notamment, la présence chrétienne en Orient. Pour parvenir à ces fins, le Vatican n’utilise pas les armes, ni les militaires, mais compte plutôt sur 72 millions d’Américains catholiques qui influent sur les élections américaines».
Le second revers de la politique du Saint-Siège, est illustré par son ouverture rapide à l’Eglise orthodoxe de l’Orient, notamment à l’église russe. (Certains évoquent l’histoire des tsars russes, ayant protégé les Chrétiens du Liban dans les XVIIe et XVIIIe siècles).
Selon les mêmes sources, le Vatican avait donné des directives depuis le début de la crise syrienne, pour la solidarité entre les chrétiens, dans un contexte de crainte pour leur sort et leur pays, à cause notamment de l’émergence de groupes de mercenaires lesquels ont vandalisé leurs lieux de culte et les ont intimidés, les poussant à fuir leurs régions, surtout à Alep. «Il n’est pas étonnant que les dates des fêtes soient unifiées entre les deux Eglises à long terme. D’ailleurs la visite du patriarche maronite Béchara Boutros Raï en Syrie, pour prendre part à la cérémonie d’intronisation du patriarche grec-orthodoxe Yohanna Yaziji, ne fut pas un détail insignifiant, mais a eu lieu selon un ordre direct émis par le Vatican».
Cette politique du Saint-Siège a avorté le projet consistant à créer des mini-états confessionnels, desquels bénéficierait «Israël», même si l’effusion de sang se poursuit en Syrie. «Le Vatican exhorte quotidiennement toutes les parties au consensus en Syrie, dont la crise ne peut être réglée que par le dialogue», affirment enfin les sources proches du Saint-Siège.
Source : Assafir, traduit par : moqawama.org