La France-Syrie-Liban-Afrique… Une même ligne de feu
Lorsque le ministre syrien des Affaires Etrangères, Walid Mouallem, a annoncé vouloir «effacer l’Europe de la carte», son homologue français, Bernard Kouchner, a malicieusement souri.
Citant Kouchner, on rapporte que «le ministre syrien et son président sont détachés de leur peuple et que la chute du régime ne tardera pas».
Le mandat de Kouchner et de son président Nicolas Sarkozy est révolu et le président Bachar Assad est toujours au pouvoir.
La France se place actuellement au-devant de la ligne de feu avec la Syrie. Le président François Hollande s’est explicitement prononcé sur la nécessité du départ d’Assad. Il a affirmé son intention d’armer l’opposition après l’entente sur la formation d’un gouvernement. Ce fut le premier responsable occidental qui reconnaît «la coalition syrienne opposée au régime», comme représentant unique du peuple syrien.
La France avance vers le feu syrien, au moment où Washington et Moscou oeuvrent pour le règlement de la crise en et autour de la Syrie. Les Américains avaient tantôt utilisé l’Europe comme caisse financière au Moyen Orient. Ils concluent les accords et en récoltent les bénéfices, alors que l’Europe payait les coûts. Les tentatives de règlement de la crise du Moyen Orient, sans aucun résultat, ni à Madrid et ni à Oslo, illustraient toujours cet exemple.
La France a bravé le barrage américain une seule fois. Lorsque le président défunt Hafez Assad a décidé d’engager les Français dans les accords d’avril en 1996, entre «Israël» et le Liban. Un fait qui a soulevé l’ire des Américains, mais Assad avait insisté sur le rôle français et a réussi.
Cette période a été précédée par l’arrivée de Jacques Chirac en Syrie, où il a conclu «l’accord du siècle» avec Hafez Assad, avec lequel il a convenu des relations stratégiques englobant plusieurs domaines, à l’exception de la technologie sophistiquée.
Chirac a reçu Bachar Assad, avant que le dernier ne devienne président. Il a décidé de le parrainer conformément à un accord tacite avec Hafez Assad.
Les portes des relations ont été largement ouvertes entre les deux pays. Paris avait alors accepté de publier un communiqué commun entre les ministres des Affaires Etrangères des deux pays, reconnaissant pour la première fois la complémentarité des rôles des deux pays au Liban. Ce fut la première concession historique française, faite à l’égard du petit pays, placé au passé sous le mandat français.
Les relations se sont compliquées après quelques années. La cause annoncée était l’insistance de la Syrie à appuyer la prorogation du mandat du président Emile Lahhoud. Chirac a fermement soutenu son ami, l’ancien Premier ministre défunt Rafic Hariri. On avait évoqué un grand appui financier fourni par le Premier ministre Libanais à Chirac et à son parti. Hariri avait réussi à renverser l’équation historique entre le Liban et la France. Cette dernière reconnaissait la priorité de ses relations avec le leader sunnite, aux dépens des chrétiens et notamment des maronites.
Lorsque Hariri fut assassiné, Chirac a été le premier à accuser la Syrie du meurtre, à partir de la demeure de Hariri à Paris.
Chirac n’a pas hésité à remplacer le terme «complémentarité» entre les rôles de la France et de la Syrie au Liban, par celui relatif à l’importance du rôle iranien. On disait qu’il voulait provoquer la colère d’Assad.
Avec l’arrivée de Sarkozy à la présidence, il a tourné la page de son prédécesseur. Il a adopté une attitude ouverte en face de Damas. Il espérait modifier la politique syrienne à l’égard d’Israël et de l’Iran.
Avant son accès au pouvoir, le président de droite avait écrit un livre dans lequel il fait l’éloge de la Syrie, de son peuple et de son histoire. Il a tenté de tisser des relations amicales avec Assad. Mais tous ces efforts ont échoué plus tard. Sarkozy et ses proches ont entrepris d’accuser Assad de ne pas tenir à ses promesses.
Assad a indiqué à proches : «c’est vrai. Je ne pouvais pas répondre aux demandes de Sarkozy en ce qui concerne Israël, la Résistance et l’Iran».
Sarkozy est même allé jusqu’à demander le départ d’Assad, même au moment où son ambassadeur à Damas affirmait l’impossibilité de ce départ. Sakozy était le président français le plus proche des Etats-Unis. Les relations des deux pays ont connu un âge d’or, totalement contraire à l’attitude de Jacques Chirac, ayant provoqué les Américains par son refus de la guerre contre l’Irak.
Les relations semblent très tendues ces jours-ci entre Paris et Damas.
La capitale française a décidé de reconnaitre la coalition de l’opposition syrienne, de lui fournir les armes, mais aussi de nommer un ambassadeur de la coalition en France.
Certains responsables syriens accusent la France d’être impliquée militairement dans le conflit syrien. D’autres l’accusent de faciliter l’acheminement des armes et l’entrainement des combattants, ainsi que le financement de l’opposition. On parle de même d’un accord secret entre Paris et Qatar contre le régime syrien, ce qui a généré des contrats qataris de milliards de dollars sur le territoire français.
Ces informations peuvent être vraies ou fausses. Mais le danger de la situation de la France, découle de son implication actuelle dans deux opérations militaires au Mali et en Somalie, alors qu’elle participe aux forces de la Finul au Liban sud, et qu’elle a de grands intérêts dans la région. Qu’adviendra-t-il si le feu syrien contamine les pays du voisinage. Ou si l’organisation Al-Qaeda décide de se venger de l’intervention militaire de la France au Mali et en Somalie. Et si des informations dangereuses seraient divulguées sur la cause du meurtre des activistes kurdes à Paris?
On dit qu’une coordination étroite est en cours entre les services de renseignement de la France et ceux du Hezbollah. Une telle coordination est indispensable pour protéger les forces onusiennes au Liban sud. On dit aussi que l’appui de la France à la Libye et à la Tunisie, et ses relations fermes avec les pays du Golfe, lui épargneront la colère d’Al-Qaeda.
Mais en dépit de ces dires, une question cruciale se pose durant cette période délicate que traverse le monde arabe et islamique.
La France pourra-t-elle faire face aux conséquences de son «audace» dans le traitement d’un certain nombre de dossiers brûlants? N’était-il pas meilleur à la France de maintenir son rôle de médiateur dans les crises internationales, pour qu’elle ne chute de nouveau dans le traquenard des compromis et des intérêts internationaux?
On n’entend qu’une seule réplique en France : «Nous défendons le droit international et le droit des peuples à l’autodétermination. Nous soutenons le printemps arabe et luttons contre le terrorisme. Pour ces raisons nous avions refusé l’extension du terrorisme vers la Syrie».
Ces propos sont loin d’être convaincants, puisqu’il existe d’autres peuples aspirant à la liberté et à la démocratie, des peuples dont la France est alliée avec leurs régimes.
Il est indéniable que la France se place actuellement sur la ligne du feu. Mais il s’est aussi avéré que lorsque l’américain estime que ses intérêts s’opposent à ceux des Français au Moyen Orient, il n’hésite guère à faire prévaloir ses propres intérêts sur ceux d’autrui.
Source : Assafir, traduit par : moqawama.org