Qu’adviendra-t-il du Liban s’il chute avant la Syrie?
Des sources proches du président syrien Bachar Assad indiquent que ce dernier ne renoncera pas au pouvoir jusqu’au dernier jour de son mandat.
Ils étalent des cartes en trois couleurs. La partie jaune, délimite les zones récupérées par l’armée syrienne à la suite de violents combats. La partie orange, désigne les zones contrôlées par l’opposition armée et la partie verte, n’ayant subi aucun combat.
Ces personnes affirment que l’armée est encore puissante, contrairement aux propagandes, et que des surprises sécuritaires sur le terrain prouveront prochainement ce fait.
Cette évaluation officielle syrienne de la situation diffère de celle fournie par certains responsables de l’opposition.
Ces derniers affirment que le temps n’est pas en faveur du régime, que les éléments armés sont parvenus à harceler l’armée dans la majorité des régions syriennes et à contrôler des passages et des zones essentiels.
Ils ajoutent qu’ils sont parvenus à infiltrer toute la scène syrienne et que s’ils avaient reçu des armes plus développées, ils auraient tranché la bataille. D’ailleurs, ils prévoient l’acheminement de ces armes, après que l’occident s’est dit rassuré de la formation de la coalition de l’opposition, en dépit de sa méfiance à l’égard du front al-Nosra.
Depuis le début de la crise, chaque camp en Syrie fournit des preuves sur sa propre force. Tous les deux paraissent capables de se justifier. Alors qu’au Liban, le problème réside dans l’attitude de plusieurs responsables libanais, qui fondent leurs analyses et leurs politiques internes sur les soi-disant évaluations militaires, bien que le conflit en Syrie échappe de jour en jour au contrôle des Syriens, pour devenir du ressort de parties internationales, notamment de la Russie et des Etats-Unis.
Les visiteurs du président Michel Sleiman et du Premier ministre NajibMikati, rapportent sa conviction sur la force du régime syrien et l’impossibilité de sa chute dans le proche avenir.
Le président de la République indique que trois parties sont actives sur la scène syrienne: le régime, l’opposition et les combattants extrémistes. M.Sleiman souligne la nécessité de maintenir la politique de distanciation du Liban à l’égard de cette crise.
Selon les visiteurs de M. Mikati, il n’écarte pas la possibilité que les Etats-Unis soient en faveur du maintien du régime syrien, à condition d’appliquer le plan de Genève. Ce projet est similaire à celui qu’il avait lui-même proposé durant sa rencontre, depuis des mois, avec le secrétaire général de l’ONU.
Cette évaluation de la situation est accompagnée d’informations à la disposition de responsables militaires libanais, concernant un changement, ou un début de changement sérieux dans la vision américaine quant à la situation en Syrie.
Certains responsables sécuritaires libanais font état de la préoccupation de certains pays occidentaux à l’égard de l’intensification du rôle des djihadistes, alignés sur l’organisation Al-Qaeda, au sein des groupes armés en Syrie, et surtout du front «Al-Nosra». Ces responsables se fondent sur des informations, des images et des rapports remis par les Syriens aux Russes, afin de les transmettre aux Etats-Unis, dans le but de confirmer la théorie de l’infiltration d’Al-Qaeda de certains groupes syriens armés. Ils parlent même de rencontres sécuritaires tripartites, syro-américano-russes.
D’autres informations affirment que les cellules de l’organisation Al-Qaeda, sont désormais actives sur le territoire libanais. Leur action ne se limite pas à faciliter le passage des combattants vers la Syrie, mais aussi à surveiller certaines personnalités libanaises pro-syriennes, afin d’inscrire leurs noms sur la liste des personnes menacées de mort. Il existe de véritables craintes quant à l’installation d’Al-Qaeda au Liban et en Syrie, comme étant deux nouveaux terrains de djihad, à long terme.
Ces appréhensions de l’extension d’Al-Qaeda, poussent certains responsables occidentaux à interroger leurs homologues Libanais sur la situation du Liban et l’avenir de la Syrie en cas de chute d’Assad.
Il n’y a guère de réponses précises. La situation devient de plus en plus vague et les dangers se multiplient. Des dangers menaçant la Syrie, mais aussi le Liban. La scène libanaise est désormais une des lieux de prédilection des «Djihadistes» arabes et étrangers. La Syrie est un objectif principal, mais quel serait celui d’après?
Le quotidien israélien Haaretz, citant de hauts responsables jordaniens, met en garde contre «l’intention des djihadistes combattant en Syrie, de perpétrer des attentats en Jordanie et en Israël». «Israël» prend ces mises en garde au sérieux. Les hommes d’Al-Qaeda approchent de cette entité, sur plusieurs fronts: Le Sinaï en Egypte, la Jordanie, les frontières du Golan, le Liban nord et les profondeurs de l’Irak.
La coopération entre les services de renseignement de la Syrie, de la Jordanie, du Liban, de l’Irak et de l’Égypte, est en cours. On parle même d’une visite effectuée par le chef des renseignements égyptiens à Damas, où il aurait rencontré le président Assad. On parle aussi de mesures jordaniennes fermes, pour interdire le trafic des armes via les frontières. Un soldat jordanien avait tué un jeune homme pratiquant la contrebande des armes, après l’avoir arrêté. On disait que le jeune homme a été tué intentionnellement en vue de dissuader les autres.
Durant cette période charnière, les différends entre certains pays du Golfe et les frères musulmans s’intensifient, à partir de l’Egypte et jusqu’au Maghreb arabe. Certains dirigeants des Frères musulmans d’Egypte n’hésitent pas d’évoquer d’importantes sommes d’argent payées au Caire pour exercer des pressions contre le parti. Ces mêmes faits sont évoqués en Tunisie, avec le mouvement al-Nahda.
Les pays du Golfe, dont l’Arabie Saoudite, le Koweït et les Emirats arabes Unis peuvent-ils agir contre les Frères Musulmans sans coordination avec Washington?
Y-a-t-il deux avis aux Etats-Unis à l’égard des Frères Musulmans, à la suite de l’extension des salafistes, laquelle a soulevé les craintes américaines, à l’issue notamment du meurtre du consul américain à Bengazi?
Y-a-t-il une rivalité ou un différend saoudo-qatari en ce qui concerne les Frères Musulmans? La première s’y oppose et la seconde les appuie?
Un haut responsable libanais affirme que «les divergences sont sérieuses entre l’Arabie Saoudite et Washington, autour de plusieurs dossiers, y compris celui des Frères Musulmans et des djihadistes, mais aussi autour de la nature du soutien militaire aux groupes syriens armés. Riyad veut la chute du régime syrien quel qu’en soit le prix, alors que Washington insiste sur le départ d’Assad, mais dans le contexte d’un consensus avec les Russes».
Plusieurs indices émergent au sein de cette conjoncture: La déclaration du vice-président syrien Farouk Chareh au quotidien libanais al-Akhbar (Un entretien qui semble non coordonné avec le commandement syrien, mais qui l’a plutôt irrité), et la position annoncée par le président russe Vladimir Poutine, ayant dit: «Nous ne sommes pas préoccupés par le sort de Assad, mais par l’avenir de la Syrie et nous ne sommes pas en faveur du maintien du président syrien au pouvoir, à tout prix»…Des propos qui étaient nécessaires avant la tenue du sommet euro-russe à Bruxelles, mais aussi au dialogue entre Washington et Moscou autour de la crise syrienne.
Le déploiement des organisations djihadistes dans la région, poussent toutes les parties à examiner deux questions: le maintien du régime syrien, fort, est-il le meilleur moyen pour détruire ces organisations, ou l’accélération de sa chute?
Les Russes et les Américains ont convenu le maintien du régime, mais leurs divergences persistent pour l’instant à l’égard d’Assad et des intérêts russes dans une région promettant des richesses gazières et pétrolières. Les deux pays se sont de même mis d’accord sur l’impossibilité de trancher la situation militaire en Syrie, mais s’opposent toujours sur les moyens de faire cesser les combats. Ils se sont entendus sur la nécessité de transférer les compétences de la présidence au gouvernement, mais discutent toujours des composantes du prochain gouvernement ou du prochain régime en Syrie.
Ils se sont récemment entendus sur la poursuite de la mission de l’émissaire international Lakhdra Brahimi, étant la dernière chance pour un règlement politique de la crise. Ils ont décidé de l’appuyer en dépit de la contestation de certains pays du Golfe et d’une grande partie de l’opposition syrienne.
Qu’en est-il de l’avenir?
Moscou réalise que l’armée syrienne est toujours capable de combattre. Elle ne renonce pas à ses conditions.
Washington est conscient de la force grandissante des groupes armés, ce qui le pousse à refuser de faire des concessions.
Cependant, celui qui suit de près les déclarations des deux parties, déduit que l’écart entre elles est plus réduit que dans le passé. Cet écart diminuera encore avec les nominations prévues au sein de l’administration de Barack Obama. Nul ne peut nier que John Kerry, secrétaire d’Etat pour les Affaires Etrangères, est l’un des connaisseurs de la Syrie et des moins enthousiastes à la guerre contre ce pays.
Un consensus autour de la Syrie est donc probable, mais aussi les autres possibilités en cas d’échec du règlement de la crise, dont la poursuite de la guerre et la gestion de la crise pour longtemps, la division de la Syrie en deux parties hostiles ou enfin le débordement de la guerre sur certains pays voisins…Le Liban sera alors la scène la plus fragile puisqu’il renferme des parties prêtes au combat. Peut-être ce combat sera requis, chaque fois que s’approcheront les échéances politiques ou bien pour les marquer ou pour les entraver si la situation syrienne le nécessitait. En effet «la diplomatie des dépouilles» en cours actuellement entre le Liban et la Syrie, consistant à rapatrier les corps de Libanais tués lors de leur passage pour combattre en Syrie, cette diplomatie prouve que la politique de distanciation est similaire à plusieurs slogans libanais, inappliqués tout au long des dernières décennies.
Lorsque la Syrie témoigne de telles atrocités, aucune possibilité ne pourrait être écartée, y compris le débordement des combats sur les pays du voisinage.
Source: Assafir, traduit par: moqawama.org