Débat israélien sur l’avion mystérieux qui a bravé les mesures de l’armée israélienne
Les milieux politiques et médiatiques israéliens sont unanimes sur un fait : l’avion de reconnaissance qui a violé l’espace aérien israélien durant 20 mn, à 30 km du réacteur de Dimona, représente un nouveau défi aérien pour « Israël». Un défi qui change les règles du jeu établies par les autorités militaires et promues par l’armée dans les campagnes d’intimidation précédant la « troisième guerre du Liban », comme ils conviennent de l’appeler.
Les autorités officielles israéliennes se sont abstenues de toute riposte. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est contenté de dire que son pays connaît parfaitement comment défendre sa sécurité aérienne, maritime et terrestre.
Par ailleurs, les commentaires concis de l’armée, se sont concentrés sur la glorification de l’armée de l’air « qui a réussi à abattre le drone, selon une opération de trois étapes : détecter l’engin avant son entrée dans l’espace d’Israël, l’accompagner et le surveiller dans son survol et puis l’abattre dans une zone ouverte et dépeuplée ».
Mais cette réussite n’a pas été probante pour tous. Le climat ayant prévalu sur les débats entre les experts militaires lesquels ont tenté de comprendre les messages adressés par l’envoi de l’avion, n’a pas masqué les craintes israéliennes de l’avenir. Selon les analystes israéliens, le Hezbollah et l’Iran ont voulu livré plusieurs messages par l’envoi de l’engin au-dessus d’ « Israël ». Le message le plus fort stipule que les potentiels militaires du Hezbollah ne se limitent plus aux missiles mentionnés dans les rapports des renseignements militaires depuis deux ans. Le Hezbollah a divulgué quelques-unes de ses «surprises aériennes», tant évoquées par le secrétaire général du parti, sayed Hassan Nasrallah. Le Hezbollah a voulu avertir les israéliens qu’il n’était plus uniquement en mesure de menacer par ses arsenaux, une région au nord et même au sud «d’Israël», mais qu’il détenait aussi des potentiels en matière d’armes ariennes, le drone envoyé étant l’une d’une série de surprises préparées par le parti en cas de nouvelle guerre contre le Liban.
Cette partie du message suscite les craintes «d’Israël» quant à la répétition de la surprise du bateau «Hanit» frappé en 2006 par un missile maritime, mais cette fois, par la prise pour cible d’un avion israélien; le plus grand danger pour les israéliens, étant la chute de leurs avions sur le territoire libanais.
L’expert en stratégie militaire et directeur du Centre de dialogue stratégique, Robin Bedhestour, a indiqué à ce propos que «l’incident du drone affirme que le Hezbollah possède désormais des technologies développées. Des avions de reconnaissance avaient violé l’espace aérien israélien dans le passé, sans que nous ne parvenions à les abattre, mais aujourd’hui, et après l’arrivée du drone au cœur de l’espace aérien israélien, la situation a changé. Il est vrai que le Hezbollah ne possède pas encore la technologie lui permettant de fabriquer un avion de reconnaissance de ce type, ou de le commander à distance pour frapper des cibles stratégiques en «Israël», mais il pourra parvenir à ces fins grâce au soutien de l’Iran».
« De ce fait, la capacité du Hezbollah d’abattre des avions israéliens, notamment au-dessus du territoire libanais, est un danger qui doit susciter notre crainte», a ajouté Bedhstour.
Toujours au sujet de ce drone, les Israéliens ont omis de discuter la manière selon laquelle l’avion a été guidé. Bedhestour souligne l’importance de ce point. «Le Hezbollah pourrait avoir utilisé le système de guidage GPS qui permet à l’avion de survoler selon un système préétabli. Cette méthode est la moins préoccupante. Alors que la seconde possibilité, selon laquelle l’Iran aurait possédé des technologies avancées lui permettant de commander ces engins via satellites, est la plus dangereuse et la plus probable, d’après Israël. Un fait qui pourrait briser la règle du jeu militaire israélien dans la région», a expliqué Bedhstour.
Le Hezbollah a voulu adresser à travers le survol du drone un second message, affirmant que le Liban jouit des mêmes droits que les israéliens. « Les allégations des Israéliens sur leur droit de poursuivre le survol de l’espace libanais et de la prise des images leur assurant des renseignements sur le Liban sud, donnent au Liban et au Hezbollah le droit d’envoyer des drones au-dessus d’Israël », selon lui.
Ce dernier a estimé que le Hezbollah a voulu établir ses propres règles du jeu : «la capacité à affronter et à menacer, sans toutefois provoquer une escalade avec Israël».
Les deux analystes Zisser et Bedhstour ont convenu que le Hezbollah et l’Iran étaient conscients qu’Israël ne ripostera pas contre le Liban après l’incident du drone, car toute riposte signifiera le déclenchement d’une guerre. De ce fait le Hezbollah aurait livré un message fort, tout en empêchant l’escalade».
La surveillance de l’avion
Le rapport officiel de l’armée israélienne affirme que les radars ont détecté l’avion au-dessus de la mer, 20 mn avant sa pulvérisation. Il explique que l’armée n‘a pas frappé le drone dans les premiers instants de sa détection, pour ne pas le détruire au-dessus d’une zone peuplée et menacer la vie des citoyens. Un fait qui privera l’armée de la possibilité d’examiner les fragments du fuselage, et de connaître ses caractéristiques. En réplique à cette version, plusieurs questions sont posées dont entre autre : comment l’armée israélienne s’était-elle assurée que le drone ne portait pas de charges explosives, pour qu’elle attende vingt minutes avant de le prendre pour cibler?
Bedhstour a mis en doute le rapport de l’armée israélienne. Il a énuméré les dangers qui pourraient découler du passage du drone dans l’espace aérien israélien, au cas où il portait des charges explosives: Où l’avion a-t-il été détecté? Comment l’armée lui a-t-elle permis de survoler durant vingt minutes, sans connaitre sa destination? Et comment a-t-elle statué que les objectifs du survol de l’avion n’étaient pas dangereux, qu’il ne portait pas d’explosifs et qu’il n’était pas en route pour perpétrer un attentat? L’avion a-t-il été surveillé toute la durée de son survol d’Israël? s’est-il encore interrogé.
Nombreuses sont les questions posées, mais Bedhstour a rejeté la version de l’armée prétendant sa réussite dans l’opération. «Il est évident qu’on ne peut permettre à un avion ennemi de survoler notre territoire pour une longue durée. Il fallait le pulvériser au-dessus de la mer», a-t-il affirmé.
A partir des questions précitées, «Israël» appréhende le plus l’envoi de plusieurs avions en même temps au-dessus des territoires palestiniens occupés, dont certains seraient chargés d’explosifs, sans que les défenses aériennes ne puissent les atteindre tous.
L’opération du drone a poussé «Israël» à prendre des mesures pour faire face aux nouveaux défis. Les postes de surveillance ont été renforcés, des batteries de missiles terre-air du type «Patriot», comprenant des systèmes d’alerte précoce ont été déployées dans la région de Haïfa et au sommet du Mont-Carmel, dans le but de protéger des installations vitales importantes, notamment dans le golfe de Haïfa.
Le système de missile est capable d’intercepter des avions à partir d’une distance de 160 km, et des roquettes à partir d’une distance de 60 km.
Des réseaux d’alerte précoce ont été installés pour augmenter la capacité de la détection des missiles et des avions, survolant à une basse altitude.
Un responsable militaire israélien signale dans ce contexte que durant la prochaine guerre, des drones iraniens et syriens commandés à distance, perpétreront des attentats à l’explosif, contre des sites israéliens. Des drones sophistiqués et légers, dotés d’une grande précision dans la détermination des cibles et capables de porter une grande quantité d’explosifs.
«Israël» se prépare à faire face à l’éventualité de l’exploitation des avions de reconnaissance commandés à distance et survolant à basse altitude pour le lancement de missiles sur des cibles importantes, telles les bases militaires ou les installations stratégiques.
Source: Al Hayat, traduit par: moqawama.org
L’expert israélien dans les affaires du Moyen Orient, Eyal Zisser, a indiqué à ce propos que le survol quotidien de l’aviation israélienne de l’espace libanais durant trois ou quatre heures, sans l’objection de quiconque, donne au Hezbollah le droit d’agir de la même manière. «C’est ce que Hassan Nasrallah aurait voulu dire à Israël», a noté Zisser.