Les combats du Nord perçus par les Forces de l’Ordre: les salafistes veulent faire chuter la ville
Quel est l’agenda secret derrière les événements de Tripoli ? Et comment s’est-il manifesté durant la nuit de la grande déflagration, du 13 au 14 mai ?
Le récit débute le 10 mai, deux jours avant le tour de violence. Un heurt, dont les origines sont encore indéterminées, a eu lieu entre une unité des Forces de sécurité intérieure et le dénommé « Saad Masri », requis par la Justice par plusieurs mandats d’arrêts. Durant l’incident, « Masri » a été blessé à la nuque, transporté à l’hôpital et arrêté.
Des contacts ont été effectués afin de le libérer, dans le but de bloquer la voie à toute exploitation de l’incident pour faire exploser la situation dans la ville. Mais les FSI ont refusé de le remettre en liberté. Les proches du détenu ont entrepris de bloquer la rue « Azmi », condamnant son arrestation et appelant à sa libération.
Deux jours plus tard, et précisément après l’arrestation de Chadi Mawlaoui, un groupe de salafistes s’est déployé dans la place el-Nour, où il a observé un sit-in, menaçant de ne pas le lever avant la libération de Mawlaoui. Un petit kiosque de vente de cigarettes, dans la place el-Nour, et au mur duquel le propriétaire a posé les photos du commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwaji et du commandant de la section du service de renseignements de l’armée au nord, l’officier Amer Hassan, ce kiosque fut agressé par les salafistes et les photos des deux officiers, tout comme des caméras de surveillance, ont été arrachés. Des rumeurs font état que ces dispositifs de surveillance, sont fixés par le service de renseignements de l’armée.
Des milieux sécuritaires ont estimé alors que les deux incidents de « Masri » et du kiosque, sont un message adressé par les salafistes à l’armée, en riposte à son rôle dans l’arraisonnement du bateau d’armes Loutfallah 2. Le même message veut de même signifier que Tripoli est désormais sous la tutelle politique et sécuritaire des salafistes, une situation que l’armée doit prendre en compte.
Avec la première étincelle qui a déclenché les événements à l’issue du sit-in de protestation contre l’arrestation de Mawlaoui, Tripoli a été la scène de mouvements militaires salafistes orchestrés, allant en crescendo, d’une manière qui a reflété un semblant de plan sécuritaire préétabli.
Les observations suivantes ont été notées :
Au même moment, cheikh Salem el-Rafehi a lancé des déclarations, appelant à bloquer toutes les rues, en protestation contre l’arrestation de Chadi Mawlaoui par la Sûreté Générale. C’est ce qui a eu lieu par la suite. Les miliciens salafistes ont rejoint leurs homologues non armés, qui observaient un sit-in sur la Place el-Nour et ont commencé à bloquer les rues menant à la place.
En effet, la transformation du sit-in salafiste en activité militaire intensive dans la place el-Nour, a poussé le PSNS (parti social national syrien) dans la rue « Jemmazat », située près de la place, à se mobiliser, tout comme les groupes palestiniens du Front populaire pour la libération de la Palestine-direction générale, du camp Beddaoui, attenant à la ville.
Dans la nuit du 13 au 14 mai, les préparatifs militaires des mouvements salafistes étaient à leur apogée :
L’intensification des accrochages a été accompagnée dans la même nuit, du déploiement dans la ville, des groupes salafistes venant de ses quartiers et d’ailleurs. Ils ont érigé des remparts en face de Jabal-Mohsen et les remarques suivantes ont été enregistrées :
Des sources sécuritaires ont estimé d’environ 3500 combattants, les effectifs des milices qui ont participé au plan visant à contrôler Tripoli dans cette nuit.
Cette nuit critique, deux réunions qui résument les objectifs et les origines des événements ont eu lieu : La première à l’appel de M. Mikati, visant à œuvrer pour retirer les combattants et les manifestants des rues.
Durant cette même réunion, des indices ont montré que les salafistes veulent « légitimer » leur contrôle militaire de la ville, sous la couverture d’une présence formelle des organismes de sécurité de l’Etat.
M. Mikati semblait hésiter. Il a ensuite promis d’œuvrer pour libérer Mawlaoui. Mais sa proposition a été froidement reçue par les personnes réunies chez M. Kabbara.
Le quotidien Al-Akhbar relate les détails du récit de la bataille de Tripoli, comme les narrent des responsables militaires qui ont suivi la situation de près.
Ces faits sont apparus ordinaires dans la conjoncture de Tripoli. Mais il s’est avéré par la suite, qu’ils sont liés à ce qui se tramait en secret contre la ville.
Les premiers mouvements militaires salafistes ont été entrepris par un groupe de 70 membres, reconnu sous le nom du groupe « Abou Omar Sawah », en référence à son dirigeant. Ce groupuscule a semé des barrages mobiles sur la route Kobbeh-Zghorta.
Après plusieurs heures, il a étendu ses activités et augmenté le nombre des barrages sous la direction de plusieurs de ses membres, dont « Abou Salah », « Bassam. A » et « Moustapha. M ». Un combattant de ce groupe a tiré sur une voiture passant par l’un des barrages, ce qui a fait un blessé.
Les membres du groupe ont diffusé des rumeurs dans la ville, prétendant que les tirs ont été lancés à partir de Jabal-Mohsen (quartier alaouite de la ville).
Cette rumeur a contribué à accentuer la tension, puisque notamment le groupuscule de « Sawah », ne s’est plus contenté des barrages ambiants, pour se déployer dans la majorité des quartiers de la ville.
Avec le début de la soirée du 13 mai, tous les indices politiques et sécuritaires indiquaient que la ville se préparait à une grande déflagration.
Des camions chargés d’armes et surtout de munitions, circulaient sous la direction de « Abou Moukhaiber », qui circulait à bord d’une jeep aux fenêtres camouflées, suivie de deux pick-up chargés d’armes. Il a vidé la première partie de la cargaison de munitions dans la région de la « Régie » et la seconde (la plus grande) a été déchargée dans le quartier de Bab-Tebbené, toujours sous sa supervision. Immédiatement après, les accrochages entre Bab-Tebbené et Jabal-Mohsen ont repris de plus belle.
-Des groupes salafistes comptant environ 400 combattants, en provenance du Akkar, ont avancé vers Beddawi à Tripoli, où ils ont rejoint leurs homologues résident dans la ville.
- Un rôle militaire apparent du cheikh Salem Rafehi, qui a dirigé des groupes de l’armée syrienne libre.
-Un groupe de partisans du député Mohammad Kabbara, s’est déployé dans plusieurs quartiers de la ville.
-Des groupes commandés par cheikh Houssam Sabbagh ont été observés sur le terrain.
Ce nombre est proche de celui estimé par les renseignements militaires de l’armée américaine, qui avait indiqué au passé la présence d’environ 3800 à 4000 miliciens dans le Nord. Une source sécuritaire proche du 14 Mars a affirmé que le nombre des combattants comprend des milliers et non des centaines de personnes.
Parallèlement aux développements militaires- dont l’ampleur et les objectifs s’éclaircissaient peu à peu- et à la recrudescence des accrochages, les contacts se sont intensifiés. Le Premier ministre Najib Mikati tentait de contenir la crise. Les responsables et partisans des salafistes et des notables de la ville, tentaient d’élaborer les positions politiques relatives aux développements.
Une seconde réunion simultanée à la première, a été tenue chez le député Mohammad Kabbara, à l’issue de laquelle il a incité à l’escalade. Les participants à cette réunion, ont réclamé au député Ahmad Karamé de se retirer du gouvernement, sinon de subir « le jugement de l’histoire ».
Dans le même contexte, le représentant du service de renseignements de l’armée a dit durant la réunion tenue chez le Premier ministre : émettez une décision politique en Conseil des ministres et nous serons prêts à pénétrer dans les quartiers de la ville.
Le lendemain, le Conseil supérieur de la Défense a décidé de passer outre l’idée de retirer l’armée de Tripoli. Il a exploité les débuts d’une trêve relative dans la ville pour étendre la zone de déploiement de l’armée dans la capitale du Nord.
Mais face au déploiement de l’armée, les groupes des combattants ont tracé par leur positionnement, la carte d’un affrontement qui pourrait être déclenché à tout moment.
Source: Al Akhbar, traduit par : moqawama.org