Plan de Trump pour Gaza: Pourquoi est-il contraire au droit international?
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Par AlAhed - Sarah RAAD
De Pékin à Paris en passant par Moscou, Téhéran, Riyad, Amman ou Le Caire, la proposition de Donald Trump d’une prise de contrôle américaine de Gaza et d’un déplacement des 2,2 millions de personnes qui y vivent a provoqué un véritable tollé à l’échelle de la planète. Selon les experts, les propos du président américain sur l’enclave palestinienne pourraient être constitutifs d’une «incitation directe à commettre un crime contre l’humanité».
Pour nombre d’experts en droit international, les déclarations du président américain sont claires. Et elles sont contraires à ce droit.
Lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, mardi 4 février, au côté du «Premier ministre israélien», Benjamin Netanyahu, Donald Trump a proposé que les Etats-Unis prennent le contrôle de la bande de Gaza, en grande partie détruite par les bombardements «israéliens», pour en faire «la Riviera du Moyen-Orient», après avoir déplacé les Palestiniens vers l’Egypte ou la Jordanie.
«Il est essentiel de rester fidèle au fondement du droit international», a réagi le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, après avoir pris le temps de parler au roi de Jordanie. «Il est essentiel d’éviter toute forme de nettoyage ethnique».
Une grenade politique et juridique
«C’est une grenade politique et juridique lancée sur le Moyen-Orient», résume Michael Lynk, professeur de droit à l’Université de Western Ontario et ancien rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens.
Il s’agit selon lui d’une réflexion improvisée, inspirée par «l’extrême droite israélienne». Elle serait toutefois politiquement et juridiquement impossible à réaliser.
«Le nettoyage ethnique des 2,2 millions de Palestiniens de Gaza, en droit international, on appelle ça un déplacement forcé. Il s’agit d’une violation grave des conventions de Genève de 1949, qui régissent les lois de la guerre et de l’occupation. Les États-Unis et Israël sont tous deux signataires de la Convention de Genève», explique le professeur.
«De plus, ce déplacement forcé constituerait un crime contre l’humanité, en vertu du Statut de Rome de 1998, qui a donné naissance à la Cour pénale internationale. Et le statut de Rome s’applique aux territoires palestiniens occupés, à Jérusalem-Est, à la Cisjordanie et à Gaza», prévient M. Lynk, soulignant que «les dirigeants américain et israélien pourraient ainsi être pénalement responsables d’avoir procédé à des déplacements forcés, même si ni Israël ni les États-Unis ne sont signataires du Statut de Rome».
Et de conclure: «Il s’agit d’une violation de la diplomatie internationale et ce sera une position impossible à tenir politiquement, compte tenu de l’opposition des Palestiniens et de l’opposition de tous les pays arabes et musulmans de la région».
Une succession de violations du droit international
Pour Françoise Bouchet-Saulnier, autrice du Dictionnaire pratique du droit humanitaire, «les propos de Donald Trump ne sont pas une solution politique à la crise, mais une incitation directe de son allié israélien à commettre un crime contre l’humanité». «Il est difficile de croire qu’une incitation au crime puisse constituer un vrai conseil d’ami».
Le projet de l’homme d’affaires américain est une succession de violations du droit international. «Prendre la population d’un territoire occupé, ou contrôlé, pour l’expulser ailleurs, à travers des frontières internationales, le droit international appelle cela la déportation», précise Françoise Bouchet-Saulnier.
Ces actes sont qualifiés par le statut de la Cour pénale internationale de «crimes de guerre» ou de «crimes contre l’humanité» «si la déportation ou le transfert forcés d’une population sont effectués dans le cadre d’une politique délibérée et massive contre des civils», conclut-elle.
Un projet «tout simplement criminel»
Dans le même contexte, Olivier Corten, directeur du Centre de Droit international de l’ULB, indique que la proposition de Donald Trump se heurtait frontalement au droit international.
Il distingue trois axes majeurs:
-Premièrement, elle est totalement contraire au principe de l’intégrité territoriale de la Palestine et des territoires palestiniens occupés, c’est-à-dire de la Palestine dans les limites de 1967 qui se retrouvent dans les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.
-Le deuxième point, c’est qu’il s’agit quand même de déporter une population. Souvent, on utilise ce terme de manière un peu abusive. Ici, c’est vraiment ça. C’est expulser des gens de leur propre pays de manière forcée. Et ça, c’est un crime de droit international. C’est même un crime contre l’humanité. Et donc ici, c’est tout simplement une proposition qui consiste à organiser un crime contre l’humanité.
-Troisièmement, et dernier point quand même, il y a aussi les autres États concernés comme l’Égypte, la Jordanie qu’il s’agit de forcer à accepter sur leur territoire des centaines de milliers, voire des millions de personnes. Évidemment, là aussi, c’est totalement contraire à leur souveraineté.
«Une exigence qui rendrait ces pays complices de crime contre l’humanité», souligne le professeur de droit international.
Ce projet est «tout simplement criminel», résume Olivier Corten.
Le nouveau locataire de la Maison-Blanche a lancé cette bombe diplomatique laissant le monde tout entier se concentrer sur ses déclarations ridicules. Mais ce projet, hormis qu’il serait contraire au droit international, est-il vraiment réalisable? Seuls le peuple et la résistance palestiniens qui ont survécu pendant 470 jours une guerre génocidaire, lancée par «Israël» avec le soutien complet de ses alliés occidentaux, notamment les États-Unis, peuvent répondre à cette question…