«Le Cygne Noir» en Mer Rouge: Le Yémen continue de surprendre l’Occident
Traduit par AlAhed
Les responsables du ministère américain de la Défense utilisent désormais le terme de «Cygne Noir» pour décrire l'implication embarrassante de Washington et de Londres en mer Rouge et dans le Golfe Arabe, où leurs forces navales se retrouvent dans une situation extrêmement complexe, contrairement à toutes les prévisions.
Le terme «Cygne Noir» fait référence à la difficulté de prévoir les événements-surprise, partant du principe que tous les cygnes sont blancs et que le cygne noir, rare, est une surprise (sa découverte en Australie occidentale étant inattendue). Ce terme s'applique ainsi à la mauvaise évaluation américaine de la situation au Yémen.
En effet, la marine américaine, préparée pendant des décennies à affronter éventuellement l'Union soviétique, puis la Russie et la Chine, se retrouve en train de combattre un groupe que les États-Unis qualifient de «rebelle», dans une position géographique mortelle, menaçant ses intérêts de domination sur les mers et les voies navigables.
Après six mois de l'intervention américaine en mer Rouge et mer Arabe au profit de l'entité «israélienne», de nombreux instituts de recherche ainsi qu'un rapport des services de renseignement américains et les avis de plusieurs experts et responsables américains, s'accordent à dire que l'administration a échoué à arrêter les attaques du mouvement Ansarullah, et que plus de 65 pays ont été affectés, tandis que 29 grandes entreprises mondiales de transport et d'énergie ont dû changer de trajet.
Dans le même contexte, des dirigeants et experts militaires américains ont déclaré à l'agence «Associated Press» que cette campagne a entraîné la bataille la plus difficile à laquelle la marine a été confrontée depuis la Seconde Guerre mondiale. L'agence cite également Eric Bloomberg du navire USS Laboon en mer Rouge, disant que «les gens ne comprennent vraiment pas la gravité de ce que nous faisons et l'ampleur de la menace pesant sur les navires».
Par conséquent, des questions ont été soulevées sur la manière de sortir de cette impasse, avec des recommandations indiquant que la question ne concerne plus la victoire, mais seulement la réduction des pertes matérielles et morales pour les forces navales militaires les plus importantes au monde.
Cependant, les États-Unis, occupés par la normalisation entre «Israël» et l'Arabie saoudite, sont bien conscients des conséquences de cela sur la sécurité nationale yéménite, tandis que le royaume a bien connu l'échec de la réponse américaine face aux missiles et aux drones yéménites sur des cibles vitales sur son territoire pendant la guerre.
Selon les centres de recherche mentionnés, Ansarullah bouleverse les calculs de sécurité américains au Moyen-Orient, et l'affrontement actuel entre le «Commandement central américain» et Ansarullah doit servir de rappel réaliste des risques et des complications qui attendent l'administration de Joe Biden et le Congrès, dès que la proposition d'accord de sécurité américano-saoudien sera rendue publique et nécessitera la ratification du Sénat.
En revanche, le Yémen suit attentivement l'évolution de la communication saoudienne-«israélienne» sous parrainage américain et les détails des accords américano-saoudiens ; il n'acceptera en aucun cas que la normalisation constitue une menace pour sa sécurité nationale. C'est pourquoi le leader d'Ansarullah, sayyed Abdel Malik Al-Houthi, s'est demandé dans son dernier discours «qu'est-ce qui pousse le régime saoudien à rechercher la faveur d'Israël, et à transformer la tragédie de Gaza en un accord de normalisation puis en une orientation hostile contre le peuple yéménite ?». Il s’est adressé au régime saoudien en disant : «Cette recherche de la faveur d'Israël n'est pas dans votre intérêt ni dans celui de votre peuple, mais un service qui vous nuit, vous déshonore et profite à l'ennemi israélien».
Le terme de «Cygne noir» s'applique à la mauvaise estimation américaine de la situation au Yémen
Les développements de la mer Rouge ont mis en lumière les grands défis de sécurité auxquels sont confrontés les États-Unis et leurs alliés dans la région. Malgré les efforts répétés de la machine militaire américaine, elle n'a pas réussi à protéger le commerce mondial et à empêcher sa paralysie, tandis que les chaînes commerciales russes et chinoises restent inchangées.
Outre ces pertes, les risques dépassent ce qui menace la vie des soldats, des officiers et du matériel, car le feu yéménite poursuit la force solide chargée de protéger les navires pendant le transit. Dans ce cadre, plusieurs médias occidentaux ont parlé du danger de la mission des forces américaines, ainsi que de la mission européenne, et de la mobilisation permanente des équipages travaillant sur les porte-avions et les destroyers, où l'on peut clairement voir les bouches de lancement de missiles brûler en raison des opérations répétées qu'elles mènent face aux missiles et aux drones yéménites. Parfois, les marins n'ont que quelques secondes pour consulter les autres navires et ouvrir le feu sur une pluie de missiles qui peuvent se déplacer à une vitesse supérieure à celle du son.
De même, les commandants des forces navales rapportent que le développement du Yémen se poursuit de manière remarquable à tous les niveaux, que ce soit en termes de tactiques et de méthodes de travail ou de capacités et d'équipements utilisés. Cela s'applique également à ses capacités de renseignement qui dépassent l'imagination. En effet, les Américains ont découvert qu'ils étaient confrontés à un effort de renseignement géré par l'intelligence artificielle, et que cet avantage vital n'était pas leur monopole, mais que les forces yéménites maîtrisent l'utilisation des technologies et des logiciels qui traitent d'énormes quantités de données provenant de sources multiples, comme les rapports de renseignement et les résumés des capteurs, ce qui facilite la prise de décision rapide des commandants d'Ansarullah.
Avec le temps, les commandants militaires américains découvrent davantage d'évolutions dans les missiles yéménites, la dernière en date étant la découverte de l'existence de missiles hypersoniques (le Yémen fait partie des rares pays au monde à en posséder), ce qui signifie que la possibilité d'échapper aux systèmes d'alerte précoce et aux systèmes de défense aérienne est renforcée, et que la possibilité de frapper des cibles américaines qui étaient auparavant protégées est désormais plus importante. Quant à l'exploitation des tactiques militaires, elle couvre un large éventail d'innovations, de la tromperie à la défense passive, en attirant les forces américaines dans de mauvaises positions et des coordonnées erronées, en étant flexible dans le déplacement et le camouflage des équipements, en utilisant des capacités connues de manière inhabituelle, en créant des moules industriels pour des lignes de production d'équipements militaires adaptés à la géographie et aux nouveaux défis, et en intégrant d'anciennes capacités à de nouvelles.
Sur la base de ce qui précède, des recommandations sont adressées à la Maison Blanche, plus que jamais, sur la nécessité d'arrêter les causes qui ont poussé le Yémen à déployer ses forces en mer Rouge, c'est-à-dire de mettre fin à la guerre à Gaza. Dans ce cadre, Brian Clark, un ancien plongeur de la marine et auteur à l'«Institut Hudson», a mis en garde contre le fait de laisser la situation actuelle sans solution. Il a déclaré : «Nous sommes sur le point de permettre aux Houthis de mener des types d'attaques que les États-Unis ne pourront pas arrêter à chaque fois, et ensuite nous commencerons à voir des dommages considérables. Et si on laisse la situation s'aggraver, les Houthis deviendront une force plus puissante, plus efficace et plus expérimentée».
Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar