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Dossier des déplacés syriens au Liban: Mieux vaut tard que jamais !

Dossier des déplacés syriens au Liban: Mieux vaut tard que jamais !
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Par Fouad Karam
Voilà, c’est fait ! Plus de treize ans après le déclenchement de la guerre en Syrie qui a provoqué un exode massif de migrants syriens vers le Liban, le Parlement libanais s’est soudain réveillé et a émis une recommandation au gouvernement démissionnaire pour lui enjoindre de traiter ce dossier le plus rapidement possible. Pendant près de trois heures, les députés des différents blocs et des différentes tendances se sont succédé à la tribune de l’Hémicycle pour exposer leur vision du traitement de ce dossier, faire des reproches, lancer des pointes aux autres composantes politiques et se présenter en véritables sauveurs de la nation, face à ce que tous ont appelé «un péril existentiel». 
Plus de 13 ans après le début de l’arrivée du flot de migrants syriens, fuyant la guerre universelle déclarée contre leur pays, les députés libanais ont donc commencé à sentir la menace réelle que constitue la présence massive de Syriens pour un petit pays comme le Liban, à la composition confessionnelle variée, basée sur un équilibre délicat. Ils ont ainsi attendu que le nombre de migrants syriens atteigne près de 3 millions dont près de la moitié ne sont pas officiellement reconnus par le Haut Comité des Réfugiés des Nations Unies (UNHCR), parce que non recensés, pour reconnaître que ce dossier constitue un fardeau réel et exige un règlement le plus rapidement possible. 
La question qui se pose ici est la suivante: Pourquoi le Parlement et les parties politiques libanaises se sont soudain souvenus de ce dossier maintenant, alors que les chiffres sont devenus trop inquiétants et qu’est-ce qui peut être fait dans les circonstances actuelles ? 
Pour petit rappel, il faudrait mentionner que lorsque la guerre a éclaté en Syrie, en février 2011, un grand nombre de parties politiques libanaises, notamment les composantes du 14 Mars, appelaient à l’accueil des Syriens qui «fuyaient le régime de leur pays». En raison des pressions politiques, le Liban a donc ouvert ses frontières à tous ceux qui étaient hostiles au régime syrien et les grandes figures de l’opposition s’y sont installé pour mener leur lutte à partir de Beyrouth et d’autres régions du pays. L’idée qui prévalait à l’époque était que le régime syrien devait sauter au plus tard dans quelques mois et les Syriens reviendraient alors chez eux triomphants alors que le Liban serait parmi les vainqueurs puisqu’il a aidé et accueilli les opposants avant qu’ils ne prennent le pouvoir. Pour la vérité historique, la seule partie qui avait dénoncé cet accueil massif de Syriens, de façon désordonnée et sans le moindre plan, tout en poussant le Liban à prendre parti dans un conflit au sein d’un pays voisin, c’était le CPL et son chef Michel Aoun. Il avait d’ailleurs été accusé de racisme et de parti pris pour le faire taire…
Pour faire taire les critiques, le Liban a même créé un ministère des Réfugiés syriens, pour gérer en principe la présence des Syriens, mais surtout pour s’occuper des fonds qui étaient envoyés au Liban, le plus généralement directement aux ONG, en ne laissant que des miettes aux institutions officielles, pour aider les réfugiés syriens au Liban. Des écoles ont été appelées à ouvrir leurs portes selon un double horaire, le premier pour les élèves libanais et le second pour les Syriens et ainsi de suite…Une structure spéciale pour l’accueil des Syriens a été instaurée dans le système médical libanais, et dans tous les autres domaines…. Les années ont passé et il est devenu pratiquement clair à partir de 2017 que le régime syrien allait rester en place et que les combats en Syrie étaient devenus limités à certaines régions. Malgré cela, le flot de migrants syriens ne s’est pas interrompu. Il ne s’agissait certes plus de personnes fuyants les combats ou même le régime, mais de migrants à la recherche d’opportunités sociales et financières, sachant que les ONG donnaient aux Syriens des fonds pour qu’ils puissent vivre décemment et ouvrir un petit commerce. Malgré cela, les parties politiques, exceptées le CPL, n’ont pas protesté, ni considéré que ce flot incessant pour des raisons économiques ne pouvait à la longue que créer de véritables problèmes à la fois sécuritaires, sociaux et communautaires avec les Libanais. 
Que s’est-il donc passé maintenant pour que le dossier soit ouvert en grand et fasse l’unanimité des composantes politiques du pays ? Il y a certes eu l’odieux assassinat du responsable des Forces Libanaises, Pascal Souleiman par un gang de voleurs syro-libanais et la multiplication d’incidents du même genre impliquant des Syriens, mais aussi le fait que les ONG internationales ont réduit leurs fonds adressés aux migrants syriens, en raison de la nécessité d’envoyer des fonds aux déplacés ukrainiens et aux Palestiniens à Gaza. Des sources politiques disent aussi que face à l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays, et à l’impossibilité pour les composantes politiques internes de s’entendre pour l’élection d’un président de la République, celles-ci ont justement choisi d’ouvrir le dossier des migrants syriens pour cacher leur impuissance et détourner l’attention de la population…
Quelles que soient les raisons du soudain réveil de la classe politique sur ce dossier, le fait de l’ouvrir aujourd’hui en grand est certes préférable à l’insouciance qui a régné pendant des années. Ce dossier constitue en effet réellement une menace pour le Liban, pour son identité et sa diversité. Mais si la classe politique s’est soudain réveillée, la communauté internationale reste, elle, otage de sa politique qui rejette toute idée de renflouer le régime syrien, en lui donnant les fonds nécessaires pour accueillir les Syriens dans un pays détruit par des années de guerre, tout en refusant toute possibilité d’accueillir les migrants syriens chez eux. Autrement dit, les Syriens doivent rester au Liban, jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée au casse-tête que constitue la victoire militaire du régime syrien sur ses adversaires de l’opposition et avec eux, sur l’ensemble de la communauté internationale qui les a appuyés. Certains analystes vont même encore plus loin, considérant qu’en refusant à la fois d’accueillir les Syriens chez eux et de les aider à rentrer chez eux, la communauté internationale chercherait à créer au Liban une force sunnite (la majorité des migrants syriens appartenant à cette communauté) face à la force chiite de plus en plus importante…
Indépendamment de ces considérations qui restent à confirmer, il est certain que la démarche du Parlement en adoptant des recommandations officielles adressées au gouvernement au sujet du dossier des migrants syriens est un pas important. D’abord parce qu’elle est destinée à montrer à la communauté internationale, à la veille du congrès de Bruxelles, qui doit se tenir à la fin du mois de mai et qui est destinée à la situation des migrants syriens, que ce dossier fait l’unanimité au Liban. Pour la première fois depuis des années, toutes les composantes politiques libanaises sont d’accord pour dire qu’il faut à tout prix le traiter. Ensuite, toutes les parties libanaises sont d’accord pour renvoyer les Syriens qui n’ont pas de papiers légaux. Certaines parties veulent la fermeture des frontières avec la Syrie dans ce contexte et d’autres préfèrent une coordination avec les autorités syriennes, mais toutes veulent le départ des Syriens en présence illégale. Certes, dans les discours prononcés à la tribune du Parlement, les surenchères habituelles ont fait leur apparition, entre les parties qui veulent que l’armée libanaise sévisse aux frontières, alors qu’il serait tellement plus logique et efficace d’établir une coopération avec les autorités syriennes le long de la frontière, mais en définitive, ces discours destinés à la consommation locale font partie du paysage politique libanais. Ce qui compte désormais c’est que le Liban veut réagir et le gouvernement même démissionnaire a dans les mains une recommandation officielle du Parlement pour agir… Auprès des instances internationales, mais aussi avec les autorités syriennes. Pour la première fois depuis 2011, il devrait y avoir une action sérieuse qui dépasse le clivage traditionnel entre ceux qui s’alignent sur la position occidentale de rejet de toute forme de coopération avec les autorités syriennes et ceux qui considèrent que le Liban ne peut pas agir efficacement au niveau du retour chez eux des Syriens en présence illégale sur son territoire sans la coordination avec ces mêmes autorités… Comme dit le proverbe: Mieux vaut tard que jamais…  

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