Gaza-Ukraine, l’échec tonitruant des médias occidentaux
Par Fouad Karam
Comme si la guerre en Ukraine ne suffisait pas, celle qui se déroule depuis six mois à Gaza a encore plus mis en évidence l’absence d’objectivité des médias occidentaux.
Bien entendu, depuis le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine en février 2022, les médias occidentaux et en particulier européens ont rapidement choisi leur camp! Le président russe Vladimir Poutine est pour eux «le méchant» et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky «le gentil» ou en tout cas la victime, sans la moindre nuance ou subtilité. Ensuite, dès que la guerre a éclaté à Gaza, le même scénario s’est reproduit à travers les médias européens, au moins dans la première période: Pour ces médias, le scénario se résumait ainsi: «l’organisation terroriste, le Hamas a attaqué avec une rare barbarie les Israéliens dans les colonies au Nord de Gaza». Pendant les premières semaines du conflit, l’amalgame des médias européens était même clair entre «le méchant Poutine et le terroriste Hamas» d’un côté et «le gentil Zelensky et les victimes israéliennes» de l’autre. Sur les plateaux de télévision français par exemple, il était impossible d’entendre (et de voir) un expert, un journaliste ou n’importe quel autre invité, qui ne qualifie pas le Hamas de «terroriste» et ne prenne pas parti en faveur des «victimes israéliennes».
Certes, avec le temps, les médias européens ont commencé à procéder à un léger changement, il était par exemple devenu possible de voir sur certaines antennes des membres d’ONG comme «Médecins du monde» ou autres, rescapés de «l’enfer de Gaza», raconter cette expérience insupportable avec les civils palestiniens ciblés violemment par les Israéliens. Mais à chaque fois qu’un témoignage de ce genre était fait en direct, le journaliste s’empressait de rappeler que tout a commencé par «l’attaque barbare et terroriste» du 7 octobre par le Hamas contre «les Israéliens tranquilles»...Sur les chaînes européennes et en particulier françaises, nul n’a songé à expliquer aux téléspectateurs que le 7 octobre a eu lieu parce que la situation des Palestiniens de Gaza était devenue insoutenable, avec un blocus qui dure depuis des années, ainsi qu’avec un plan clair, non seulement de ne pas laisser naître un Etat palestinien, en dépit des accords conclus précédemment en ce sens, mais aussi d’éliminer la cause palestinienne de la mémoire collective mondiale et en particulier arabe, en accélérant le processus de normalisation des relations entre l’entité sioniste et les Etats du Golfe. De même les mauvais traitements réservés aux prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes exigeaient une action rapide de la part des Palestiniens pour rouvrir ce dossier.
Le clou de la désinformation a eu lieu après l’attentat terroriste contre le «Crocus City Hall» à Moscou, le 22 mars dernier. Comme par hasard «Daech» a publié un communiqué pour revendiquer l’attentat qui a fait près de 140 morts, tous des civils. Pour diverses raisons, le président russe Vladimir Poutine a mis en doute cette revendication rapide et insistante (il y a eu un second communiqué le jour suivant), en laissant entendre que les Ukrainiens pourraient être derrière cet attentat, en ayant recruté des extrémistes du Tadjikistan dans le but de l’exécuter.
Aussitôt les médias européens se sont emparés de l’affaire et des spécialistes militaires ou en affaires terroristes se sont succédé sur les chaînes de télévision pour expliquer pourquoi Poutine ment en accusant les Ukrainiens. Quel était l’argument avancé ? «Poutine veut en réalité cacher l’échec de ses services de renseignements qui n’ont pas pu prévoir une attaque de cette ampleur et il se rabat sur l’ennemi actuel, à savoir l’Ukraine pour faire taire son peuple et pour orienter sa colère au lieu qu’il pose des questions». L’argument pourrait être valable s’il s’appliquait à tout le monde. Par exemple, pourquoi ne pas dire, selon cette même logique, que lors de l’attaque du 7 octobre, les «services de renseignements israéliens», connus pour être parmi les plus «performants» du monde, ont aussi échoué à prévoir l’opération ? Pourquoi accuser les combattants du Hamas d’avoir accompli une «attaque barbare», alors que les Palestiniens et les Israéliens sont en conflit et que les premiers accusent les seconds d’occuper leur terre ? Une attaque pour libérer le territoire ou faire bouger des négociations qui piétinent depuis des années, alors que les conditions de vie des Palestiniens s’aggravent sans cesse, devrait être prévisible, surtout pour un service aussi «efficace» que celui de l’armée israélienne ! Pourquoi ne pas dire aussi que les Israéliens ont immédiatement accusé le Hamas des pires actes de violence, justement pour cacher l’échec dramatique de leurs «services de sécurité» et même de leurs forces armées ? Mais comme cela devient courant dans les médias occidentaux, ce qui est valable dans une région ne l’est pas ailleurs. Les Israéliens ont donc le droit de tuer plus de 33000 Palestiniens à Gaza pour camoufler l’échec de leurs forces armées, alors que Poutine n’a pas le droit de douter de la revendication par «Daech» de l’attentat de Moscou et s’il ose réagir, ce serait justement pour cacher l’échec de ses propres forces armées et par conséquent, sa faiblesse.
De même, nul n’a le droit de mettre en doute la revendication de «Daech», tout simplement parce qu’elle arrange les Occidentaux. Pourtant, ce sont bien les Occidentaux, et non la Russie, qui ont monté une coalition internationale pour combattre «Daech» en Irak et en Syrie, non la Russie ou l’Iran, tout comme nul n’a le droit de dire que l’opération «Déluge d’Al-Aqsa» est justifiée en raison du comportement des Israéliens depuis des années qui rejette toutes les possibilités de compromis et cherche à rendre impossible l’émergence d’un Etat palestinien... A en croire les médias européens, Poutine et le Hamas ont tout faux. Ce sont les «ennemis des valeurs occidentales et de la démocratie», alors que les Israéliens, eux, ont le droit de tout faire parce qu’ils sont «attaqués» et qu’ils se sentent «menacés»...
Jamais encore comme depuis le 7 octobre 2023, la politique des deux poids deux mesures n’a été aussi flagrante. Les médias occidentaux qui prônent la liberté de presse et se veulent la voix des victimes et des faibles ont trahi leurs propres valeurs. Ce n’est peut-être pas la première fois, mais cette fois, c’est évident et désormais, seuls restent dupes ceux qui ne veulent pas voir la réalité.