Les militaires tiennent les rênes à l’Élysée et les diplomates sont en colère : la France s’engage dans une guerre militaire et politique contre la Palestine
Par Al-Akhbar, traduit par AlAhed
Les fortes pressions qui semblaient initialement freiner l'administration française et l'empêcher de s'impliquer dans une guerre mondiale contre les Palestiniens ne semblent pas avoir réussi à modifier les orientations du président français Emmanuel Macron, de son équipe politique, diplomatique et militaire. Les objections non officielles des diplomates et des politiciens au sein de l'administration française n'ont pas réussi à freiner le programme d'action de Macron pour prendre des mesures exécutives dans la guerre contre la résistance en Palestine et au Liban.
Bien que la France ait voté la semaine dernière en faveur d'une résolution du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu global dans la bande de Gaza, cette position reste purement symbolique et ne se reflète pas dans les actions directes du gouvernement français et de ses agences.
C'est similaire à la situation des Émirats arabes unis, qui ont présenté la résolution, tout en participant activement à la guerre contre le Hamas et en proposant des alternatives économiques à l'entité ennemie après la restriction des mouvements des marchandises par voie maritime, y compris le projet de pont terrestre pour le transport de marchandises vers l'entité occupante depuis le port de Dubaï, via une route terrestre passant par l'Arabie saoudite et la Jordanie.
Paris se prépare à accueillir, mercredi prochain, une réunion à laquelle participeront les États-Unis, des pays de l'Union européenne, «Israël», le Japon, l'Australie et d'autres pays, sous le titre «Confrontation avec le Hamas». Bien que la France n'ait pas réussi à attirer la présence de pays arabes ou islamiques à cette réunion, Paris affirme que la communication et la coopération avec les pays arabes et islamiques sont en cours, même si elles ne sont pas officiellement annoncées.
La recherche d'un rôle
En ce qui concerne le comportement français, toutes les communications sérieuses sur la situation à Gaza se déroulent sans aucune présence française, et les parties concernées par le conflit ne trouvent pas nécessaire de faire appel à Paris ou de solliciter son intervention. Alors que les forces de résistance savent que les Français ne sont pas de leur côté, «Israël» souhaite des initiatives concrètes de la part de la France avant de lui accorder un rôle dans la phase suivante.
Par conséquent, le président français semble être plus enclin à soutenir la position israélienne, non seulement verbalement, mais aussi en exprimant sa volonté de prendre des mesures concrètes, en écartant les institutions traditionnelles du ministère des Affaires étrangères français qui semblent mécontentes de sa façon de travailler, tout en accordant un rôle plus important aux groupes plus proches des orientations américaines et israéliennes. Ce sont ces groupes qui sont à l'origine de l'appel de Paris aux pays qui se sont engagés dans la coalition contre «Daech» pour se réunir et former une alliance contre le Hamas, en adoptant le récit israélo-américaine qui établit une équivalence entre le Hamas et «Daech».
Selon des sources bien informées à Paris, il existe trois groupes au sein des ministères de la Défense et des Affaires étrangères qui travaillent à la formulation de l'idée d'une alliance internationale contre le Hamas.
On note une augmentation du rôle des militaires dans ce processus au détriment du «groupe des Affaires étrangères», ce qui suscite un grand mécontentement parmi ces derniers. Les militaires établissent des listes de personnes accusées de terrorisme ou de soutien au terrorisme, en coordination avec leurs homologues israéliens, bien que certains militaires français se moquent lors de leurs réunions privées des allégations d'«Israël» quant à ses capacités et son niveau de combat. La principale préoccupation de ces militaires est l'axe de la résistance, car ils croient que les Palestiniens sont incapables, par eux-mêmes, de mener une opération complexe comme celle qui a eu lieu le 7 octobre dernier. Ils agissent sur la base de l'idée qu'il y a un rôle majeur de l'Iran et du Hezbollah, tout en reconnaissant ne disposer d'aucune preuve ou donnée tangible pour étayer cela.
De plus, Macron s'entoure d'un groupe de penseurs et de responsables qui affirment que la France peut participer à la formulation d'une solution politique en jouant un rôle de soutien sur le terrain en faveur d'«Israël». Ce groupe qui influence les décisions de Macron, entretient des liens solides avec les Israéliens et les Émiratis. Parmi eux, on trouve le conseiller du président pour les affaires de sécurité, l'ancien ambassadeur français aux Émirats arabes unis Xavier Chatel, et l'expert français des mouvements islamiques Gilles Kepel, qui a révélé après les événements liés à l'Esplanade des Mosquées son positionnement sioniste radical.
Il semble que l'orientation actuelle de l'administration française soit davantage axée sur une coordination sécuritaire et opérationnelle avec les Israéliens, mais avec une certaine «différenciation» dans la «position humanitaire», telle que le soutien à un cessez-le-feu pour ouvrir la voie à un rôle politique dans la recherche d'une issue à la guerre dans les semaines à venir.
Les discussions en cours révèlent qu'une modification a été apportée à l'«évaluation de la situation» qui prévalait lors des premières semaines de la guerre. Cette évaluation penchait en faveur de la croyance selon laquelle la guerre avait démontré que l'axe de la résistance n'était qu'un « phénomène sonore » et que ses forces principales, notamment le Hezbollah, étaient en retrait. Cependant, il semble que ceux qui partagent cette opinion aient modifié leur point de vue avec la poursuite des affrontements entre le Hezbollah et l'armée d'occupation le long de la frontière avec le Liban et leur intensification, ainsi que les attaques continues des forces de résistance en Syrie et en Irak contre les bases américaines. Ce que les militaires en France, tout comme leurs homologues occidentaux, redoutent le plus, c'est l'entrée en force d’«Ansarullah» au Yémen sur le champ de bataille, ainsi que l'escalade de leurs actions, passant du bombardement de sites en Israël à la prise pour cible de navires israéliens, puis à la déclaration de disposition à cibler tout navire se dirigeant vers les ports de l'entité occupante.
Ces évolutions ont changé la position des Français, qui considèrent à nouveau les forces de l'axe de la résistance comme une menace stratégique à l'heure actuelle.
Dans le cadre de cette orientation, les Français ont entrepris une première mesure concrète de soutien à «Israël», qui s'est manifestée par l'annonce de la marine française selon laquelle la frégate multi-missions «Languedoc», opérant en mer Rouge, a intercepté et détruit «deux drones lancés depuis le Yémen» dans la nuit du samedi au dimanche.
Le texte de l'appel français à la réunion «Confronter le Hamas»
«Réunion pour affronter le Hamas, 13 décembre 2023 – Paris» est le titre du document secret émis par le ministère français des Affaires étrangères, dont «Al-Akhbar» publie une traduction non officielle de son contenu, qui indique :
1. Les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 ont ouvert une nouvelle ère d'instabilité locale et régionale, infligeant à «Israël» de lourdes pertes civiles et retenant en otage de nombreux ressortissants de plusieurs pays. Nos pays regrettent également toutes les victimes. Le Hamas représente une menace directe pour «Israël» et la stabilité du Moyen-Orient. Il ne représente pas le peuple palestinien et constitue une menace sécuritaire à long terme, entraînant des dangers et une détérioration sans précédent. Il est donc dans l'intérêt de la communauté internationale de limiter la capacité du Hamas à nuire, tout en soutenant en même temps l'Autorité nationale palestinienne dans cette démarche. Il est nécessaire de relancer des voies diplomatiques et politiques sincères conduisant à une solution à deux États (Palestine et «Israël») vivant côte à côte dans la paix et la sécurité.
En tenant compte de ce scénario élargi, la France propose une réunion pour discuter des moyens de prendre des mesures concrètes et coordonnées contre le Hamas, tout en renforçant la coopération pour atteindre cet objectif.
2. Cette réunion se tiendra le 13 décembre à Paris et sera ouverte à un nombre limité de partenaires clés : l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas, la Suède, la Belgique, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, le Kenya, le Nigeria, la République de Corée, la République démocratique du Congo, l'Inde, le Mexique, la Colombie, l'Uruguay, la Suisse, Singapour, ainsi qu'Israël et l'Union européenne. Nous tiendrons également les principaux partenaires arabes et la Turquie informés des efforts que nous entreprendrons dans ce cadre avec une grande discrétion et confidentialité.
3. L'objectif de cette réunion sera d'examiner les mécanismes existants de lutte contre le Hamas et d'étudier de nouvelles mesures pouvant être prises par le biais de discussions confidentielles, afin d'aboutir aux résultats souhaités et à des solutions concrètes. Les discussions viseront à réduire le financement du Hamas, à renforcer les sanctions et à lutter contre ses moyens de communication et de propagande.