Plus loin que Gaza et l’entité sioniste, c’est la région qui change...
Par Fouad Karam
L’opération «Déluge d’Al-Aqsa» entre dans son deuxième mois et les forces d’occupation israéliennes n’ont toujours pas pu surmonter «le traumatisme» (selon le terme utilisé par les médias israéliens) du 7 octobre. Ni les plus de 1000 massacres de civils effectués dans le cadre des bombardements contre Gaza (qui ont d’ailleurs tué essentiellement des enfants et des femmes), ni les petites incursions terrestres dans un territoire d’une superficie qui ne dépasse pas les 365 km2, ni les menaces et les navires de guerre américains, britanniques et autres, n’ont réussi à rétablir «l’honneur» perdu des Israéliens qui ont toujours misé sur leur «force» et sur leur «supériorité».
Après 31 jours de bombardements d’une barbarie inégalée, il n’y a toujours aucune solution en vue, les Israéliens considérant qu’ils doivent venger l’affront reçu avant de parler de quoique ce soit d’autre. Les Occidentaux les laissent faire, comprenant leur «besoin, comme l’a déclaré un diplomate occidental, de sang». Quand donc les Israéliens sentiront-ils qu’ils ont fait couler suffisamment de sang palestinien pour sauver leur face ? Les Occidentaux ne le savent pas mais ils détournent les yeux pour ne pas voir les horreurs commises par leurs protégés israéliens, bafouant ainsi les principes des droits de l’homme qu’ils ne cessent de mettre en avant tant que leurs intérêts ne sont pas en jeu.
La région vit donc aujourd’hui au rythme des tentatives israéliennes d’occuper Gaza, qui jusqu’à présent ont toutes échoué. Les Israéliens détruisent la bande mais ne parviennent toujours pas à marquer des points contre le Hamas. Au point que les experts militaires ne cachent pas leur conviction que si cela continue ainsi, les Israéliens ne pourront pas atteindre l’objectif qu’ils se sont fixés de détruire le Hamas. Exactement d’ailleurs comme cela avait été le cas en 2006, lorsqu’ils avaient décidé d’éliminer le Hezbollah du Liban, après l’enlèvement de deux de leurs soldats par cette formation... Dans une guerre qui a duré 33 jours et qui n’a pas épargné les ponts et les installations libanaises, sans parler d’une destruction massive des villages et localités du Sud, les Israéliens ont dû finalement se rendre à l’évidence, ils ne pourront pas détruire le Hezbollah et ils devront se contenter d’un accord indirect dans le cadre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité.
Aujourd’hui, la confrontation qui se déroule à Gaza et dans les territoires occupés entre dans son 32ième jour, et aucune possibilité de victoire pour les Israéliens ne se profile à l’horizon. C’est vrai que le nombre de martyrs civils augmente du côté des Palestiniens, mais les Israéliens n’ont pu, jusqu’à présent, marquer aucun point contre le Hamas qui continue à lancer des missiles sur les régions occupées et à mener des opérations sur le terrain, prenant de revers les soldats israéliens et les entraînant dans des pièges qui permettent au Hamas d’augmenter le nombre de leurs otages israéliens.
L’opération «Déluge d’Al-Aqsa», qui, de l’aveu des responsables du Hamas eux-mêmes, avait été planifiée pour permettre à cette organisation de capturer des otages israéliens pour pouvoir les échanger contre les prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes (qui sont près de 6000 et qui vivent dans des conditions terribles), est désormais devenue une question stratégique, qui pourrait changer les rapports des forces dans la région et par conséquent, ceux du monde entier.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que le secrétaire général du Hezbollah sayyed Hassan Nasrallah a consacré la plus grande partie de son discours du vendredi 3 octobre à définir les Etats-Unis comme le véritable ennemi. Il ne s’agit donc plus pour lui de considérer que les Israéliens sont l’ennemi, puisqu’à ses yeux, ils ne font plus le poids. Sayyed Nasrallah avait fait des allusions à ce sujet dans de précédents discours, mais cette fois, il a carrément considéré que les Etats-Unis sont la cause de la crise que traverse actuellement la région et les Israéliens ne seraient donc que des sous-fifres chez eux. C’est un grand pas, non seulement dans les propos du sayyed Nasrallah, mais aussi dans la compréhension du conflit qui secoue la région.
Une des conséquences de cette nouvelle approche de la part du sayyed c’est que la guerre qui se déroule à Gaza ne peut plus être réglée comme c’était le cas dans le passé, par des compromis rapides et des résolutions internationales qui ne sont d’ailleurs jamais appliquées. Cette fois, il faudra une entente beaucoup plus grande et profonde qui devrait changer les rapports de forces et les influences dans la région. Certains, au Liban et dans le monde, n’ont pas pris au sérieux les propos de sayyed Nasrallah ou alors ils ont préféré les critiquer, mais ce que le sayyed a voulu dire en définissant carrément les Etats-Unis comme l’ennemi c’est qu’il s’agit vraiment d’une guerre d’influence qui va changer le visage de la région. Depuis des années, on entend parler de la naissance d’un monde multipolaire après l’uni-polarité qui a mené le monde depuis la chute du Mur de Berlin en novembre 1989. Désormais, il ne s’agit pas de propos vagues, mais peut-être d’un schéma qui se précise...
Aujourd’hui, la crise provoquée au sein de l’entité sioniste par l’attaque du Hamas le 7 octobre est très profonde, de l’avis des Israéliens eux-mêmes. L’idée même d’«Israël, terre promise des Juifs du monde entier» est ébranlée et selon des chiffres que les Israéliens cachent, près d’un million d’entre eux auraient désormais choisi de quitter les lieux pour s’installer dans leur pays d’origine. Même la presse israélienne rapporte que les colons dans ce qu’on appelle «l’Enveloppe de Gaza» refusent de revenir dans leurs colonies tant que le Hamas restera présent dans le Nord de Gaza. De même, les colons installés au Nord de la Galilée affirment qu’ils ne veulent pas rester sur place tant que le Hezbollah est déployé à la frontière du côté libanais... Tous ces détails montrent que la crise de confiance au sein d’«Israël» est grave et la question ne peut plus être réglée par un simple compromis. Il faut désormais aller plus loin et c’est dans ce sens que les Etats-Unis sont directement impliqués, puisque tout changement en profondeur dans la région ne peut pas se faire sans eux...
C’est dans ce sens, estiment les observateurs, que le sayyed s’est directement adressé aux Etats-Unis et les a responsabilisés dans ce conflit sanglant. Désormais, il ne s’agit donc plus de quelques kilomètres de plus ou de moins, mais bien de l’utilité même de l’existence de l’entité sioniste et de son rôle ainsi que celui de nombreuses autres composantes dans la région.
En somme, la région, et peut-être le monde, sont à la veille de grands changements et nul ne saurait dire avec précision de quoi demain sera fait... Ce qui est sûr, c’est que «l’Axe de la Résistance» est en train de modifier les équations.