noscript

Please Wait...

Course régionale pour la reconstruction de la Syrie

Course régionale pour la reconstruction de la Syrie
folder_openAnalyses access_timedepuis 11 mois
starAJOUTER AUX FAVORIS

Par Fouad Karam

Soudain, la Syrie est redevenue au cœur de l’actualité régionale. Mais cette fois, il ne s’agit pas des développements militaires sur le sol syrien. Il n’est plus question, comme cela a été le cas pendant plus de dix ans, d’y envoyer des armes ou des combattants pour renverser le régime syrien. Au contraire, c’est désormais la course entre les différents Etats régionaux pour qui va contribuer le plus à la reconstruction de la Syrie.

C’est le rapprochement entre les dirigeants saoudiens et en particulier le prince héritier Mohammed ben Selmane et les autorités syriennes qui a donné le signal d’un véritable changement d’attitude arabe à l’égard de ce pays en proie à une guerre planétaire depuis 2011.

En réalité, le processus était en cours depuis quelque temps déjà et des rencontres avaient eu lieu entre des responsables sécuritaires syriens et saoudiens, mais ce n’était pas suffisant pour déclencher un changement d’attitude total arabe à l’égard de la Syrie.

Au moment où les dirigeants saoudiens ont décidé de conclure un accord avec les dirigeants iraniens sous l’égide de la Chine, prenant ainsi de court leurs alliés et partenaires traditionnels, ils ont aussi effectué un grand pas en direction de la Syrie. Cette fois, il ne s’agissait plus simplement de transmettre des messages dans le genre : nous n’avons pas vraiment participé à la guerre planétaire contre la Syrie, mais d’aller beaucoup plus loin dans le rétablissement des relations à la fois diplomatiques, politiques et économiques entre les deux pays.

Les dirigeants saoudiens et en particulier le prince Mohammed ben Selmane (MBS) se concentre désormais sur le développement interne de son pays. Il a pour l’Arabie de grands projets, dans le cadre de sa vision 2030 et pour cela, il a besoin de stabilité dans la région. Cette stabilité ne peut plus lui être assurée par son alliance avec les Américains, notamment l’administration actuelle tenue par les Démocrates, qui, eux, ne songent qu’à allumer des conflits et des guerres dans la région, d’abord pour assurer la sécurité d’«Israël», ensuite pour consolider leur influence et ensuite pour satisfaire le lobby très puissant des armes aux Etats-Unis. MBS a donc commencé à chercher d’autres alternatives, sans toutefois dépasser certaines lignes rouges posées par les Américains. C’est dans ce contexte qu’il a demandé aux Chinois de parrainer une entente avec l’Iran et en même temps il a choisi de se tourner vers la Syrie.

Selon des sources diplomatiques arabes, MBS a convaincu les Américains de la nécessité de ramener la Syrie dans le giron arabe en leur disant que c’est un des meilleurs moyens de réduire l’influence iranienne dans ce pays. D’autant que l’Arabie dispose d’une carte maîtresse à ce sujet, celle du financement de la reconstruction d’un pays en grande partie détruit par plus de 11 ans de guerre.

Le message a été clairement compris par les Iraniens et les Syriens et le président iranien s’est empressé de se rendre en Syrie, dans une visite officielle très remarquée, juste avant le retour officiel de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Il ne s’agissait pas seulement d’un message politique et diplomatique sur la place privilégiée de l’Iran en Syrie. D’importants contrats économiques et de développement ont été signés entre les deux pays dans le cadre de cette visite, pour bien montrer que la République islamique d’Iran compte avoir une place importante dans le processus de la reconstruction en Syrie.

Après la reprise des relations entre la Syrie et les Etats arabes, suite à la réintégration de celle-ci au sein de la Ligue, il y aura probablement de grands investissements dans la reconstruction de la Syrie, mais les Etats arabes devront tenir compte de la place réservée à l’Iran…

De même, une troisième partie cherche à monter dans le train de la reconstruction syrienne. Il s’agit de la Turquie. A la veille de l’élection présidentielle turque qui s’annonce mouvementée, le régime d’Erdogan a amorcé un rapprochement avec la Syrie, par le biais de la Russie. Après les nombreuses divergences qui l’ont opposées à l’actuelle administration américaine, le président turc serait désormais convaincu que son alliance avec les Etats-Unis ainsi que sa participation à l’OTAN ne peuvent plus suffire à assurer la stabilité et la prospérité de son pays. A l’instar de l’Arabie saoudite, il a donc commencé à chercher d’autres voies et de nouvelles alliances, notamment dans la région du Proche-Orient, vitale pour la Turquie. C’est dans cet esprit qu’il a opéré une volte-face par rapport à la politique qu’il avait adoptée à partir de 2011, en intervenant activement en Syrie, par le biais de groupes armés, notamment dans le Nord du pays. Aujourd’hui, sentant le vent et les intérêts tourner, la Turquie cherche à se rapprocher de la Syrie, en ouvrant en grand le dossier du retour des déplacés syriens et en même temps, en essayant d’investir dans la reconstruction de la Syrie.

Seuls les Etats-Unis et l’Europe restent à la traîne, refusant jusqu’à présent de reconnaître que leur pari sur la chute du régime syrien, après plus de 11 ans d’une guerre féroce et terriblement destructrice a été perdu. Toutefois, des sources diplomatiques arabes affirment que ce n’est plus qu’une question de temps pour l’Occident de reconnaître son échec en Syrie et de chercher à y revenir … toujours par le biais de la reconstruction. Les rapports de force dans la région, et peut-être dans le monde, ont changé. A chacun d’en tirer les leçons…

Comments

//