Présidentielle: Macron réélu, une victoire qui «oblige» face à une extrême droite au plus haut
Par AlAhed avec AFP
Emmanuel Macron a été réélu dimanche à la présidence de la République avec plus de 58 % des voix face à Marine Le Pen (environ 42 %), une victoire nette mais qui l'«oblige pour les années à venir» au vu du score inédit de l'extrême droite et d'une abstention élevée (28 %).
Donné de longue date favori à sa propre succession, Emmanuel Macron devient à 44 ans seulement le premier président sortant reconduit hors cohabitation, depuis l'adoption du vote au suffrage universel direct en 1962.
Il est aussi le troisième président de la Ve République à effectuer un deuxième mandat après François Mitterrand (1981-1995) et Jacques Chirac (1995-2007).
Marine Le Pen, elle, améliore de quelque huit points son score de 2017, où elle avait recueilli 33,9 % des voix.
La candidate du RN arrive en particulier largement en tête aux Antilles et en Guyane, tempérant ainsi l'impression de succès pour le camp Macron.
«Je sais que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l'extrême droite», a reconnu le chef de l'Etat lors de son allocution de victoire depuis le Champ de Mars à Paris.
«Et je veux ici les remercier et leur dire que j'ai conscience que ce vote m'oblige pour les années à venir», a-t-il poursuivi face à la Tour Eiffel, devant plusieurs milliers de personnes agitant des drapeaux français et européens.
Se posant en «président de tous», M. Macron a aussi tendu la main aux électeurs de Mme Le Pen, estimant que «la colère et les désaccords qui les ont conduits à voter pour ce projet doivent aussi trouver une réponse».
«Une éclatante victoire»
Mme Le Pen s'est, elle, réjouie de voir que «les idées» qu'elle représente «arrivent à des sommets pour un second tour de la présidentielle».
Voyant même dans son score «une éclatante victoire» et la manifestation du «souhait» des Français d'«un contre-pouvoir fort à Emmanuel Macron», qu'elle avait eu au téléphone juste avant.
Elle a immédiatement lancé «la grande bataille électorale des législatives», qui auront lieu les 12 et 19 juin.
Pour Emmanuel Macron, cette réélection est une forme d'exploit après un premier quinquennat scandé de crises, des «gilets jaunes» au Covid.
Elle place le pays dans la continuité sur ses grandes orientations économiques, européennes et internationales.
Sa victoire ne lui offre cependant pas un blanc-seing pour les cinq ans à venir, au moment où l'attendent des défis colossaux, sur fond de guerre en Ukraine et d'inflation galopante.
Se renouveler en profondeur
«Les années à venir à coup sûr ne seront pas tranquilles», a-t-il admis dimanche soir, avant de partir pour sa résidence de la Lanterne à Versailles.
D'ores et déjà, Emmanuel Macron a promis de se renouveler en profondeur, tant sur la «méthode» que sur le fond.
Une nécessité à la tête d'une France coupée en deux, voire en trois au regard du nombre d'électeurs parmi les 48,7 millions appelés aux urnes qui ont choisi de bouder les isoloirs alors que les trois zones scolaires sont en vacances.
Arrivé au pouvoir il y a cinq ans «par effraction», selon ses propres mots, M. Macron poursuit sa trajectoire personnelle météorique, à la fois classique et inclassable dans un paysage politique qu'il a dynamité.
Mais lui qui avait promis au soir de sa victoire en mai 2017 de «tout» faire pour que les électeurs «n'aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes» n'a pas réussi à freiner la montée en puissance de Marine Le Pen.
La candidate RN, qui a misé sur le pouvoir d'achat pour se démarquer, sera parvenue à lisser son image, sans rien céder à la radicalité de son projet sur l'immigration ou l'islam.
Fin du «plafond de verre»
Vingt ans après l'émergence surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002, jamais l'extrême droite ne s'est approchée à ce point du pouvoir sous la Ve République.
«C'est difficile de se remettre d'une troisième défaite» mais «dans le paysage des oppositions très éclaté (...) elle restera l'opposante en chef», anticipait le politologue Pascal Perrineau vendredi.
Ce clivage est cependant loin de satisfaire les Français comme en témoigne le niveau de l'abstention, estimé à 28 %, un record depuis la présidentielle de 1969 (31 %).
Le contingent des votes blancs et nuls a atteint 6,5 % (environ 3 millions), soit un niveau élevé mais moins important que le score inédit de 2017 (4 millions).
Emmanuel Macron est «le plus mal élu des présidents de la Vème République», a estimé l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon, arrivé en troisième position le 10 avril avec près de 22 % des voix.
Plusieurs centaines de manifestants, principalement des jeunes «antifascistes» et «anticapitalistes», ont protesté contre sa réélection dans quelques villes de France, avec des incidents à Rennes ainsi qu'à Paris.
Place au «troisième tour»
Jouant d'avance la carte de l'unité, M. Macron, qui a beaucoup triangulé à droite dans cette élection, a consenti des inflexions sur son projet pour séduire à gauche: davantage de concertation sur le report à 65 ans de l'âge de la retraite, et plus d'écologie aussi, avec la promesse d'une planification en la matière directement confiée au futur Premier ministre.
La date de son investiture formelle n'est pas encore connue mais interviendra nécessairement avant le 13 mai.
La course présidentielle terminée, s'ouvre maintenant la campagne des législatives où le chef de l'Etat essaiera de conserver sa majorité.
Une gageure selon deux sondages publiés dimanche, puisqu'une majorité de Français ne souhaiteraient pas le voir remporter ce scrutin.
A l'extrême droite, Eric Zemmour (7 % au premier tour) a mis dès dimanche soir la pression sur Marine Le Pen, affirmant que «c'est la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen».
«Le bloc national doit s'unir et se rassembler», a-t-il déclaré.
«Le troisième tour commence ce soir», a de son côté lancé Jean-Luc Mélenchon, en demandant de nouveau aux Français de l'«élire Premier ministre».
Un autre «troisième tour» pourrait avoir lieu aussi dans la rue, où risquent de converger dès le 1er mai tous les insatisfaits du scrutin présidentiel.