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Elections au Liban: front uni pour le Hezbollah et ses alliés, désordre dans le camp pro-occidental

Elections au Liban: front uni pour le Hezbollah et ses alliés, désordre dans le camp pro-occidental
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Par Samer Zoughaib

Il va de soi qu’il faut attendre le décompte des voix après la fermeture des bureaux de vote pour connaître le résultat des élections législatives, prévues le 15 mai. Cependant, en observant le paysage politique à deux mois du scrutin, on peut d’ores et déjà tirer certaines conclusions qui permettent de mieux comprendre le contexte pré-électoral.

Connaissant les objectifs que tentent d’atteindre les Etats-Unis et leurs alliés Occidentaux et régionaux à travers les prochaines élections, l’image qui se décante de cette observation ne les réjouit pas. Elle les inquiète même.

Il n’est un secret pour personne que Washington s’est beaucoup investi ces quatre dernières années sur les plans politique, diplomatique, financier et sur celui du renseignement pour transformer les législatives au Liban en moment fondateur d’une nouvelle réalité. Le souhait des Etats-Unis est de voir leurs alliés et représentants locaux rafler la majorité des sièges au Parlement. Le but ultime étant d’initier une dynamique susceptible de priver les armes de la Résistance de leur légitimité politique et constitutionnelle, comme l’a reconnu le chef du parti Kataëb, Sami Gemayel, il y a quelques semaines.

Les Américains n’ont ménagé aucun effort pour essayer d’atteindre cet objectif et n’ont pas hésité à utiliser toutes les armes, y compris celle du blocus financier et économique non-déclaré, plongeant le Liban dans une des pires crises au monde depuis la moitié du XIXème siècle, selon la Banque mondiale.

Les sanctions américaines et les «conseils» prodigués aux investisseurs individuels et institutionnels de ne plus s’intéresser au marché libanais ont entraîné une fuite des capitaux et provoqué la faillite du secteur bancaire et la destruction de pans entiers de l’économie.

Des pressions américaines tous azimuts

A travers ces mesures, auxquelles se sont ajoutés des pressions politiques, une campagne de dénigrement et de diabolisation ininterrompue contre la Résistance, une instrumentalisation de l’enquête sur la tragédie du port de Beyrouth (4 août 2020) et un réchauffement sécuritaire (les incidents de Khaldé, la tuerie de Tayyouné…), les Etats-Unis veulent créer un fossé entre le Hezbollah et la population libanaise. L’idée maîtresse est de faire assumer au Hezbollah la responsabilité de tous les maux qui frappent le Liban.

Dans le même temps, les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux, notamment la France et l’Allemagne, ont sorti de leur chapeau un nouveau lapin appelé la «société civile». Les associations et les ONG ont poussé comme des champignons ces deux dernières années, avec l’ambition de remplacer les «partis traditionnels» «discrédités» aux yeux de la population libanaise pour leur responsabilité dans la crise et leur incapacité à proposer des solutions.

Au lieu de se focaliser sur les questions socio-économiques, une grande partie de ces ONG a adopté le discours américain portant sur les armes de la Résistance et la soi-disant «occupation iranienne» invisible.

Le décor a donc été soigneusement préparé pour que les électeurs votent dans un sens répondant aux souhaits américains.

Mais en regardant de plus près le paysage politique et électoral, les fonctionnaires américains préposés à la gestion du dossier libanais doivent sans doute ressentir une grande frustration.

Deux mois avant le scrutin, les ennemis et les adversaires des Etats-Unis se présentent aux élections en rangs serrés, après avoir mis de côté leurs divergences.

Ceux que l’on croyait inconciliables, comme le Courant patriotique libre (CPL) et le mouvement Amal, Talal Arslan et Wiam Wahhab, ont décidé d’unir leurs efforts en concluant des alliances électorales lorsque cela s’avère nécessaire.

Le retrait de Saad Hariri a brouillé les cartes

La situation du Hezbollah et de ses alliés est aujourd’hui meilleure que lors du scrutin de 2018. Dans la circonscription de Jbeil-Kesrouan, par exemple, le CPL soutiendra le candidat de la Résistance, ce qu’il n’avait pas fait lors des dernières élections. Une entente a aussi été conclue dans la circonscription de de Baalbek-Hermel, contrairement à 2018.

Une coopération entre le CPL et le courant des Marada, qui sont à couteaux tirés depuis des années, n’est pas exclue dans certaines circonscriptions du Liban-Nord, selon des sources informées.

A l’opposé, le désordre règne dans le camp pro-occidental. La décision de l’ancien Premier ministre Saad Hariri de se retirer, ainsi que son parti, de la politique, a brouillé les cartes, compromettant les alliances du chef des Forces libanaises Samir Geagea et le leader druze Walid Joumblatt. Ces deux personnalités voient s’évaporer un important réservoir de voix qu’elles pensaient dans la poche.

La discorde bat son plein aussi entre les multiples ONG et les figures de la dite «société civile». De plus, les alliances entre les partis pro-américains (FL, Kataëb) et la «société civile» sont compromises dans plusieurs circonscriptions. Il en résulte une multiplication des listes qui se servent dans la même assiette.

Plus handicapant encore, les partis et forces pro-américains ont construit leur discours électoral autour de slogans irréalistes -comme «la libération du Liban de l’occupation iranienne»- qui ne convainquent pas les électeurs, lesquels attendent des solutions pour freiner la détérioration de leurs conditions de vie et améliorer leur situation économique dramatique.

Soixante jours avant les élections, les adversaires des Etats-Unis présentent donc un front uni et proposent des idées pour remédier à la crise, ou du moins pour en atténuer l’impact. Les amis de Washington, eux, se présentent en rangs dispersés avec un discours politique creux, qui ne répond pas aux aspirations des électeurs.

Dans ce contexte, il est légitime de se demander si les Etats-Unis ont encore intérêt à ce que le scrutin se tienne à la date prévue, surtout s’il devait confirmer et renouveler la légitimité populaire de la Résistance et de ses alliés.

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