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Des pages inédites sur la guerre de juillet, dévoilées par Berri et narrées par Ali Hassan Khalil (2)

Des pages inédites sur la guerre de juillet, dévoilées par Berri et narrées par Ali Hassan Khalil (2)
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Traduction: Dina Chamseddine

Le ministre Ali Hassan Khalil continue de relater au quotidien Assafir ses propres notes sur les circonstances de la guerre israélienne de 2006 :
« Nous sommes alors entrés dans l’ère du feu, où la mort nous guettait à tout instant et la politique interne nous traquait».
Ce que nous publions en cet épisode ne reflète pas nécessairement notre avis politique et n’est surtout pas une réplique aux distorsions conçues par l’imagination de Jeffrey Feltman dans Wikileaks, informations que nous avions clarifiées par la publication des véritables comptes rendus des réunions. Ce sont des réalités que nous avions vécues auprès d’un président doté d’une mémoire vive, qui me pressait de publier mes notes.
 
Le 13 juillet, les indices montraient que nous étions devant une guerre ouverte, comme l’ont indiqué plusieurs ambassadeurs qui n’ont pas proposé des compromis ou des solutions, mais réitéré d’une façon systématique les réclamations des Israéliens. La scène des bombardements s’est élargie hors du Sud pour atteindre la Békaa et la Banlieue sud, où le bâtiment de la chaîne Al-Manar a été ciblé, et l’aéroport de Beyrouth fermé. Les pistes des aéroports de Riak et de Koleiaat ont été bombardées et un blocus non déclaré fut imposé par les navires israéliens. En dépit de l’escalade israélienne, hajj Hussein Khalil m’a informé que le commandement du Hezbollah maintenait toujours sa décision de riposter par des tirs de roquettes bien calculés, pour démontrer la capacité de la résistance à toucher la profondeur de l’entité sioniste, laissant par contre la porte entre ouverte à un compromis sur un échange des otages.

Dès que le président Berri arriva à son bureau, nous lui dimes que nous ne sommes plus en face à une réaction à l’enlèvement de deux soldats mais plutôt à une guerre ouverte qui vise à modifier les règles du jeu, non seulement au Sud, mais aussi afin de régler des comptes internes et externes en rapport avec le rôle grandissant de la résistance   et  son impact sur les réalités arabes. Le président Berri a reconstitué les discours de ses interlocuteurs d’hier (12 juillet) et dit qu’il y perçoit le spectre de la résolution 1559. « Sinon comment interpréter tous ces propos qui dépassent la question de l’échange des captifs, vers celles des frontières, de la souveraineté et du retrait des armes. C’est le début d’une bataille dans laquelle le rôle de la politique sera décisif tout comme celui des combattants. Mais les réalités sur le terrain esquisseront seules les contours de la politique » a-t-il affirmé.

Nasrallah à Berri : notre bataille n’est guère d’ordre interne
Le président Berri appela par téléphone hajj Hussein Khalil et se mit d’accord avec lui sur l’intérêt de clore toute polémique au Conseil des ministres, la base étant de préserver la consistance de la scène interne. La réponse de Sayed Nasrallah fut claire : notre bataille n’est guère d’ordre interne. Nous sommes prêts à ne rien entendre ni voir pour nous concentrer sur la bataille. Mais il est important qu’aucune décision interne n’entrave notre activité face à Israël ».Le président Berri répondit : « C’est pour cela que je lutte ».

Hajj Hussein Khalil a rapporté qu’il a reçu un appel de Saad Hariri et qu’il lui a réitéré les propos du Sayed Nasrallah sur le rôle de son père martyr, Rafic Hariri, lors de l’agression d’avril 1996, notant que le Hezbollah s’attend à ce qu’il joue lui-même un rôle similaire.

Ce jour, deux réunions du Conseil des ministres ont été tenues, durant lesquelles le président Emil Lahoud  mis en garde contre certains propos, prononcés notamment par les ministres de la majorité (14 Mars) qui avaient haussé le ton tout en utilisant les termes des ambassadeurs étrangers. Un débat fut lancé durant la séance et plusieurs ministres  n’ont pas voilé le fait que le communiqué proposé répond aux requêtes extérieures.

Berri à Siniora : je suis à tes côtés mais…
Entre les deux séances ministérielles, le président Berri a contacté le premier ministre Siniora et lui a dit : « je suis à tes côtés Fouad et nous voulons épargner au gouvernement tout clivage en cet instant. Pourquoi nous encombrer dans une affaire sur laquelle nous pouvons nous entendre sans ingérences externes et convenir une formule adéquate. Mais poser la question de cette façon suscitera des polémiques et éveillera les doutes sur une possible exploitation de la situation pour des calculs intérieurs, non liés au problème actuel ».

Et Siniora de répondre : « Tu parles comme si aucun problème n’est posé. Toute la journée je reçois des appels, des pressions et des menaces à l’encontre du Liban ».
Berri : « Il est normal que les mêmes personnes s’adressent à nous deux. Mais on se doit de maintenir notre sang froid. On risque d’admettre que nous sommes les responsables et d’oublier que c’est Israël qui bombarde et détruit. Je souhaite que tu assainis le climat au Conseil des ministres et je t’assure que nous sommes soucieux de préserver l’unité du gouvernement ».
Siniora : « Prenons donc la décision à l’unanimité ».
Berri : « disposes-tu d’une garantie qu’Israël arrêtera la guerre si vous adoptez cette position ? »
Siniora : « Pas de garantie, mais c’est la responsabilité de l’Etat ».
« Je vais faire de mon mieux pour que nous menons ensemble le combat » a conclu Berri, rappelant à son interlocuteur que Joumblatt s’est solidarisé avec le Hezbollah, en dépit du différend qui les oppose.

Le président Berri fut informé que le premier ministre Siniora n’était pas le seul à adopter une telle attitude, mais que celle du ministre Marwan Hamadé était en harmonie avec la position américaine et ce malgré le fait que le député Walid Joumblat avait affirmé dans une déclaration qu’il n’était pas approprié, ni opportun de faire assumer la responsabilité au Hezbollah, annonçant que les maisons du Chouf étaient prêtes à accueillir les réfugiés du Sud et de la Banlieue.

Le président Nabih Berri et Sayed Nasrallah exprimèrent  leur reconnaissance pour la démarche de Joumblat. Le premier en lui disant que dans les temps difficiles il ne perdait pas la boussole, le second en chargeant le député Nawaf Moussaoui de lui transmettre un message de remerciement.

Ayant bien surveillé les signes inquiétants émanant du Monde arabe et occidental, le président Berri a veillé à laisser la porte ouverte et à poursuivre la communication. L’Arabie Saoudite avait diffusé alors son célèbre point de vue, citant « une source responsable », et faisant porter la responsabilité des comportements irresponsables et des mésaventures à la résistance ». En dépit de cette prise de position, le président Berri est entré en contact, prévu d’avance, avec le monarque saoudien Abdallah Ben Abdel Aziz et lui a dit : « Une relation fraternelle lie votre majesté au Liban et nous souhaitons que vous ne l’abandonnerez pas dans les situations délicates ».

Positivité de Hariri…uniquement en public
Dans ce climat, le 14 Mars a haussé le ton et publié un communiqué, accusant la résistance d’avoir mené une opération à visées régionales, ce qui a reflété l’influence des pressions internationales et assuré une couverture au projet américano-israélien, visant à détruire la structure de la résistance. Et c’est alors que le président Berri a saisi le signal positif émis par le député Saad Hariri à partir du Caire, déclarant qu’il ne fera pas porter la responsabilité à quiconque. Il s’entretint avec lui, estimant sa prise de position et l’encourageant à la coopération et à la poursuite de sa tournée arabe. Sayed Nasrallah a dans le même contexte demandé à son adjoint politique de rencontrer cheikh Saad à mi-chemin.

Mais la méthode et la circonstance de la positivité du Hariri étaient bien calculées, car nous l’écouterons plus tard en parfaite harmonie avec le projet occidental, notamment avec les propos confidentiels ou publics des ambassadeurs.

A la suite de ses tractations avec les ambassadeurs, notamment américain, Jeffrey Feltman, et français, Bernard Aimier, les impressions du président Berri sur le fait que l’affaire a passé outre les soldats captifs pour une tentative visant à instaurer des divisions internes et à poser une série de conditions complémentaires en vue d’anéantir le rôle de la résistance, furent renforcées.

Simultanément, hajj Hussein Khalil, auquel les entretiens téléphoniques répétés avec le député Hariri  causaient un ennui sur la plan sécuritaire, m’a mis au courant des types d’intimidation exercées par Hariri qui ne cessait de répéter : « les présidents et les rois que je rencontre adoptent un discours grave, le Liban sera détruit et Israël nous égorge, livrez les soldats captifs à l’Etat et puis nous discuterons des moyens de sortir de la crise. » Hajj Hussein Khalil, agissant au nom de Sayed Nasrallah répliquait : « j’apprécie vos craintes, mais telle n’est pas la vérité des faits. Nous nous sommes habitués à l’intimidation de la part des arabes. Nous avons établi des règles pour livrer les détenus, dans l’intérêt de tous. Ne transposez pas le problème au sein du gouvernement. Exerce des pressions dans ce sens durant ta tournée ».

Et Hariri de dire : « quiconque n’est disposé ici à écouter de tels propos. J’estime personnellement que vous nous avez introduits dans un problème qui nous dépasse ».

Hajj Hussein Khalil a conclu: « Transmets à tes hôtes le message suivant : nous ne croiserons pas les bras et tout comme nous sommes disposés à négocier, nous poursuivrons le combat et tu verras que le droit est à nos côtés. Israël frappe et nous riposterons. »

Berri encourage encore Siniora
Le gouvernement Libanais publia le second jour (14 juillet) une position, sans aborder les questions des armes et de la résistance. Le président Berri prit alors l’initiative d’appeler le Premier ministre, l’encourageant sur cette attitude. Sa réponse ne fit état d’aucun changement, mais il indiqua avoir contacté le président américain George Bush et sa secrétaire d’état Condoleeza Rice qui lui ont formulé leur mécontentement , faisant assumer la responsabilité au Liban, en dépit de leur estime à la position du gouvernement.

Berri dit : « Il est important de communiquer avec tous, mais ne compte pas sur une position américaine différente, n’oublie pas qu’il s’agit d’Israël.
Siniora : « Ils ont affirmé qu’ils refusent d’exercer des pressions sur Israël : »
Berri : « L’important est qu’ils nous laissent en paix, et qu’ils n’exercent des pressions sur nous ».

L’ambassadeur d’Egypte empiète sur les règles diplomatiques
Le même jour, le président Berri rencontra l’ambassadeur d’Egypte à Beyrouth Hussein Darar qui a empiété dans son discours sur les règles diplomatiques, rapportant que la bataille sera  ouverte  jusqu’à l’application de la résolution 1559 et le retrait des armes du Hezbollah. Le président Berri fut alors certain qu’un front américano-arabe a été formé à ce propos, comprenant aussi l’Egypte et la Jordanie. Le secrétaire général du Hezbollah apparut dans la soirée sur les médias pour annoncer le bombardement du navire de guerre israélien, ce qui a amélioré le psychisme des citoyens, altéré par le ralentissement du lancement des roquettes tout au long de la journée. Sayed Nasrallah évoqua avec amertume la position saoudienne, et Berri commenta : « je le comprends mais mes contacts se poursuivront avec toutes les parties, y compris les saoudiens, pour préserver la scène interne de certaines ingérences externes ».

Des pressions américaines furent exercées durant cette nuit au Conseil de sécurité pour contrer toute discussion d’un cessez-le-feu et décider l’envoi d’une délégation onusienne au Liban. Ce fut le début d’une action internationale, dans un contexte de refus d’Israël de discuter toute affaire, sauf le retour des soldats sans condition  aucune, l’application de la 1559 et le retrait du Hezbollah au-delà du fleuve Litani.
Siniora a visité dans la soirée Ein-Tineh, où il dit qu’il voulait voyager au Caire pour prendre part à la réunion du conseil de la Ligue Arabe.

Le président Berri de commenter : « je refuse ce voyage puisque l’aéroport est assiégé, veux-tu donc quitter Beyrouth sous une couverture israélienne ? Je ne crois pas que tu l’admets. Le ministre des Affaires Etrangères Fawzi Salloukh se trouve actuellement en Arménie et il doit être dépêché en Egypte. D’ailleurs j’ai moi-même annulé mon rendez-vous avec le roi Abdallah, pour ne pas voyager de telle manière.
« J’ai pressenti que vouloir exposer son point de vue similaire à ceux de certains arabes, était à l’origine de l’enthousiasme de Siniora au voyage au Caire. Le jour suivant (15 juillet), le premier ministre Siniora donna une conférence de presse au Grand Sérail, durant laquelle il reconnut en public, que sa prise de position répudiant toute responsabilité quant à l’opération de l’enlèvement des soldats israéliens, n’avait pas arrêté la guerre. Ce fut un important développement dans son attitude qui a pavé la voie à une communication plus étroite avec lui.

Hariri : le Hezbollah veut le la destruction du Liban
Ce même jour, une importante personnalité koweitienne a rapporté des propos tenus par Saad hariri au Koweït, renfermant une incitation contre la résistance. Selon la source, Hariri avait dit : « Ils veulent détruire le Liban pour des intérêts étrangers. Ils assument la responsabilité des évènements en cours (le Hezbollah) et ils doivent en payer le prix ». Hajj Hajj Hussein Khalil m’a mis au courant de ses  récentes tractations avec le député Hariri, qui a insisté à transmettre une proposition à Sayed Hassan Nasrallah, suggérant que le parti livre un des deux soldats au gouvernement libanais, tout en gardant le second. Hajj Khalil s’empressa de refuser la proposition de Hariri qui insista de même à la transmettre au Sayed, qui étonné d’une telle idée superficielle, a demandé de ne pas y perdre le temps et de se concentrer sur une solution globale du problème.  Le président Berri s’interrogea pour sa part sur la suggestion du député Hariri : « comment cela se fera-t-il à l’ombre de la folie israélienne ? Israël commettrait-t-il un semi-massacre pour avoir récupéré un des deux soldats ? Arrêterons-nous une demi-guerre ?  Saad tente quelque chose. Je traiterais la question comme si je  n’en ai pas entendu  parler. »

Feltman à Berri : Ce sont les règles à suivre… et la guerre ne s’arrêtera pas
Le président Berri reçut l’appel de l’ambassadeur des Etats-Unis  Jeffrey Feltman qui s’est exprimé positivement sur l’unanimité au Conseil des ministres sur le dernier communiqué. Il rapporta de même qu’Israël refuse le cessez-le-feu , qu’il insiste sur ses conditions , qu’il considère que la bataille  est en sa faveur et qu’il inflige de grandes pertes …
Berri dit : « Ils se le figurent. Les pertes atteignent les infrastructures civiles, alors que celles du Hezbollah sont très limitées. Quant à la position israélienne elle est homologue à la vôtre, et celle du président Bush est même  plus avancée. »
Feltman : « Une délégation des Nations Unies arrivera vers 6h du soir et c’est pour cela que nous oeuvrons pour une accalmie, non pour un cessez-le-feu ».
Berri de répliquer : «pourquoi celui qui peut imposer une trêve,  ne fait-t-il pas  cesser les massacres commis par Israël ? »
Feltman : « Je vous ai communiqué les règles à suivre pour parvenir à une solution ».
Berri : « Nous savons que vous voulez  transférer le problème au sein du gouvernement ; ne pariez pas sur ce fait que nous n’admettrons pas. Je communiquerai toujours Siniora et je vous répète : exigez un cessez-le-feu et j’estime qu’on pourrait rapidement  résoudre le problème des otages ».

Le président Berri joignit par la suite le premier ministre Siniora qui lui  indiqua que le premier ministre italien Brody s’était entretenu avec son homologue israélien Ehud Olmert, qui a posé deux conditions pour le cessez-le-feu : livrer les deux soldats captifs et le retrait du Hezbollah au-delà du fleuve Litani.
Dans la même nuit, Olmert déclara que la réclamation de Siniora d’étendre la souveraineté de l’Etat jusqu’aux frontières internationales, est pas sur le bon chemin.
Une réunion conjointe fut tenue en ce jour entre les commandements du mouvement Amal et du Hezbollah, pour développer la coordination sur le terrain, ce qui a reflété la complémentarité entre les deux partis sur la scène de la bataille.

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