La guerre au Yémen, quelle issue ?
Par Antoine Charpentier
À la sixième année de guerre, le Yémen continue de modifier les équilibres politiques, militaires et stratégiques au Moyen-Orient. La guerre contre le Yémen, à l’instar de la guerre contre la Syrie a permis l’unification des fronts, renforçant encore plus l’axe de la résistance. Elle a également permis la généralisation de la culture et de la méthodologie de la résistance dans la région, face aux manœuvres extérieures, en l’occurrence celles des États-Unis. Cette généralisation de la culture résistante ne se fait pas sans des oppositions internes aux pays en question. Toutefois, ces oppositions deviendront à court et moyen terme désuètes, notamment avec la décadence de leurs maîtres occidentaux. Qu’il en déplaise à certains, la guerre au Yémen comme la guerre en Syrie a démontré la fiabilité et la solidité de la résistance au Moyen-Orient.
Il est malheureux que l’Arabie Saoudite à l’exemple d’autres pays au Moyen-Orient ait demandé assistance et protection aux États-Unis. Cependant, ces derniers se sont montrés défaillants, notamment lors de multiples représailles des missiles yéménites, dont celle du 21 février dernier contre les installations de la plateforme pétrolières d’Aramco à Yanbu. Il convient de préciser que les États-Unis ont installé en 2019 dans la région d’Aramco des batteries Patriot et quelque 4000 soldats, le tout financé par des fonds saoudiens.
Les six ans de guerre contre le Yémen ont fragilisé profondément l’Arabie Saoudite sur le plan politique, comme sur le plan économique et social. Ceci a détérioré son image sur la scène internationale, d’où l’incompréhension de persister dans cette guerre, sans la volonté d’œuvrer pour une véritable solution durable.
Il n’est plus secret pour personne que les guerres contre le Yémen, comme contre la Syrie et la Lybie renferment une grande facette économico-énergétiques. Les réserves du pétrole au Yémen représentent environ 4 milliards de barils, ce qui avoisine 1,5% des réserves saoudiennes. La résistance yéménite aspire à récupérer ces réserves de pétrole puisqu’elle est consciente qu’une stabilité politique exige une économie saine et forte. La bataille est donc entre les ayants droits et les pilleurs de tous genres arabes et occidentaux.
La bataille au Yémen est également pour les ports sur les bords de la mer rouge comme celui de Houdeida, d’Aden et Mokha. L’accès confortable et sécurisé à la mer Rouge fait éviter plusieurs détours, notamment celui par le golfe d’Hormuz et le Golfe d’Oman.
La reprise du gouvernorat d’Al-Jawf, sonne le glas pour la reprise de Maarib et met en danger les pétroliers américains, britanniques, israéliens et arabes. L’importance de Maarib est qu’elle se situe sur le trajet de transfert de gaz et de pétrole vers le Golfe d’Aden, puis la mer d’Oman et la mer Rouge. Ce qui explique le débarquement des GI’s américains sur l’île de Socotra, dans l’objectif de garantir la sécurité de leurs pétroliers, et de surveiller en même temps Bab Al-Mandeb. Cependant, l’armée américaine s’expose aux missiles de la résistance yéménite, notamment si elle vient à exécuter ses plans de frappes contre la résistance irakienne, avec le risque de déclencher une guerre régionale.
Á l’heure du Coronavirus, l’Arabie Saoudite décrète deux semaines de cessez-le feu. La question est pourquoi un délai ci-court ? l’Arabie Saoudite profiterait-elle de ce délai afin de négocier une sortie honorable du marécage boueux yéménite sous étiquette humanitaire ? Sans pour autant être contrainte de signer officiellement sa défaite ? Toutefois, les attaques contre le Yémen continuent, par voie terrestre et à partir des airs, toujours sans aucun succès significatif, avec la seule conséquence qui est la destruction du Yémen et de son peuple. Il convient de préciser que les derniers jours et malgré le cessez-le-feu, il y a eu 32 tentatives d’excursions terrestres à Maarib, Jawf, Bayda, et Taaz ainsi qu’environ 230 raid aériens.
Toute fin de la guerre en faveur de la résistance au Yémen signifierait l’interruption du camp occidental de piller les ressources et les richesses des pays impliqués dans cette guerre. C’est aussi l’arrêt de la guerre d’usure contre les pays du Golfe, ainsi la fin des juteux contrats d’armements. Dans l’état actuel des choses mettre fin à la guerre au Yémen signifie l’attribution de la victoire à Ansarallah et à travers eux à l’ensemble de l’axe de la résistance. Il convient de préciser que cela ouvrira probablement les portes à des plaintes dans les tribunaux internationaux et des paiements des dommages et des intérêts pour reconstruire le Yémen. Le montant des dégâts depuis le début de la guerre avoisine les quelques 100 milliards de dollars.
Il n’y a que l’envoyé spécial des Nations-Unies Martin Griffiths qui semble optimiste à propos du cessez-le-feu de deux semaines décrétées par l’Arabie Saoudite au Yémen. Cependant, nul guère que l’optimisme ou encore les initiatives de Monsieur Martin Griffiths et des Nations-Unies ont favorisé une solution fiable, durable et équitable dans cette guerre qui dure depuis six ans maintenant. Les Nations-Unies ont démontré leur inefficacité, leur partialité et leur soumission sans conditions à la volonté américaine. Enfin, l’optimisme de Martin Griffiths n’arrêtera pas la guerre au Yémen, les différents protagonistes semblent aller dans leurs logiques jusqu’à la fin. Donc, à qui la victoire ?