noscript

Please Wait...

Idleb la bataille qui rebat toutes les cartes

Idleb la bataille qui rebat toutes les cartes
folder_openAnalyses access_time depuis 4 années
starAJOUTER AUX FAVORIS

Par Antoine Charpentier

La bataille d’Idleb cache plusieurs enjeux que nous avons abordés lors de nos précédents articles. Toutefois, il convient toujours de préciser que nombreux sont les acteurs impliqués dans la guerre en Syrie en général et dans la bataille d’Idleb en particulier, ayant chacun un agenda et des intérêts géostratégiques bien particuliers.

Ce qu’il se passe à Idleb est dû en grande partie aux manquements du président turc Recep Tayyeb Erdogan à ses engagements pris à Astana et à Sotchi.

La Russie a tenté depuis plusieurs années, et par plusieurs stratagèmes, d’attirer le président Erdogan dans son guêpier, fermant en quelque sorte ses yeux partiellement sur son double jeu politique entre elle et les Etats-Unis.

Toutefois, la bataille d’Idleb remet les pendules à l’heure, rebattant encore une fois les cartes politiques. Il semble de prime abord que le président Erdogan n’a pas la volonté de se séparer de l’axe atlantiste. Il ne se dirigera pas plus vers l’est.

Ceci met la Russie en difficulté, puisqu’elle n’arrive plus à contraindre le président Erdogan d’honorer ses engagements déjà pris précédemment. Elle n’arrive pas à trouver une équation politique pour sortir son armée du nord syrien et avec elle les factions terroristes. Malgré cela, la Russie continue par divers moyens d’essayer de mettre la pression sur le président turc afin qu’il revienne à la raison. Toutefois, l’affrontement russo-turc au nord de la Syrie atteindra bientôt ses limites et les deux protagonistes seront contraints de trouver un accord pour préserver leurs intérêts mutuels, notamment économique. La question que nous devons nous poser est quelle va être la nature de cet accord et au détriment de qui ?

Quant à l’armée syrienne, elle semble ne pas laisser le choix à ses alliés notamment la Russie profitant de toutes les opportunités ainsi que de l’affrontement russo-turc pour reprendre la région d’Idleb, mettant les terroristes et l’armée turque hors de son territoire.

Le 28 février 2020 la Turquie a usé de l’article 4 de l’organisation de l’OTAN afin de convoquer une réunion à propos de la Syrie, après la mort de 33 de ses soldats par un bombardement de l’armée syrienne au nord de la Syrie.

La Turquie espérait également pousser l’OTAN à rentrer en guerre en Syrie à ses côtés, ou au moins l’épauler afin d’instaurer une zone d’exclusion aérienne au nord de la Syrie, ce qui permettra au président d’Erdogan de persévérer dans sa politique dans cette région du monde.

Cependant, les déclarations du secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg se sont limitées au fait de condamner verbalement les frappes syriennes et russes sur les positions de l’armée turque au nord de la Syrie. Jens Stoltenberg n’a pas soufflé un mot à propos de l’espace d’exclusion aérien au nord de la Syrie. Ceci peut-être la preuve indirecte que l’OTAN ne s’engagera pas dans la guerre au nord de la Syrie aux côtés du président Erdogan. Il se contentera de proférer des discours de soutiens à l’égard du président turc, afin qu’il persiste dans ses opérations au nord syrien, ce qui est bénéfique uniquement pour l’OTAN et par conséquent pour les Etats-Unis, dans leur stratégie de maintenir la Syrie dans une guerre d’usure.

Plusieurs pays européens dont la France, un des membres fondateurs de l’Union européenne et membre de l’OTAN, montrent leurs mécontentement des discours, de la politique et des manœuvres du président Erdogan, considérant que cela menace directement leur intérêts au Moyen-Orient, mais également leur sécurité sur le vieux continent, à travers l’agitation de la carte des réfugiés par le président turc.

Le malaise européen s’est révélé dans les dernières déclarations du président français Emmanuel Macron au sujet des opérations turcs au nord de la Syrie, surtout lors du déclenchement de l’opération «Source de paix», mais aussi lors des interventions turques en Libye, qui sont toujours d’actualité.

Il convient de préciser qu’un rapprochement s’opère actuellement entre la France et la Grèce, donnant lieu à la signature de plusieurs accords en matière de sécurité.

Les buts principaux de ce rapprochement sont l’utilisation de la Grèce comme rempart face aux probables flux migratoires et la tentative de réduire les marges de manœuvres du président Erdogan à partir de la Grèce.

Cependant l’Union européenne a imposé des sanctions économiques sur des dirigeants politiques turcs impliqués dans les opérations de forages de gaz par la Turquie dans les eaux chypriotes.

Ceci montre que l’Europe ne viendra pas non plus aux rescousses du président turc, et malgré les divergences franco-allemande à son sujet, l’Europe concentrera ses efforts à contenir le probable flux migratoire, à protéger son territoire, évitant que cette problématique empire ses problèmes internes, afin d’éviter l’explosion ou un semblant de dislocation.

En même temps, il semble que l’Europe s’est préparée afin de faire face aux flux des réfugiés au cas où le président Erdogan exécute ses plans dans ce domaine.

Ceci étant, le problème majeur réside dans le moment très pénible que s’apprêtent à vivre les réfugiés syriens ou autres, qui se trouvent sur le territoire turc. De prime abord, ils ne vont pas pouvoir passer aussi facilement que les années précédentes en Europe.

Ne parlons pas des conditions rudimentaires qui vont être employées pour les déplacer et les parquer aux frontières turco-européennes. Nous avons constaté lors de précédentes vagues de réfugiés vers l’Europe, le manque du minimum primaire de ces êtres humains déplacés aux guises des dirigeants et utilisés comme arme politique, comme une carte d’influence et de pression, parfois à l’intérieur même de l’Europe.

Il est également probable que les réfugiés seront refoulés aux portes de l’Europe, ce qui les contraindrait à revenir vers la Turquie, avec le risque de générer une crise humanitaire d’ampleur et des problèmes internes à cette nation.

Par conséquent, la problématique d’Idleb rebat les cartes politiques, dévoile réellement les intentions des acteurs impliqués dans ce conflit. La bataille d’Idleb, comme à titre d’exemple la bataille pour la reprise d’Alep par l’Etat syrien, redéfinira à nouveau les lignes politiques au Moyen-Orient ainsi que dans le monde.

Comments

//