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Lorsque l’élan populaire au Liban dénonce la traîtrise…

Lorsque l’élan populaire au Liban dénonce la traîtrise…
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Par Soraya Hélou

 

Amer Elias Fakhoury, un nom que les Libanais ne sont pas prêts d’oublier, tant son histoire a réveillé les vieux démons et suscité un mélange de colère, d’indignation et de frustration. L’homme qui pensait pouvoir se faufiler au Liban après avoir fui ce pays pour se rendre en «Israël» et de là aux Etats-Unis, sans avoir à rendre compte de ses crimes croupit désormais en prison.

 

Le juge d’instruction militaire a émis un mandat d’arrêt à son égard après l’avoir interrogé et il est clair qu’il y aura probablement un acte d’accusation suivi d’un procès qui soulèvera sans nul doute les passions.

 

Pourtant, l’histoire de cet agent israélien de premier plan (il était apparemment le numéro 4 dans la hiérarchie de la milice créée par «Israël» et qui s’appelait «l’Armée du Liban Sud» et il était chargé des plus sales besognes, comme la torture et l’exécution des détenus de Khiam) met en avant deux logiques au Liban: celle de ceux qui veulent occulter le passé et croient encore pouvoir profiter des lacunes de l’Etat pour imposer des compromis sur des questions nationales et ceux qui refusent de brader les grandes réalisations de la résistance sous prétexte que cela fait partie du passé.

 

Dans les faits, comme de nombreux collaborateurs d’«Israël» au sein de «l’ALS» ou en dehors de cette milice, Amer Elias Fakhoury a été condamné, en 1996 par contumace à 15 ans de prison. A cette époque, il ne s’était pas soucié de ce jugement, se considérant protégé par les Israéliens et par la suite par les Américains. D’ailleurs, après avoir passé quelques années dans l’entité sioniste, l’homme s’est installé à Washington et il avait ses entrées un peu partout, même à l’ambassade du Liban. En fait, les photos et les vidéos qui ont circulé après son arrivée au Liban le montrent participant et même prononçant un discours dans une cérémonie organisée par les Forces Libanaises.

Cette implication dans les activités de la colonie libanaise de Washington lui a sans doute permis de croire qu’il bénéficiait d’une certaine immunité qui rendait son retour au Liban possible.

 

En 2016, il a ainsi chargé son avocat de faire les formalités nécessaires pour faire tomber sous le coup de la prescription le jugement prononcé contre lui. En effet, selon la loi libanaise, certains jugements sont passibles de prescription au bout de 20 ans. En même temps, certaines parties militaires s’étaient chargées de barrer son nom du bulletin 303, qui consiste en une sorte de circulaire interne qui comporte les noms des personnes recherchées par la justice ou les services de renseignements libanais pour qu’elles soient arrêtées dès leur arrivée aux postes de la Sûreté générale aux frontières terrestres, aériennes et maritimes. En général les noms figurant dans ce bulletin sont ceux de tous ceux qui sont liés de près ou de loin à l’ennemi israélien et plus récemment on a ajouté les noms de ceux qui seraient proches des organisations terroristes comme «Al-Qaëda», «Daech» et «Al-Nosra». Ces bulletins sont souvent revus et vérifiés par le commandement militaire et certains nomes peuvent être barrés si les autorités considèrent que ceux qui les portent ne représentent plus un danger national. Il faut aussi préciser qu’entre 2014 et 2016, pendant la période de vacance présidentielle et alors que le gouvernement présidé par Tammam Salam tenait les rênes du pays, certaines parties ont tenté d’annuler le bulletin 303 et de faire en sorte qu’il ne soit plus pris en considération. Mais l’armée libanaise et la Sûreté générale ont continué à le considérer comme un document de base. Un compromis avait été adopté qui consistait dans la formation d’une commission pour «adapter le contenu de ce bulletin» et c’est ainsi que de nombreux noms en ont été barrés.

C’est ainsi que le nom de Amer Elias Fakhoury faisait partie des chanceux qui ont été barrés de la liste des personnes recherchées.

 

Son nom barré de la liste du bulletin 303 et sa condamnation tombant sous prétexte de la prescription, l’agent israélien a cru pouvoir venir en toute tranquillité au Liban. Il y est donc arrivé le 11 septembre. Au poste de la Sûreté générale, l’officier de service a remarqué que le nom avait été barré du bulletin 303. Il a contacté ses supérieurs qui lui ont demandé de lui retirer son passeport américain pour une question de routine en lui demandant de repasser le lendemain pour le prendre. Le 12 septembre Amer Elias Fakhoury est arrivé à l’aéroport en compagnie de son voisin général de l’armée. Il a été arrêté et interrogé par la Sûreté générale.

 

Entre-temps et grâce aux médias et aux réseaux sociaux, l’affaire s’est ébruitée et il y a eu une extraordinaire mobilisation populaire contre le retour de l’agent sans être inquiété.

 

A partir de là, le piège s’est refermé contre Amer Elias Fakhoury et pour couper court à toute possibilité de le remettre en liberté, les plaintes personnelles déposées contre lui par les anciens détenus de Khiam qui se souviennent des sévices qu’il leur a fait subir, se sont multipliées. Désormais, il est arrêté sur la base d’un mandat d’arrêt et son procès devrait s’ouvrir pour tortures, mauvais traitements et même liquidation de certains détenus. Même ses avocats américains ne pourront pas le sauver… selon certaines informations, il se serait rétracté devant le juge d’instruction, après avoir reconnu les faits qui lui sont imputés dans le cadre de l’enquête préliminaire. Mais ce déni ne changera rien, car les plaignants ont beaucoup de détails à avancer pour confirmer leurs accusations.

 

Par cet élan extraordinaire, les Libanais ont montré qu’il n’y a malgré tout, pas de place parmi eux pour les agents israéliens. Ils ont accusé et condamné avant la justice et celle-ci ne pourra que suivre ce mouvement. Les Etats-Unis qui croient pouvoir faire ce qu’ils veulent au Liban, y compris blanchir les dossiers les plus lourds et effacer les mémoires, ont découvert que ce pays a encore une immunité contre l’injustice et la traîtrise. Il y a certes encore beaucoup de points à éclaircir dans cette affaire, notamment sur le fait de savoir qui a barré les noms des agents israéliens du bulletin 303. Mais ce sera fait dans le cadre d’une enquête interne aux services concernés. Ce qui compte, c’est que le Liban, dans la majorité écrasante de sa population continue de rejeter les traîtres et de vouloir préserver la dignité de ceux qui ont souffert pour la libération du pays.

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