Guerre des lobbyistes: soutien US militaire et logistique à l’offensive saoudienne au Yémen
Depuis le début de l’offensive saoudienne contre le Yémen, le gouvernement saoudien et ses lobbyistes de Washington DC ont travaillé à garder le Yémen sous le radar et à préserver le soutien militaire et logistique des USA, ainsi qu’à poursuivre des ventes record d’armes américaines à l’Arabie Saoudite.
«Les frappes de la coalition se fondent sur des renseignements et une surveillance étendue, de façon à s’assurer que toutes les cibles sont des installations militaires… d’importantes précautions sont prises pour éviter les zones civiles, principalement quand des femmes et de enfants y sont présents», a dit un porte-parole de la coalition saoudienne au Yémen le 10 décembre dernier.
Six jours plus tard, une frappe de la coalition saoudienne a ciblé un marché au Yémen, tuant au moins 54 civils dont huit enfants.
Le même jour, une autre frappe de la coalition saoudienne a tué quatorze civils dans une ferme yéménite. Ils étaient tous membres de la même famille. Selon le Coordonnateur humanitaire des Nations Unies au Yémen, ils s’ajoutaient aux 84 civils tués au cours des dix jours précédents au Yémen.
Un porte-parole de la coalition saoudienne a répondu, non pas avec des mots de regret pour les familles des victimes, mais en mettant en question la crédibilité des Nations-Unies, et la «compétence de ses employés basés au Yémen».
Même si cette réponse était surprenante, le déni n’est pas une tactique nouvelle pour le gouvernement saoudien. Depuis le début de la guerre au Yémen, et malgré la confirmation d’un chiffre de plus de 10 000 victimes civiles dans ce conflit par l’ONU, le gouvernement saoudien et ses lobbyistes de Washington DC ont travaillé à garder le Yémen sous le radar et à préserver le soutien militaire et logistique des USA, ainsi qu’à poursuivre des ventes record d’armes américaines à l’Arabie Saoudite.
Rien qu’en 2017, l’Arabie Saoudite a dépensé plus de 16 millions de dollars en lobbying et relations publiques via des firmes enregistrées comme agents étrangers. Ces efforts semblent avoir rapidement porté leurs fruits, à en juger par la conversation téléphonique du président Trump avec le roi d’Arabie Saoudite juste après son entrée en fonctions. Au cours de l’appel, «le royaume s’est engagé à soutenir l’établissement de zones humanitaires de sécurité en Syrie et au Yémen», selon un communiqué du Groupe Podesta envoyé à plus de 50 experts de think tanks de premier plan.
Un an plus tard, il n’y a pas de «zones humanitaires de sécurité» au Yémen, seulement des promesses saoudiennes renouvelées d’en créer à l’avenir.
Le 13 février 2017, deux semaines après la conversation de Trump avec Salmane, le Qorvis MSL Group a distribué un communiqué de presse de la part de l’Arabie Saoudite qui déclarait que «la préservation de vies civiles reste une priorité absolue» pour la coalition menée par l’Arabie Saoudite au Yémen.
Deux jours plus tard, une frappe de la coalition saoudienne a tué, selon les rapports, neuf femmes et un enfant qui s’étaient réunis aux funérailles d’une femme locale.
Le 20 mai 2017, Trump a atterri en Arabie Saoudite pour son premier déplacement à l’étranger, annonçant au passage un contrat de vente d’armement de 110 milliards de dollars au royaume. Quatre jours auparavant, la firme Brownstein Hyatt Farber Schreck faisait enregistrer une fiche d’information «factuelle» que ses lobbyistes avaient fait circuler sur la réduction de dommages collatéraux civils, selon laquelle «l’Arabie Saoudite a entrepris plusieurs démarches pour mettre en place un processus plus exhaustif (sic) de choix et de validation de cibles pour les opérations de la coalition menée par l’Arabie Saoudite au Yémen.»
Cinq jours plus tard, une frappe de la coalition saoudienne a tué, selon les rapports, 24 civils sur une place de marché yéménite.
Le 22 août 2017, le prince héritier d’Arabie Saoudite a rencontré Jared Kushner (le gendre de Trump) et autres membres de l’administration Trump et s’est engagé à «renforcer la relation et la proche collaboration» entre les deux pays, selon un communiqué de presse distribué par le Qorvis MSLGroup de la part de l’ambassade saoudienne.
Le jour suivant, des frappes de la coalition saoudienne autour de la capitale du Yémen ont tué ou blessé, selon les rapports, au moins 30 civils.
Malgré tout, les Saoudiens et leurs lobbyistes de Washington ont continué à vanter les efforts «humanitaires» saoudiens au Yémen. Le 22 janvier 2018, ils ont annoncé le plan ‘Yemen Comprehensive Humanitarian Operations’ (Plan complet d’opérations humanitaires au Yémen) pour remédier à la crise humanitaire du Yémen.
Le jour suivant, une frappe de la coalition au Yémen a tué, selon les rapports, neuf civils, y compris quatre enfants.
Malgré ces exemples et de nombreux autres, où les affirmations du lobby pro-saoudien ont été réfutées par les réalités horrifiantes du terrain au Yémen, les USA continuent à soutenir la coalition saoudienne. Toutefois, cette semaine, les sénateurs Sanders (Indépendant) et Lee (Républicain) ont présenté un projet de loi destiné à bloquer le soutien américain à la guerre contre le Yémen.
Les lobbyistes payés par l’Arabie Saoudite travaillent fiévreusement à s’assurer que cette loi ne passera pas. Ils ne parleront pas de l’immense souffrance du peuple yéménite, qui traverse la pire catastrophe humanitaire actuelle sur la planète, ou de la façon dont la guerre est en train d’aider «Al-Qaïda» à se renforcer et à s’enrichir. [Dépêche Reuters : Conséquence de la guerre, Al-Qaïda s’est taillé un mini-État très riche au Yémen, NdT]. Ils feront des promesses d’assistance humanitaire, d’améliorations pour éviter les victimes civiles. Ils promettront des choses démenties par les réalités de la guerre au Yémen.
Il est temps de cesser de les croire.
Source : mondialisation.ca