Les infractions du régime d’al Khalifa contre les droits des Bahreïnis
Arrestations, brimades, menaces, poursuites judiciaires et emprisonnements visent ainsi à réduire au silence ceux qui osent émettre des critiques, même de manière pacifique, tandis que la police se livre pour sa part à des brutalités allant jusqu’à la torture envers certains défenseurs des droits humains, tant hommes que femmes. Des méthodes qui, selon l’ONG, n’avaient pas vraiment cours jusqu’ici à Bahreïn. Depuis la fermeture du journal Al-Wasat par les autorités en juin 2016, il n’existe plus de presse libre indépendante.
Le renouvellement des autorisations accordées aux correspondants internationaux est désormais refusé, de même que les accréditations des correspondants d’agences internationales, et l’entrée des journalistes étrangers sont soigneusement contrôlée. Les médias gouvernementaux et la presse de même obédience relaient scrupuleusement le discours officiel, y compris les accusations de traitrise portées contre l’opposition. Les opinions divergentes n’ont pas droit de cité et toute critique du régime ou de la situation des droits humains est considérée comme un acte de trahison, de terrorisme et d’hostilité au pays.
Le rapport d’Amnesty International indique qu’«entre juin 2016 et juin 2017, Amnesty International a recensé pas moins de 169 cas de personnes ayant été interpellées, convoquées, interrogées, poursuivies en justice, placées en détention ou interdites de quitter le territoire pour avoir critiqué le gouvernement. Défenseurs des droits de l’homme, avocats, journalistes, militants et dirigeants politiques, religieux chiites et manifestants pacifiques ont particulièrement souffert» de ces mesures de rétorsion.
La campagne de répression menée par les autorités a eu pour conséquence «d’affaiblir une société civile naguère particulièrement dynamique. Seules quelques voix courageuses se font désormais entendre ici et là, et la plupart de ceux qui émettent des critiques pacifiques, qu’ils soient défenseurs des droits de l’homme ou militants politiques, ne sont que trop conscients des graves risques qu’ils encourent du fait de leurs activités.»
L’ONG accuse les autorités de «ne pas respecter les promesses de réforme faites au lendemain de la répression brutale du soulèvement de 2011, bien qu’elles aient prétendu le contraire à maintes reprises. Lors de ces événements, de nombreux citoyens — dirigeants politiques, défenseurs des droits de l’homme, médecins, enseignants, avocats, etc. — étaient descendus pacifiquement dans la rue pour exiger la réforme, mais le pouvoir avait répondu par des arrestations, des séquestrations arbitraires, la torture, et même des exécutions extrajudiciaires. Cette répression aveugle avait suscité une colère générale, à Bahreïn comme à l’étranger.»
Les enquêteurs ont ainsi étudié 210 cas et entendu 52 victimes d’exactions et témoins des événements recensés dans le document, et se sont entretenus avec 62 parents ou amis proches des victimes ainsi qu’avec des avocats. Ils ont également eu des échanges avec 38 journalistes, défenseurs des droits de l’homme, militants politiques et avocats, analysé les déclarations publiques émanant des autorités et dépouillé des correspondances adressées à l’ONG, des dossiers judiciaires, des textes de lois et d’autres types de documents tels que des extraits de vidéos. De nombreuses enquêtes et rapports réalisés par d’autres ONG ont également été passés en revue, ainsi que des communiqués publiés par les gouvernements d’autres pays. La plupart des entretiens ont été réalisés à distance, par téléphone ou par Internet, Amnesty International n’ayant pas la possibilité de fouler le sol bahreïni. C’est par la voix du premier secrétaire de son ambassade à Londres que le gouvernement bahreïni a répondu à ces critiques. «Le rapport d’Amnesty International contient de nombreuses allégations dénuées de fondement ainsi que des informations non vérifiées qui ne correspondent en aucun cas à la réalité des droits de l’homme dans le royaume de Bahreïn».
Le rapport d’Amnesty International vient s’ajouter aux nombreux communiqués publiés par Human Rights Watch (HRW) et par d’autres ONG internationales sur les pratiques officielles de Bahreïn qui ne respectent pas les droits de l’homme, et qui se sont aggravées avec la répression du mouvement de contestation en 2011. La traduction de civils devant des tribunaux militaires, le fait que «l’appareil de la sécurité nationale» retrouve ses compétences en matière d’arrestation et d’interrogatoire, les innombrables cas de torture et de mauvais traitements durant la garde à vue et les brutalités et brimades dont des centaines de détenus affirment être victimes sont dénoncés par les ONG. Elles déplorent également l’iniquité de la justice et la sévérité excessive des verdicts rendus contre les opposants, ainsi que les poursuites judiciaires pour délit d’opinion et le fait que les tribunaux reçoivent comme preuves des «aveux» arrachés par la force.
Parmi les critiques adressées aux autorités bahreïnies figurent également les déchéances arbitraires de nationalité pour certains opposants, les condamnations à mort prononcées par les tribunaux et l’interdiction des visites des instances indépendantes chargées des droits de l’homme. Ainsi depuis 2014, les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la situation des défenseurs des droits de l’homme, le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, la liberté d’opinion et d’expression, ainsi que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ne peuvent plus se rendre à Bahreïn.
En avril 2017, la justice de Bahreïn a prononcé une peine de quatre ans de réclusion à l’encontre d’un haut dirigeant de l’opposition, ainsi qu’une peine de deux ans contre le défenseur des droits de l’homme Nabil Rajab, qui est à la fois président du Centre bahreïni pour les droits de l’homme et du Centre Al-Khalij pour les droits de l’homme, secrétaire général adjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et membre du conseil consultatif de la section Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA) de HRW. Nabil Rajab était accusé de «diffusion d’informations mensongères» et de «rumeurs de nature à porter atteinte au prestige de l’État» auprès de chaînes de télévision avec lesquelles il s’était entretenu. Les autorités ont également déchu de leur nationalité quelque 300 opposants, parmi lesquels le haut dignitaire chiite Issa Qassim, et ordonné la dissolution de la principale organisation d’opposition.
Rappelons enfin que les détenus des prisons de Jaw et d’Al-Hawd Al-Jaff ont entamé le 7 septembre 2017 une grève de la faim destinée à attirer l’attention sur leur situation. Dans une lettre adressée au secrétaire général de l’Institut national pour les droits de l’homme, ils dénoncent «le recours systématique à la torture, les mauvais traitements, les atteintes quotidiennes à la dignité, l’absence de soins et de suivi médical et l’interdiction de pratiquer les obligations du culte, d’effectuer la prière du vendredi et de communiquer avec les familles, ainsi que le maintien répété en cellule pendant plus de 24 heures d’affilée.
Source : iuvmpress