Que craignent les Etats-Unis en Iran?
Dans le même contexte, les médias iraniens ont publié les premières images d'un missile du système Bavar, presque identique à celui utilisé dans le système S-300. Le test du système en question, constitue la dernière phase du système de la défense aérienne iranienne, constituée de plusieurs arsenaux de plusieurs portées. Certains de ces systèmes ont été développés à partir d'anciennes armes américaines, d'autres sont une réplique de missiles et de radars étrangers. On connait que les Etats-Unis et «Israël» planifiaient sérieusement pour mener une offensive contre l'Iran, ou au moins une campagne aérienne pour frapper le programme nucléaire iranien ainsi que d'autres objectifs militaires et ce depuis l'invasion de l'Irak. Une des plus grandes sociétés d'énergie dans le monde, avaitreçu un rapport des SR russes, en 2006, confirmant que la guerre aura lieu dans les prochains mois. Mais, qu'est ce qui a reporté cette confrontation tout au long de plusieurs années, pour se transformer en scenario indésirable pour l'armée américaine, en dépit des protestations israéliennes ?
Les conditions du jeu
Si l'objectif était de faire une comparaison entre les capacités militaires de l'Iran et des Etats-Unis, la réponse est facile et claire : il n'y a aucune parité entre les ressources et le potentiel des deux pays, ni sur le plan des budgets, ni des technologies, ni des équipements.
La plus grande partie des tanks iraniens est ancienne, datant de la révolution. Ce fait s'applique aussi sur les avions de chasse. La dernière transaction militaire entre l'Iran et l'étranger pour moderniser l'armée, fut conclue au début des années 90. L'Iran a alors acheté un certain nombre de Tanks T-72, des avions Mig-29 de la Russie, ainsi que deux sous-marins. Ce furent les armes importées les plus modernes dans les arsenaux iraniens traditionnels à ce jour.
En outre, la confrontation avec l'Iran ne renferme pas une guerre directe via les frontières. L'assaillant doit envoyer ses forces à une région distante de milliers de Kilomètres du territoire américain, de les déployer à une certaine distance de l'Iran et d'assurer des voies sécurisées pour assurer les carburants et contrôler la mer du Golfe persique, dont la largeur est moins de 200 km dans certains lieux, et de 50 m de profondeur.
La marine américaine a pénétré dans le Golfe dans les années 80, profitant de la guerre entre l'Irak et l'Iran. Elle y a imposé son pouvoir par la force, à la suite de plusieurs heurts, puis d'une guerre-éclair contre la marine iranienne. Une bataille remportée facilement par les forces américaines.
Même l'Irak, n'était pas satisfait de cette expansion américaine, dirigée en fait contre son ennemi. Les avions irakiens frappèrent en 1987 la frégate américaine Stark, par un missile Exocet, produit en France. 35 militaires américains y ont péri.
Le gouvernement irakien a alors précisé que l'attaque a eu lieu par erreur. Mais plusieurs analystes ont considéré que le tir du missile envoyait un message irakien, pour dissuader les Etats-Unis et les pousser à renoncer à la présence militaire dans cette région stratégique, surtout que des fuites ont révélé que le pilote irakien n'a pas été puni, mais plutôt promu.
Durant la guerre du Golfe en 1991, la présence militaire américaine fut consacrée par la mise en place de bases permanentes et d'une structure d'appui complèteet à la suite de la signature d'accords de protection quasi-coloniale avec tous les pays de la côte ouest du Golfe.
De ce fait, une certaine similitude existe entre les cas de l'Iran et de la Chine, dans la mesure où les deux pays se concentrent sur un objectif militaire précis : affronter une attaque occidentale, soutenue par des alliés locaux et l'empêcher de contrôler le domaine maritime qui entoure le pays, l'assiéger et le frapper.
La différence ? La Chine prévoit une confrontation limitée mais violente dans la mer sud du territoire, dans le contexte de la concurrence sur le pouvoir, mais elle sait parfaitement que cet accrochage ne pourrait jamais dégénérer en invasion terrestre ou à une offensive pour renverser le régime et détruire l'économie du pays, vu le facteur de la dissuasion nucléaire que possède la Chine, mais pas encore l'Iran. D'ailleurs c'est notamment le scenario que les Etats-Unis veulent interdire.
Si les conditions de la confrontation étaient différentes, et le Golfe n'était pas l'arène de l'éventuelle guerre, la plupart des arsenaux iraniens n'auraient pas constitué une menace pour les forces américaines. L'Iran, par exemple, s'est concentré sur l'importation des missiles antinavires de la Chine (C-801 et C-802), et puis de les développer et de construire de nouvelles répliques, dont la portée est supérieure à 200km et dotés de plusieurs systèmes de propulsion.
Ceci serait insignifiant, si les affrontements avaient lieu au large de l'océan, où les porte-avions et les destroyers sont en mesure d'établir une zone tampon de plus de 400 km de dimension. Une zone qui ne peut être violée par une barque ou un avion. Mais dans le Golfe, la situation est différente, la distance entre la côte iranienne et la base de la cinquième flotte américaine à Bahreïn, est moins de 190 km. Ceci signifie que les navires américains dans le Golfe sont à la portée des missiles lancés par les bateaux à moteur et les avions, et des projectiles lancés à partir des plates-formes terrestres mobiles déployées tout au long de la côte Est du Golfe.
De surcroit, les petits sous-marins produits par dizaines par les Iraniens, n'ont aucune valeur dans l'océan, où les sous-marins américains patrouillent pour supprimer ce genre de menace, mais ces petits-sous-marins deviennent des mines maritimes, se transforment en armes redoutables dans le Golfe peu-profond, où pullulent les objectifs et où les grands sous-marins américains sont incapables de se mouvoir.
Cette même équation s'applique sur les bases américaines dans les pays du voisinage et les armes balistiques iraniennes.
Certains Iraniens disent que le missile «Fateh 110», caractérisés par la précision et dont trois générations ont été produites jusqu'au moment, placent les bases américaines dans le Qatar, les Emirats et l'Arabie sous la menace, tout comme les installations pétrolières et les ports.
En effet, l'Iran possède aussi d'énormes nombres de missiles Chehab 2 et Chehab 3, qui peuvent être lancés en vagues, pour frapper les défenses aériennes dans le Golfe ou en Afghanistan.
Une guerre sans frontières
Deux facteurs résument l'hésitation américaine dans le lancement d'une aventure militaire contre l'Iran :
- La difficulté de limiter le champ de la guerre dans la frontière voulue par les Etats-Unis
- La menace de constituer la première confrontation menée par l'armée américaine selon les conditions de la «guerre moderne», dans la mesure où l'armée de l'adversaire n'appartient pas à l'anciensiècle, mais représente une armée qui connait parfaitement la force américaine qui prépare les moyens techniques pour la contrer.
En d'autres termes, une offensive contre l'Iran ne sera pas une scène ouverte pour exposer la haute technologie américaine. L'armée américaine sait à l'avance que, dans le champ de la bataille, le brouillage affectera le système GPS. De ce fait, les drones pourraient échouer de communiquer avec les bases terrestres via les satellites. Donc, les Etats-Unis pourraient être privés de la reconnaissance spatiale et électronique- ces piliers de la doctrine militaire de la guerre américaine à l'heure actuelle....
Ces craintes ne relèvent point de l'exagération ou de la spéculation. Elles sont bâties sur l'expérience et sur des capacités déjà testées sur le terrain.
Par exemple, dans le même mois où l'Iran est parvenu à contrôler un avion de reconnaissance américain du type «spectre», les Américains furent surpris par l'opération, surtout que les Iraniens avaient «aveuglé» un satellite d'espionnage passant au-dessus de l'Iran, par les rayons de Laser.
Le constat tiré de deux incidents précités montre que l'Iran possède désormais des radars et des équipements de reconnaissance qui lui permettent de détecter les drones furtifs et les satellites à basse altitude et ceci soulève la crainte de ceux qui planifient une guerre.
Les chasseurs américains B-2, considérés comme le fer de lance dans toute offensive aérienne, sont lents et incapables de manœuvrer. Ces avions comptent essentiellement sur la furtivité pour infiltrer l'espace aérien de l'ennemi et frapper les défenses aériennes. Mais lorsque l'Iran prouve sa capacité à vaincre la technologie de «l'invisibilité», les chasseurs les plus couteux dans le monde, deviennent un objectif facile pour les armes de défense aérienne.
Par ailleurs, les Etats-Unis sont habitués aux armées du tiers monde. Ces troupes qui profèrent les menaces, puis il s'avèrequ'elles ont une structure fragile, vulnérable, fondée sur la propagande et dépourvues de toute effectivité militaire. Mais le déploiement des milices soutenues par l'Iran, et leur performance au Liban, à Gaza et en Irak, ont tracé la limite entre la propagande et le sérieux.
Lorsque le navire militaire Hanit a été frappé en 2006 par un missile iranien, plusieurs experts ont affirmé que la guerre contre l'Iran a été reportée de plusieurs années.
En effet, les Arabes furent les premiers à introduire les missiles antinavires à l'histoire militaire, lorsque deux barques égyptiennes ont réussi à détruire le destroyer israélien «Eilat», par des anciens missiles russes «Styx», en 1967.
La frappe contre «Eilat» a secoué la doctrine militaire du combat maritime partout dans le monde. Les stratèges ont compris que ces missiles permettent à une petite barque de détruire des navires. Mais les arabes n'ont pas réussi de répéter cet exploit contre «Israël» tout au long de 40 ans, jusqu'à l'an 2006.
La même idée s'applique aussi sur les explosifs qui ont terrorisé les forces américains en Irak et sur les tactiques qui ont ébranlé les Israéliens à Gaza et au Liban, tout comme la performance des forces entrainées par l'Iran en Syrie.
Bref, les circonstances de la confrontation, empêchent les Etats-Unis de planifier une frappe limitée qui entraverait la riposte iranienne, comme a expliqué Simon Herch dans un article écrit il y a plusieurs années. Les Américains ont découvert que le fait de limiter la guerre avec l'Iran, comme fut le cas en Irak en 1991, est impossible.
En plus, il est irréalisable de pilonner les postes nucléaires iraniens, sans sécuriser les bases aériennes dans la région. Une telle mesure nécessite des frappes contre les plates-formes des missiles iraniens, au moment où ces frappes sont impossibles dans un Golfe plein de missiles antinavires...Ainsi, et progressivement, les objectifs de la campagne américaine se sont multipliés pour englober une invasion des côtes iraniennes, et la destruction d'un grand nombre d'installations militaires. La campagneaérienne s'est transformée en un plan d'une guerre globale comprenant des centaines, voire des milliers d'objectifs. Les généraux américains ont même sérieusement envisagé l'utilisation des bombes nucléaires de tactique pour étouffer les défensesaériennes, selon les sources de Simon Herch.
De cette manière, la guerre contre l'Iran devient un pari périlleux. Certains analystes américains (surtout les pro-israéliens), ont tenté d'encourager le gouvernement américain à frapper l'Iran, affirmant que les défensesaériennes iraniennes ne constitueront pas de danger pour la flotte américaine. Mais aucun pays au monde ne s'aventure dans une guerre, lorsque le prix de l'erreur serait le naufrage de porte-avions, ou la destruction de bases militaires regroupant de milliers de soldats américains.
Chaque fois que la guerre contre l'Iran était reportée, les complications de cette guère augmentaient. De fait, une frappe contre l'Iran en 2004 était plus facile qu'une frappe en 2007 et cette dernière ne peut être comparée à une guerre à l'heure actuelle, après le développement des armes et des capacités militaires iraniennes et la production de plusieurs types de missiles dont la ponctualité et l'effectivité sont renforcées d'un an à l'autre.
C'est pour ces raisons que les Israéliens pressaient les Américains pour frapper l'Iran, argumentant que tout report de la confrontation compliquera davantage les faits, arrivant même à l'impossibilité, surtout que les Iraniens exposent désormais de nouveaux modèles de missiles ambulants, qui introduiront un nouveau facteur dans l'équation.
Des exemples sur les préparatifs de l'Iran : détecter les avions «spectre»
Les pays du tiers monde sont en mesure d'acheter la meilleure technologie fabriquée en occident ou en Russie. Mais cette technologie ne suscite pas l'inquiétude des Etats-Unis dans la même mesure que ferait un radar produit par le pays, par ses propres moyens. En fait, tous les équipements militaires exportés, ont les caractéristiques connues. Et les avions de chasses sont équipés pour détecter les ondes du radar ennemi, et de les brouiller.
L'armée assaillante craint notamment ce qu'elle ne prévoit pas, le radar dont elle ignore la présence et les armes de défense aérienne auxquelles elle n'est pas préparée. Dans la guerre moderne, une batterie de défense aérienne, opérant librement, est en mesure d'abattre plusieurs chasseurs en quelques minutes. D'ailleurs, les Iraniens, lors des défilés militaires, exploitent toujours l'idée de l'intimidation de tout ce qui est inconnu et exposent divers systèmes de défense.
La technologie de la «furtivité» est un exemple clair sur les moyens d'investissement militaire en Iran. Les Etats-Unis sont parvenus, durant plusieurs guerres, à transformer les drones «spectre» en un facteur de suprématie. Ces avions (F-117) avaient frappé les radars irakiens au début de la deuxième guerre du Golfe. Ces mêmes avions, ainsi que les B-2 ont joué un rôle important dans les campagnes militaires contre la Yougoslavie et l'Irak en 2003. D'autre part, plusieurs moyens technologiques ont été mis au point afin de saper la caractéristique de la furtivité. L'Iran a concentré ses recherches notamment dans ce domaine.
Le premier moyen est relatif au type du radar : les Russes ont rapidement découvert que les avions «spectre» sont conçus pour éviter d'être détectés par un type précis de radars sophistiqués à haute fréquence, X -Band. Ces radars utilisés à bord des avions de chasse. Ces fréquences produisent des rayons de quelques centimètres de diamètres, ce qui permet de détecter les objectifs minutieusement et pour orienter les missiles.
Sur ce, les Russes ont commencé à utiliser les techniques des larges fréquences, dont les rayons forment un diamètre de plus d'un mètre. Des radars utilisés par les forces russes depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, mais dont le problème résidait dans le manque de précision. La large fréquence est caractérisée par sa grande dimension qui lui permet de détecter les avions spectres, puisque ces derniers sont conçus pour dévier et absorber les fréquences de quelques centimètres de diamètre. De ce fait ces avions n'empêcheront pas les larges rayons de se refléter vers la source et par la suite de détecter l'objectif.
Lorsque l'avion F-117 fut abattu au-dessus de la Yougoslavie, plusieurs experts ont estimé que l'incident était dû à l'utilisation des anciens radars russes, dans le système de défense aérienne Sam-3.
A la suite de la guerre de Yougoslavie, les Russes ont développé une nouvelle génération des radars aux larges fréquences qui ont été plus tard été fixés dans les batteries des systèmes S-300, produits par la Russie.
Pour sa part, l'Iran a révélé, depuis des ans, avoir conçu plusieurs modèles des radars aux larges fréquences, dont ceux «MatlaaFajer 1» et «Maltaafajr 2». Ce dernier est similaire au radar russe Nebo, fixé aux batteries S-400 et considéré comme un détecteur de l'invisibilité.
Les généraux iraniens prétendent que ces types de radars sont déployés sur le territoire pour couvrir la totalité de l'espace aérien iranien.
La deuxième méthode pour lutter contre les techniques de la furtivité, est basée sur les équipements optiques au lieu des radars. En effet avec le développement des caméras thermiques modernes, les pilotes ont découvert qu'elles constituent un excellent substitut aux radars, puisque l'ennemi ignore qu'elles le traquent. D'ailleurs, l'Iran est un des pays qui comptent le plus sur les systèmes optiques. Téhéran introduit cette technique dans tous les systèmes de défense aérienne et développe toujours de nouveaux systèmes de ce genre.
Conclusion :
L'Iran a édifié ses capacités défensives mais en évitant la concurrence avec les Etats-Unis. La République islamique sait parfaitement qu'elle ne pourra jamais confronter la force occidentale dans l'air ou dans la mer. C'est pour cette raison qu'elle a exploité les lacunes pour frapper l'ennemi par des moyens non traditionnels, comme les missiles.
Les Etats-Unis se sont employés depuis des ans, à développer des armes de défense pour se prémunir des missiles russes, chinois, coréens et iraniens. Mais un récent rapport publié dans l'Economist, a expliqué la complexité de cet objectif.
Les Etats-Unis ont crié victoire en annonçant la production du bouclier anti-missile, mais rares sont ceux qui savent que le programme GMD, qui a couté plus de 40 milliards de dollars, a échoué dans les cinq tests d'interception effectué depuis 2008.
L'Economist précise que 100 milliards de dollars ont été dépensés dans la dernière décennie sur le développement de programmes similaires, sans que les Etats-Unis ne parviennent à éliminer le péril des missiles.
La question n'est pas limitée aux difficultés techniques. Elle concerne aussi la facilité de tromper les systèmes de défense compliqués, par des moyens simples. Les missiles russes sont conçus pour lancer des dizaines d'objectifs illusoires, lorsque la tête du missile s'en dissocie dans l'espace. Des corps similaires à latête explosive, ce qui complique davantage l'interception du missile. Chaque fois que les Etats-Unis développent des nouvellesméthodes d'interception, les Russes développent à leur tour des nouvelles technologies qui annulent les effets des premières.
Cette discussion technique et militaire constitue l'infrastructure de base du développement des relations entre l'Iran et l'occident. Un fait qui détermine à large mesure, les dynamismes de la confrontation et des sanctions, du dialogue et des ententes, de la concurrence et des transactions.
Vu l'ampleur de l'Economie américaine et son énorme potentiel, nul au monde ne peut susciter la crainte des Etats-Unis par les effectifs de son armée ou par la construction des flottes aériennes et maritimes. Ce qui suscite la crainte des Américains, ce sont les armées dotées d'une grande expertise en matière de combat et d'une doctrine militaire qui leur sont propres, bénéficiant des caractéristiques locales et géographiques et dont la doctrine de combat est planifiée hors du cadre traditionnel occidental. Dans ce domaine, nous pouvons beaucoup apprendre de l'expérience iranienne.
Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site