Le sang d’Imad Mognieh trace de nouvelles équations régionales
Trois mois après la fin de la guerre de juillet, les services de renseignements israéliens estimaient que le Hezbollah a rempli le moitié de ses stocks de roquettes et ce en novembre 2006.Lorsque le conflit ouvert se déroule entre un ennemi hargneux et armé en arsenaux modernes, comme «Israël» et un adversaire créatif en matière de techniques de dissuasion, comme la Résistance libanaise, plusieurs détails de ce combat ne seront révélés au grand public, en attendant des données historiques qui le permettent.En juillet 2006, «Israël» a souffert d'une carence en matière de renseignements concernant le Hezbollah. C'est ce qu'a montré, des années plus tard, la lumière braquée sur les violations israéliennes des milieux populaires de la Résistance. Ces violations ont illustré les efforts acharnés de «Tel-Aviv» pour combler la lacune.Avant d'aborder les étapes charnières qui ont suivi l'offensive de juillet 2006, il faut bien comprendre le contexte historique de cette guerre. Un long parcours couronné par la capture des soldats israéliens, le 12 juillet 2006.De fait, le clivage politique et confessionnel sur la scène libanaise depuis l'assassinat du premier ministre Rafic Hariri, a mis cette scène à découvert sur plusieurs plans. Cette donne fut déterminante dans la décision israélienne de lancer l'offensive. A ce fait s'ajoute «la légitimité internationale» conférée par la résolution 1559 à toute opération militaire contre le Hezbollah, en raison des interprétations locales et internationales de cette résolution. En plus, la réussite du Hezbollah de transformer la polémique sur le retrait des armes à la discussion d'une stratégie de défense à la conférence de dialogue, a poussé davantage vers l'option de la guerre.Tout au long des six années précédant la guerre de juillet, depuis le retrait israélien de l'an 2000, il a semblé qu'«Israël» perdait l'équilibre de la dissuasion avec la répétition des tentatives du Hezbollah de capturer des soldats israéliens (plus de cinq tentatives avant 2006) et la redondance des opérations militaires, dites de rappel, dans les fermes de Chebaa. Devant cette réalité, il n'était pas convenable à «Israël» de jouer selon les règles établies par le Hezbollah.
Un autre facteur fut déterminant, à savoir, les intérêts américains ; suite à l'occupation de l'Irak en 2003, Washington a posé la carte libanaise sur la table des négociations avec la Syrie ou plutôt utilisé cette carte dans les pressions contre la Syrie.
Avec la croissance du potentiel du Hezbollah en matière d'arsenaux, plusieurs facteurs se sont conjugués pour permettre au parti de braver l'équilibre de la dissuasion avec l'ennemi. Est alors survenue la prise en otage des soldats israéliens en juillet 2006, pour que cet évènement détermine l'heure du déclenchement de la guerre, non la décision de la déclencher qui était déjà prise en raison des facteurs précités.
Le domaine des renseignements
Le terme « renseignements» fut évoqué à trois reprises dans les recommandations du rapport de Vinograde qui avait mené l'enquête sur les défaites de la guerre de juillet 2006.
Et puisque les analystes et les experts américains et israéliens avaient planché sur ce point dans leurs études tout au long des dernières années, il serait bénéfique d'évoquer certaines données qui marquent à l'heure actuelle le conflit entre «Israël» et le Hezbollah.
Depuis le début du «Printemps arabe», en 2011, les services de renseignements israéliens ont témoigné de changements dramatiques. Même les renseignements militaires ont connu le transfert de plus de mille officiers.
Une des raisons de ces changements radicaux dans les renseignements israéliens, réside dans le développement technologique rapide notamment en matière de moyens de communications modernes (en plus de la crise financière qui frappe les institutions militaires dans les dernières années).
Un des changements significatifs dans la branche des renseignements militaires fut la nomination d'un nouveau chef du groupe des opérations spéciales de l'unité «504», à laquelle revient la gestion des ressources humaines (les espions) dont l'action a été activée au Liban à la suite de la guerre de juillet.
En outre, l'expérience israélienne à Gaza en 2008 ainsi que les exigences de la confrontation dans le dossier nucléaire iranien ont contribué à la mise en place de l'unité militaire de technologie dans le but de collecter les informations au profit de tous les services militaires, dont notamment l'unité de l'espionnage et de la collecte des renseignements via les satellites et les unités des opérations spéciales.
Dans le même contexte, les prérogatives du comité technologique de l'unité des renseignements visuelles (unité 9900) qui collecte les informations à partir des satellites et d'autres sources audio-visuelles, ont été réduites. A noter qu'un rapport israélien a évoqué l'arrêt de la collecte des informations à partir des médias, pour concentrer les efforts sur les médias sociaux.
Effectivement, la branche des renseignements militaire a lancé le programme de «la guerre basée sur les renseignements», dans le but de profiter de ces renseignements dans le front. Ce plan était au cœur des plans quinquénaires de l'armée israélienne, visant à assurer le plus haut niveau possible de cohésion entre les bras de l'armée, (une des leçons tirées de la guerre de 2006, mise en œuvre à Gaza en 2008-2009).
L'assassinat de Lakkis et d'autres leaders
La remise en question des méthodes d'action au sein de l'institution militaire israélienne a été illustrée dans l'assassinat d'un chef du calibre du martyr Hassan Lakkis ou dans la prise pour cible des chefs militaires de la résistance palestinienne. Cette remise en question a même expliqué plusieurs évènements sécuritaires sur la scène libanaise dans les dernières années. Ces évènements englobent des activités d'espionnage, de surveillance et d'exécution d'opérations.
Et puisque les capacités militaires de la résistance étaient au cœur des occupations des renseignements militaires israéliens, les discours israéliens ont évoqué les calculs sur les équilibres de la dissuasion depuis la fin de la guerre, et surtout avec le début de la crise syrienne, puisque l'ennemi craignait l'arrivée d'armes qui brisent l'équilibre, au Hezbollah.
Cependant, le temps du calcul du nombre des roquettes de la résistance est révolu, même pour «Israël». En effet, les efforts de la résistance ont été concentrés après l'expérience en Syrie, sur des opérations ponctuelles similaires à celle du drone Ayyoub et des opérations dans les fermes de chebaa, comme ont précisé les déclarations de sayed Hassan Nasrallah sur la qualité non seulement sur la quantité. De cette manière on peut comprendre la courbe ascendante du discours du sayed Nasrallah dans l'équation de la dissuasion d'une année à l'autre, de «si vous cibler», à «immeuble contre immeuble» à «l'assaut contre la Galilée».
Face à un dôme de fer non efficace et de milliers de bombes à retardement dans «Tel-Aviv» grâce aux tuyaux de gaz installés sous les demeures au moment où le Hezbollah possède d'énormes capacités en matière de roquettes, les craintes israéliennes secoueront toujours l'entité sioniste désormais en mesure de prévoir l'ampleur du lancement des roquettes dans toute prochaine confrontation, puisque la résistance palestinienne, assiégée dans Gaza, est parvenue à lancer une roquette chaque dix minutes depuis le début de l'opération militaire en cours.
Cependant, toute bataille ne sera tranchée que par la confrontation terrestre à laquelle se préparent les deux parties du conflit, avec une suprématie de la résistance qui mène le combat sur son territoire et qui examine la possibilité de transposer la bataille sur le territoire de l'ennemi, comme il a eu lieu à Qosseir en Syrie.
Imad Mognieh : le dossier ouvert
L'assassinat du martyr Imad Mognieh constitue en soi une étape décisive dans le conflit ouvert entre la résistance et «Israël». L'importance de l'évènement réside, en premier lieu, dans les renseignements qui ont permis de détecter une personne du poids d'Imad Mognieh.
Il est peu important de discuter des scenarios de la riposte à cet assassinat. Par contre, il faut examiner les conséquences de cette affaire dans le contexte de la confrontation :
1- L'assassinat de Imad Moghnieh, et selon les déclarations israéliennes, équivaut à la dissuasion, ratée par «Israël» dans la guerre de juillet 2006.
2- L'evocation du nom d'Imad Mognieh et la liste des accusations israéliennes et américaines dans le rapport du Tribunal spécial pour le Liban, hors du contexte de l'affaire, pour parler d'une parenté entre le martyr et Moustapha Badreddine, vise clairement à retirer la carte de la vengeance des mains du parti et à accuser ses bras responsables des opérations extérieures, d'activités hors la loi.
3- L'assassinat de Imad Moghnieh et d'autres chefs de la résistance ne peut passer sans châtiment, surtout que cet exemple pourrait se répéter dans la prochaine période contre d'autres chefs avec l'adoption de l'administration d'Obama de la théorie de la stratégie de la liquidation des cerveaux, comme fut le cas en Iran avec l'assassinat des experts nucléaires et des chefs de projets nucléaires.
4- Les exploits de Imad Mognieh à la suite de la guerre de juillet dans la mesure où le martyr possédait une vision claire sur les périls qui menaçaient la Syrie, et ses exploits en Iran où il a laissé des empreintes dans plusieurs domaines et enfin à Gaza où les roquettes El-Kassam, les tactiques de brigades Al-Qods et les déclarations des formations militaires du Fath, témoignent de l'action de ce chef militaire qui oeuvrait en faveur du projet de la libération de la Palestine, par la force.
L'on peut déduire à partir de ces exploits que le dossier d'Imad Mognieh sera toujours ouvert et intimement lié à la nature du conflit. C'est peut-être ce qu'a voulu dire sayed Hassan Nasrallah, en parlant du sang de Moghnieh qui éliminera «Israël».
Article paru dans le quotidien Assafir, traduit par l'équipe du site