L’Iran-Etat-Unis: l’ère des mutations
Cette semaine, les barrages ont été brisés. Les responsables américains et iraniens se sont rencontrés directement à Genève. Deux jours plus tard, les Iraniens rencontreront les responsables russes. Téhéran s'est imposé en tant que partie prépondérante dans l'équation internationale du Moyen Orient. Une équation qui pousse les alliés de l'Iran, comme la Syrie, l'Irak, le Yémen et le Hezbollah à avoir une grande confiance en soi.
Ces pays parlent presque de la victoire de leur axe. En effet, cette confiance est apparue dans le récent discours du secrétaire général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah.
La transformation des négociations nucléaires du G5+1 en pourparlers directs, est un évènement majeur dans la région. «Le grand Satan» et «l'axe du mal», sont réunis autour d'une même table. Un fait qui relevait dernièrement de la fiction. La rencontre est tenue au niveau des adjoints des ministres des Affaires étrangères des deux pays. Plus tard, on ne serait pas surpris par la hausse du niveau de la représentation des négociateurs. Le monde pourrait ne pas être surpris, si les deux présidents Hassan Rohani et Barack Obama se rencontrent. Depuis leur entretien téléphonique qui a secoué le monde en fin de septembre dernier, les effets positifs se succèdent. Nous sommes de ce fait devant un changement énorme au Moyen Orient. On serait peut-être devant l'élaboration de nouvelles alliances et de nouveaux rôles, dont les répercussions apparaitront prochainement sur plusieurs dossiers, notamment ceux de la Syrie et de l'Iran. Il est normal que l'annonce surprise de ces entretiens soit le fruit d'efforts et de médiations, effectués en catimini.
Plusieurs pays du Golfe ont contribué à ces efforts. Le Sultanat d'Oman, puis le Koweït, l'Irak, et la Turquie et autres. Il va de soi que des entretiens ont eu lieu entre les deux parties au niveau des experts. Les dossiers sont multiples. Compliqués. Certains sont épineux. D'autres sont susceptibles de faire objet d'entente. Les deux pays n'auraient pris le risque de tenir des entretiens publics, sans accord préalable autour de certains dossiers.
La bombe ne constitue pas un problème
Le problème ne réside pas dans la bombe nucléaire. Les Etats-Unis, «Israël» et tous les pays occidentaux réalisent ce fait. L'Iran avait annoncé à plusieurs reprises le refus de produire de telles bombes. Le guide de la Révolution, Sayed Ali Khamenei, avait proscrit la production de cette bombe allant à l'encontre de la doctrine, de la religion et de la morale. Il a précisé que si l'Iran voulait la produire nul ne le lui aurait interdit. C'est vrai. Le problème réside donc dans la possession par l'Iran de l'énergie nucléaire. Non de la bombe. Cette technologie rend l'Iran comme compétiteur féroce de plusieurs pays occidentaux, notamment la France, sur le plan mondial. Si Téhéran et Paris font concurrence pour produire un réacteur atomique pour la production de l'énergie électrique, le premier remportera la course puisque la main d'œuvre y est moins couteuse.
En plus, l'essor scientifique de l'Iran dépasse de 11,3 % celui de son voisinage, comme a indiqué le récent rapport publié par l'institut Thomson et l'agence Reuters. L'Iran a réalisé ces exploits tout en étant assiégé et sanctionné. Ses satellites ont atteint le ciel. Il a contrôlé terre et mer par ses énormes capacités en matière de missiles.
Qu'est ce qui a donc changé ?
Les Etats-Unis et l'occident auraient été convaincus de la nécessité pour l'Iran de préserver ses exploits en matière de technologie nucléaire.
L'occident a accepté ce qu'il refusait dans le passé. La politique de «la flexibilité du boxeur», évoquée par sayed Khamenei, a réussi à grande échelle. Dans la flexibilité, le guide de la Révolution affirmait que les négociations sont vaines. Il a poursuivi ses attaques contre les Etats-Unis, tout en soutenant les négociateurs. Le président Rohani et le ministère des AE multipliaient les indices de l'ouverture. La flexibilité du boxeur a été conciliée avec la manœuvre du boxeur.
Quel fut le résultat ?
Au niveau de la région, l'Iran est le pays le plus important pour les Etats-Unis et l'Otan, en face du terrorisme. Les études militaires dans les centres américains le confirment. Cette conviction sera renforcée dans la prochaine période, chaque fois que le terrorisme nécessitait une coopération internationale et régionale plus étroite. Une coopération qui englobera plus tard l'armée syrienne.
L'Iran et les Etats-Unis seraient en mesure de s'entendre sur leurs rôles dans l'est de l'Asie. Cette région sera d'une importance vitale pour Washington dans les prochaines décennies. Certains estiment qu'elle sera le point fort après le Moyen Orient, suite notamment à 2018, où les Etats-Unis abandonneront le pétrole du Golfe.
Il suffit de remarquer le nombre des sommets tenus par l'Iran avec les dirigeants asiatiques dans les derniers mois, pour comprendre la raison de l'intérêt américain porté à cette région du monde.
Tous les foyers de tension au Moyen Orient et le Golfe nécessitent une entente américano-iranienne. Certaines de ces ententes sont déjà une réalité. L'Irak en est un exemple. Le gouvernement libanais et le plan de sécurité s'inscrivent aussi dans ce contexte.
On évoque des conseils américains et russes donnés à Riyad sur l'importance du rapprochement avec Téhéran. On dit même qu'Obama en personne l'avait souhaité lors de sa dernière visite en Arabie. Le président américain est passé de la politique de l'isolement de l'Iran, suite à l'échec de cette dernière, à celle consistant à contenir l'Iran, l'Arabie et les autres alliés du Golfe. Certaines inquiétudes dans le Golfe sont justifiées quant à l'importance accordée par l'administration américaine à son rapprochement avec Téhéran.
Que le ministre d'Etat américain, John Kerry, donne lecture à un communiqué écrit, appelant l'Iran et le Hezbollah à trouver une solution en Syrie, n'est guère passager. C'est un grand changement. Le considérer comme un lapsus serait naïf. Le texte était écrit. Kerry l'a lu littéralement. Ce communiqué est survenu directement à la suite de la présidentielle syrienne. Donc, ce n'est pas un évènement ordinaire. En effet, le Moyen Orient sera habitué à plusieurs faits inhabituels dans la prochaine période.
Que l'émir du Koweït, cheikh Sobah el-Ahmad Jaber al-Sobah se rende à Téhéran n'est pas non plus une démarche passagère. Un échange de visites l'a précédé entre Téhéran et les Emirats au niveau des ministres de l'Intérieur.
Il convient de noter dans ce contexte, que ce pays du Golfe qui demande de récupérer trois iles de l'Iran, est le même dont le niveau des échanges économiques avec la République islamique a atteint les 16 milliards de dollars, juste en 2013.
A ces faits s'ajoutent la grande ouverture qatarie sur l'Iran ou la visite du ministre adjoint des AE iranien, Hussein Amir Abdullahian au Yémen, puis sa rencontre avec le président du bureau politique du mouvement Hamas, Khaled Machaal. A Doha.
Que la Turquie entreprenne de faciliter les rencontres irano-américaines, n'est point passager.
L'ex-représentant de l'Iran à l'ONU, Ali Khorm, a indiqué que les négociations non officielles qui ont eu lieu dernièrement à Istanbul, auront des effets positifs sur le prochain round de négociations entre Iran et le G5+1, ce qui aiderait les deux parties à parvenir à une entente.
Il est important d'analyser les détails de la visite effectuée lundi et mardi, par le président iranien en Turquie. Plus important est encore, le suivi des discours turcs dans la période qui suivra cette visite.
Que l'Egypte, en alliance étroite avec l'Arabie saoudite, adresse une invitation à l'Iran pour prendre part à la cérémonie d'investiture du président égyptien Abdel Fattah el-Sissi, est aussi marquant.
Plusieurs informations font état de médiations pour renforcer les relations irano-égyptiennes. Les intérêts communs comptent. Téhéran maintient encore quelques réserves sur l'ouverture à Sissi. Il peut décider de s'ouvrir à ce dernier, comme de maintenir ses lignes ouvertes avec les Frères Musulmans et le mouvement Hamas.
Que le président de la Fondation du patrimoine culturel iranien, Massoud Sultani, dise que le nombre des touristes américains ayant visité l'Iran durant cette période a augmenté de vingt fois, n'est guère éphémère.
De surcroit, les mesures économiques et bancaires convenues entre Washington et Téhéran laissent croire que les faits se dirigent rapidement vers l'entente globale. Est-ce par pure coïncidence qu'Obama décide de reporter les sanctions pétrolières contre l'Iran pour six mois ?
En outre, que les délégations européennes affluent en Iran en quête de transactions économiques, est aussi significatif.
Qu'en est-il de la Syrie ?
La position de l'Iran et de la Russie était claire dans le soutien de la présidentielle syrienne. Depuis la première année de la guerre en et contre la Syrie, Sayed Khamenei a délivré une quantité suffisante de messages, pour faire comprendre aux ennemis de la Syrie que la position de l'Iran est ferme aux côtés du régime du président Bachar Assad.
Il a multiplié ses messages soutenant le commandement syrien, lorsque l'administration de l'ancien président Mahmoud Ahmadinejad a montré quelques réticences. En effet, tous savent d'où émane la décision iranienne à l'égard de la Syrie. Cette position s'est raffermie davantage, notamment suite à l'intervention du Hezbollah dans ce pays.
Téhéran a envoyé un de ses faucons, président de la commission parlementaire des relations étrangères et de la sécurité, Alaeddine Boroujordi en Syrie, afin de soutenir la présidentielle. Et ses résultats. Le président Rohani a été un des premiers à féliciter son homologue syrien pour son troisième mandat.
Téhéran ressent la force et la justesse de sa position suite aux élections, mais aussi dans le contexte de l'avancée remarquable de l'armée syrienne et de ses alliés sur le terrain.
La possibilité d'un compromis iranien avec les Américains sur l'avenir de la Syrie titille les rêves de certains analystes hostiles à Assad.
Celui qui a écouté les discours des hauts responsables iraniens dans les derniers mois, comprend que ces rêves sont chimériques. L'Iran ne s'est pas impliqué dans l'appui militaire, financier et politique auprès du président Assad, pour qu'il l'abandonne au moment de la victoire.
L'expression « victoire » a été évoquée par plusieurs responsables iraniens dernièrement, tout comme dans les récents propos du secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah.
Par ailleurs, les alliés de la Syrie, l'Iran et le Hezbollah, reconnaissent que sans la résistance de l'armée syrienne, nulle partie n'aurait réussi à passer de la phase de la défense vers l'offensive et les débuts de la victoire.
Pour l'instant, l'Iran n'a point évoqué d'autres dossiers lors de ses négociations avec les pays occidentaux. Il disait toujours, nous finalisons d'abord le dossier du nucléaire puis nous passons à d'autres.
Des informations sûres font état d'offres attrayantes avancées aux autorités iraniennes pour changer leur attitude à l'égard d'Assad. Toutes ces offres butaient à une seule réponse : «Damas est pour nous comme Téhéran».
Ces propos ont été directement dits par des responsables iraniens au commandement syrien. Des propos similaires ont été prononcés par le commandement russe : «défendre Damas équivaut à la défense de Moscou».
A l'heure actuelle, au moment où l'accord nucléaire est au seuil de ses grandes étapes, pourrons-nous espérer des détentes en Syrie, au Liban, au Yémen, à Bahreïn et ailleurs dans les dossiers épineux ?
Pouvons-nous nous attendre à une détente dans les relations irano-saoudiennes stagnant dans l'étape des complications comme a-t-on compris dans le dernier discours de Sayed Nasrallah ?
Bien sûr que oui. Des éclaircies auront lieu puisque la coopération dans la lutte antiterroriste et dans le maintien des intérêts nécessite des ententes, des changements et des détentes. On parle d'un document politique iranien à propos de la Syrie, visant à élargir la base du pouvoir dans l'avenir. Ceci est important, à condition de ne pas toucher aux prérogatives du président.
Mais, les détentes auront lieu rapidement et sans entraves ?
Bien sûr que non. Les négociations pourraient trébucher. Plusieurs facteurs auraient des effets.
Israël, inquiet et ayant des relations troublées avec les Etats-Unis, surveille et planifie. Il pourrait embarrasser tous par une aventure téméraire. Le Golfe inquiet du rôle iranien et de l'avenir du rapprochement américano-iranien examine les changements dans les politiques américaines. Les extrémistes aux Etats-Unis et en Iran même ne désirent pas aller plus loin dans les concessions mutuelles.
Tout est possible. Mais sans aucun doute, la région plonge à partir de ces jours dans l'ère des grandes mutations.
Il n'est point ordinaire que les Américains et les Iraniens s'assoient autour d'une même table pour s'entendre. C'est en soi la première des mutations charnières.
Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site
Ces pays parlent presque de la victoire de leur axe. En effet, cette confiance est apparue dans le récent discours du secrétaire général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah.
La transformation des négociations nucléaires du G5+1 en pourparlers directs, est un évènement majeur dans la région. «Le grand Satan» et «l'axe du mal», sont réunis autour d'une même table. Un fait qui relevait dernièrement de la fiction. La rencontre est tenue au niveau des adjoints des ministres des Affaires étrangères des deux pays. Plus tard, on ne serait pas surpris par la hausse du niveau de la représentation des négociateurs. Le monde pourrait ne pas être surpris, si les deux présidents Hassan Rohani et Barack Obama se rencontrent. Depuis leur entretien téléphonique qui a secoué le monde en fin de septembre dernier, les effets positifs se succèdent. Nous sommes de ce fait devant un changement énorme au Moyen Orient. On serait peut-être devant l'élaboration de nouvelles alliances et de nouveaux rôles, dont les répercussions apparaitront prochainement sur plusieurs dossiers, notamment ceux de la Syrie et de l'Iran. Il est normal que l'annonce surprise de ces entretiens soit le fruit d'efforts et de médiations, effectués en catimini.
Plusieurs pays du Golfe ont contribué à ces efforts. Le Sultanat d'Oman, puis le Koweït, l'Irak, et la Turquie et autres. Il va de soi que des entretiens ont eu lieu entre les deux parties au niveau des experts. Les dossiers sont multiples. Compliqués. Certains sont épineux. D'autres sont susceptibles de faire objet d'entente. Les deux pays n'auraient pris le risque de tenir des entretiens publics, sans accord préalable autour de certains dossiers.
La bombe ne constitue pas un problème
Le problème ne réside pas dans la bombe nucléaire. Les Etats-Unis, «Israël» et tous les pays occidentaux réalisent ce fait. L'Iran avait annoncé à plusieurs reprises le refus de produire de telles bombes. Le guide de la Révolution, Sayed Ali Khamenei, avait proscrit la production de cette bombe allant à l'encontre de la doctrine, de la religion et de la morale. Il a précisé que si l'Iran voulait la produire nul ne le lui aurait interdit. C'est vrai. Le problème réside donc dans la possession par l'Iran de l'énergie nucléaire. Non de la bombe. Cette technologie rend l'Iran comme compétiteur féroce de plusieurs pays occidentaux, notamment la France, sur le plan mondial. Si Téhéran et Paris font concurrence pour produire un réacteur atomique pour la production de l'énergie électrique, le premier remportera la course puisque la main d'œuvre y est moins couteuse.
En plus, l'essor scientifique de l'Iran dépasse de 11,3 % celui de son voisinage, comme a indiqué le récent rapport publié par l'institut Thomson et l'agence Reuters. L'Iran a réalisé ces exploits tout en étant assiégé et sanctionné. Ses satellites ont atteint le ciel. Il a contrôlé terre et mer par ses énormes capacités en matière de missiles.
Qu'est ce qui a donc changé ?
Les Etats-Unis et l'occident auraient été convaincus de la nécessité pour l'Iran de préserver ses exploits en matière de technologie nucléaire.
L'occident a accepté ce qu'il refusait dans le passé. La politique de «la flexibilité du boxeur», évoquée par sayed Khamenei, a réussi à grande échelle. Dans la flexibilité, le guide de la Révolution affirmait que les négociations sont vaines. Il a poursuivi ses attaques contre les Etats-Unis, tout en soutenant les négociateurs. Le président Rohani et le ministère des AE multipliaient les indices de l'ouverture. La flexibilité du boxeur a été conciliée avec la manœuvre du boxeur.
Quel fut le résultat ?
Au niveau de la région, l'Iran est le pays le plus important pour les Etats-Unis et l'Otan, en face du terrorisme. Les études militaires dans les centres américains le confirment. Cette conviction sera renforcée dans la prochaine période, chaque fois que le terrorisme nécessitait une coopération internationale et régionale plus étroite. Une coopération qui englobera plus tard l'armée syrienne.
L'Iran et les Etats-Unis seraient en mesure de s'entendre sur leurs rôles dans l'est de l'Asie. Cette région sera d'une importance vitale pour Washington dans les prochaines décennies. Certains estiment qu'elle sera le point fort après le Moyen Orient, suite notamment à 2018, où les Etats-Unis abandonneront le pétrole du Golfe.
Il suffit de remarquer le nombre des sommets tenus par l'Iran avec les dirigeants asiatiques dans les derniers mois, pour comprendre la raison de l'intérêt américain porté à cette région du monde.
Tous les foyers de tension au Moyen Orient et le Golfe nécessitent une entente américano-iranienne. Certaines de ces ententes sont déjà une réalité. L'Irak en est un exemple. Le gouvernement libanais et le plan de sécurité s'inscrivent aussi dans ce contexte.
On évoque des conseils américains et russes donnés à Riyad sur l'importance du rapprochement avec Téhéran. On dit même qu'Obama en personne l'avait souhaité lors de sa dernière visite en Arabie. Le président américain est passé de la politique de l'isolement de l'Iran, suite à l'échec de cette dernière, à celle consistant à contenir l'Iran, l'Arabie et les autres alliés du Golfe. Certaines inquiétudes dans le Golfe sont justifiées quant à l'importance accordée par l'administration américaine à son rapprochement avec Téhéran.
Que le ministre d'Etat américain, John Kerry, donne lecture à un communiqué écrit, appelant l'Iran et le Hezbollah à trouver une solution en Syrie, n'est guère passager. C'est un grand changement. Le considérer comme un lapsus serait naïf. Le texte était écrit. Kerry l'a lu littéralement. Ce communiqué est survenu directement à la suite de la présidentielle syrienne. Donc, ce n'est pas un évènement ordinaire. En effet, le Moyen Orient sera habitué à plusieurs faits inhabituels dans la prochaine période.
Que l'émir du Koweït, cheikh Sobah el-Ahmad Jaber al-Sobah se rende à Téhéran n'est pas non plus une démarche passagère. Un échange de visites l'a précédé entre Téhéran et les Emirats au niveau des ministres de l'Intérieur.
Il convient de noter dans ce contexte, que ce pays du Golfe qui demande de récupérer trois iles de l'Iran, est le même dont le niveau des échanges économiques avec la République islamique a atteint les 16 milliards de dollars, juste en 2013.
A ces faits s'ajoutent la grande ouverture qatarie sur l'Iran ou la visite du ministre adjoint des AE iranien, Hussein Amir Abdullahian au Yémen, puis sa rencontre avec le président du bureau politique du mouvement Hamas, Khaled Machaal. A Doha.
Que la Turquie entreprenne de faciliter les rencontres irano-américaines, n'est point passager.
L'ex-représentant de l'Iran à l'ONU, Ali Khorm, a indiqué que les négociations non officielles qui ont eu lieu dernièrement à Istanbul, auront des effets positifs sur le prochain round de négociations entre Iran et le G5+1, ce qui aiderait les deux parties à parvenir à une entente.
Il est important d'analyser les détails de la visite effectuée lundi et mardi, par le président iranien en Turquie. Plus important est encore, le suivi des discours turcs dans la période qui suivra cette visite.
Que l'Egypte, en alliance étroite avec l'Arabie saoudite, adresse une invitation à l'Iran pour prendre part à la cérémonie d'investiture du président égyptien Abdel Fattah el-Sissi, est aussi marquant.
Plusieurs informations font état de médiations pour renforcer les relations irano-égyptiennes. Les intérêts communs comptent. Téhéran maintient encore quelques réserves sur l'ouverture à Sissi. Il peut décider de s'ouvrir à ce dernier, comme de maintenir ses lignes ouvertes avec les Frères Musulmans et le mouvement Hamas.
Que le président de la Fondation du patrimoine culturel iranien, Massoud Sultani, dise que le nombre des touristes américains ayant visité l'Iran durant cette période a augmenté de vingt fois, n'est guère éphémère.
De surcroit, les mesures économiques et bancaires convenues entre Washington et Téhéran laissent croire que les faits se dirigent rapidement vers l'entente globale. Est-ce par pure coïncidence qu'Obama décide de reporter les sanctions pétrolières contre l'Iran pour six mois ?
En outre, que les délégations européennes affluent en Iran en quête de transactions économiques, est aussi significatif.
Qu'en est-il de la Syrie ?
La position de l'Iran et de la Russie était claire dans le soutien de la présidentielle syrienne. Depuis la première année de la guerre en et contre la Syrie, Sayed Khamenei a délivré une quantité suffisante de messages, pour faire comprendre aux ennemis de la Syrie que la position de l'Iran est ferme aux côtés du régime du président Bachar Assad.
Il a multiplié ses messages soutenant le commandement syrien, lorsque l'administration de l'ancien président Mahmoud Ahmadinejad a montré quelques réticences. En effet, tous savent d'où émane la décision iranienne à l'égard de la Syrie. Cette position s'est raffermie davantage, notamment suite à l'intervention du Hezbollah dans ce pays.
Téhéran a envoyé un de ses faucons, président de la commission parlementaire des relations étrangères et de la sécurité, Alaeddine Boroujordi en Syrie, afin de soutenir la présidentielle. Et ses résultats. Le président Rohani a été un des premiers à féliciter son homologue syrien pour son troisième mandat.
Téhéran ressent la force et la justesse de sa position suite aux élections, mais aussi dans le contexte de l'avancée remarquable de l'armée syrienne et de ses alliés sur le terrain.
La possibilité d'un compromis iranien avec les Américains sur l'avenir de la Syrie titille les rêves de certains analystes hostiles à Assad.
Celui qui a écouté les discours des hauts responsables iraniens dans les derniers mois, comprend que ces rêves sont chimériques. L'Iran ne s'est pas impliqué dans l'appui militaire, financier et politique auprès du président Assad, pour qu'il l'abandonne au moment de la victoire.
L'expression « victoire » a été évoquée par plusieurs responsables iraniens dernièrement, tout comme dans les récents propos du secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah.
Par ailleurs, les alliés de la Syrie, l'Iran et le Hezbollah, reconnaissent que sans la résistance de l'armée syrienne, nulle partie n'aurait réussi à passer de la phase de la défense vers l'offensive et les débuts de la victoire.
Pour l'instant, l'Iran n'a point évoqué d'autres dossiers lors de ses négociations avec les pays occidentaux. Il disait toujours, nous finalisons d'abord le dossier du nucléaire puis nous passons à d'autres.
Des informations sûres font état d'offres attrayantes avancées aux autorités iraniennes pour changer leur attitude à l'égard d'Assad. Toutes ces offres butaient à une seule réponse : «Damas est pour nous comme Téhéran».
Ces propos ont été directement dits par des responsables iraniens au commandement syrien. Des propos similaires ont été prononcés par le commandement russe : «défendre Damas équivaut à la défense de Moscou».
A l'heure actuelle, au moment où l'accord nucléaire est au seuil de ses grandes étapes, pourrons-nous espérer des détentes en Syrie, au Liban, au Yémen, à Bahreïn et ailleurs dans les dossiers épineux ?
Pouvons-nous nous attendre à une détente dans les relations irano-saoudiennes stagnant dans l'étape des complications comme a-t-on compris dans le dernier discours de Sayed Nasrallah ?
Bien sûr que oui. Des éclaircies auront lieu puisque la coopération dans la lutte antiterroriste et dans le maintien des intérêts nécessite des ententes, des changements et des détentes. On parle d'un document politique iranien à propos de la Syrie, visant à élargir la base du pouvoir dans l'avenir. Ceci est important, à condition de ne pas toucher aux prérogatives du président.
Mais, les détentes auront lieu rapidement et sans entraves ?
Bien sûr que non. Les négociations pourraient trébucher. Plusieurs facteurs auraient des effets.
Israël, inquiet et ayant des relations troublées avec les Etats-Unis, surveille et planifie. Il pourrait embarrasser tous par une aventure téméraire. Le Golfe inquiet du rôle iranien et de l'avenir du rapprochement américano-iranien examine les changements dans les politiques américaines. Les extrémistes aux Etats-Unis et en Iran même ne désirent pas aller plus loin dans les concessions mutuelles.
Tout est possible. Mais sans aucun doute, la région plonge à partir de ces jours dans l'ère des grandes mutations.
Il n'est point ordinaire que les Américains et les Iraniens s'assoient autour d'une même table pour s'entendre. C'est en soi la première des mutations charnières.
Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site